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«Le Joker»: une œuvre riche, drôle et très originale sur le thème des morts-vivants

Histoire loufoque et bien embrouillée d'une famille « moderne »,, mis en scène par Éric Jean et présenté au théâtre de Quat'sous, n'est toutefois pas si éloignée d'une certaine réalité non plus.
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La littérature, la bande dessinée, le cinéma, les séries télé... autant de domaines artistiques qui se sont emparés depuis longtemps et avec toujours plus de succès des histoires de vampires, de revenants et autres morts-vivants. Dans une parodie comico-tragique de ces œuvres gore si appréciées du grand public et en particulier des adolescents, Le Joker de Larry Tremblay mis en scène par Éric Jean, propose au théâtre de Quat'sous le récit très largement invraisemblable - comme il se doit - d'une famille apparemment ordinaire (un couple, leur grand fils et sa petite amie) dont les différents membres, les uns après les autres, se transforment en morts-vivants, à moins qu'ils n'aient déjà été dans un état de quasi-absence les uns vis-à-vis des autres (c'est-à-dire un peu morts, finalement), du temps où ils étaient encore vivants.

La journaliste Julianne, la mère d'Olivier (un jeune poète qu'elle pense gai), ressuscite trois jours après son suicide. Le couple qu'elle forme avec son père bat de l'aile depuis longtemps. Ce dernier, Simon, comptable puis policier, a d'ailleurs une aventure avec Alice, à la vocation tardive de danseuse, la petite amie d'Olivier dont elle porte le bébé... Histoire loufoque et bien embrouillée d'une famille « moderne », mais pas si éloignée d'une certaine réalité non plus. L'intérêt de la pièce ne réside pas dans le côté plus ou moins absurde de l'histoire, mais dans la forme que les dialogues et la mise en scène des acteurs excellents sur fond de musiques et de décors très réussis, prend dans cette œuvre pour le moins singulière et durant laquelle l'humour est distillé du début à la fin.

Grâce à des décors très ingénieux qui permettent par un jeu de niveaux de détourner le regard du spectateur, tous les effets spéciaux des films de fantômes sont reproduits sur la scène avec un effet comique irrésistible. Ainsi, les personnages, qui ne savent jamais trop s'ils rêvent ou s'ils sont éveillés, se transforment physiquement, mais pas trop, dès qu'ils passent l'au-delà; les murs sont capables d'avaler Julianne,; Alice disparaît dans son pays des Merveilles en tombant tête la première dans un panier à linge sale; le vent se met à souffler et ouvre tout seul les fenêtres; des doubles dans le style du Mulholland Drive de David Lynch apparaissent d'on ne sait où et - toujours dans le genre double - le Joker, cette petite voix intérieure qui perturbe chacun d'entre nous par ses propos bizarres, se matérialise dans la figure d'une tête inquiétante qui affleure le plancher et déballe ce qu'elle pense sans aucune inhibition...

Tous les protagonistes ou presque sont un peu paranoïaques, convaincus de la réalité d'une rumeur selon laquelle le danger est à leur porte dans la figure des autres, « Eux », et qui fait que la ville est sous haute surveillance et sous alerte rouge. Toute une ambiance de film de fantômes destinée à la fois à faire rire et à donner la chair de poule se dégage de cette pièce où certains protagonistes se plaisent à regarder sur l'écran plat de leur salle de séjour des films d'horreur et de vampires sanguinolents... Mais ce qui apparaît surtout c'est toute une ambiance d'incompréhension et de grande solitude de chacun des membres de la famille. Personne ne se soucie de personne sauf à de rares exceptions, car personne n'est capable de ressentir les sentiments des autres, voire d'accéder à ses propres sentiments dans la mesure où cet Autre, le Joker, expression de la plus étrange des familiarités, se niche au plus profond de chacun d'entre nous...

Le Joker est une œuvre riche, drôle et très originale. Les acteurs sont remarquables et la mise en scène de très grande qualité.

Le Joker, du 7 novembre au 2 décembre 2016, au théâtre de Quat'Sous à Montréal

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