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Le ministre devrait reconnaître le rôle positif des enseignants pour la défense de l'école publique

Les enseignants n'ont pas peur du changement, mais pour s'intégrer à une démarche de réflexion ils doivent être respectés.
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skynesher via Getty Images

Tout au long de ma carrière d'enseignant, des élèves me demandaient pourquoi apprendre toutes ces notions inutiles. Et moi de leur répondre que l'éducation c'est la liberté : la liberté de penser et la liberté de choisir. Une des premières réalisations d'un pays qui se libère de la dictature est de rendre l'éducation accessible à tous, pour bâtir le futur. Sur ce point, je suis d'accord avec le ministre Proulx qui affirme qu'un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire. Je ne peux qu'applaudir lorsqu'il propose de valoriser l'éducation et qu'elle soit la priorité de nos valeurs fondamentales. Mais je crois que le ministre ne prend pas les bons moyens pour mobiliser les premiers concernés, les enseignants.

Un mythe de plus en plus répandu au Québec est de croire que le problème majeur en éducation est l'incompétence des enseignants. Ce que, malheureusement, l'exposé du ministre entretient. Il projette de valoriser la profession « pour y attirer des hommes et des femmes de qualité ». Pour lui, «il faut une révolution, pour passer à une valorisation au point de sélectionner l'élite pour occuper l'emploi le plus important dans une société ». Le message envoyé à la population et aux enseignants est un diagnostic d'incompétence. Il entretient le préjugé que les enseignants ne sont pas les meilleurs candidats, mais un refuge pour ceux qui ne peuvent réussir ailleurs.

Pour corriger la situation, le ministre propose la création d'un ordre professionnel. Pourtant, le but premier d'un ordre professionnel est de protéger le public et non de valoriser la profession. Certains y voient le respect des normes déontologiques par la formation continue, le traitement des plaintes et l'évaluation des enseignants. Comme s'il n'y avait pas actuellement des mécanismes en place pour répondre à ces besoins. Est-ce qu'un ordre des ingénieurs a empêché d'aboutir à une commission Charbonneau dans le domaine de la construction ? A-t-on vraiment besoin d'une structure bureaucratique de plus ?

La compétence des enseignants est-elle remise en question dans les écoles privées ? Pourtant, les enseignants reçoivent tous la même formation au Québec. Quand j'enseignais au programme international, d'une école publique, très peu d'élèves étaient en échec et il n'y avait pratiquement pas de décrocheurs. Ces élèves étaient motivés, responsables, soutenus par leurs parents, organisés et possédaient une culture de réussite, donc très peu de gestion de classe à faire. La situation est bien différente en classe ordinaire où les élèves en difficulté sont de plus en plus intégrés sans les ressources nécessaires. Si les conditions sont impossibles, la réussite des élèves ne sera pas au rendez-vous, peu importe la compétence des enseignants.

Le ministre ne se gêne pas pour encenser les directions d'école, « des femmes et des hommes animés par ce désir d'entretenir le vivant dans les murs de nos écoles, les directeurs et les directrices. Brillants, fiers, allumés et dynamiques ». Même chose pour les fonctionnaires du ministère de l'Éducation où il « salue le travail rigoureux et de grande qualité des équipes avec lesquels j'ai eu l'occasion de changer les choses. Elles sont engagées dans le changement. Elles veulent porter plus avant nos actions. Ces équipes travaillent avec cœur et passion. Elles sont dévouées et compétentes ». Au sujet des enseignants, silence radio, au lieu de reconnaître leur expertise, on remet en question leurs compétences. C'est deux choses différentes de vouloir valoriser la profession et de valoriser les enseignants actuels.

Il devrait souligner leur professionnalisme et leur courage de ne pas avoir baissé les bras devant le manque de ressources et le délabrement des écoles.

La valorisation de la profession et de l'éducation commence par une reconnaissance des enseignants. Le ministre devrait louer leur dévouement et leur engagement pour la réussite des élèves. Il devrait souligner leur professionnalisme et leur courage de ne pas avoir baissé les bras devant le manque de ressources et le délabrement des écoles. Le ministre devrait reconnaître le rôle positif des enseignants pour la défense de l'école publique. Il devrait reconnaître l'implication des enseignants pour la justice sociale et la défense de l'égalité des chances, pour la réussite de tous. Le ministre doit donner l'exemple et cesser d'entretenir le dénigrement des enseignants et d'insinuer qu'ils résistent aux changements. Le ministre souligne que « force est de constater que notre société compte plus de gardiens du statu quo que d'accélérateur de changement. Nous sommes là, à la frontière du corporatisme ». Peut-être qu'il peut marquer des points politiques sur le dos des enseignants, mais avec son discours, il n'arrivera pas à les mobiliser pour une véritable discussion comme il l'espère. Les enseignants n'ont pas peur du changement, mais pour s'intégrer à une démarche de réflexion ils doivent être respectés.

Avril 2018

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