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Le printemps 2012 et aujourd'hui

Si le mouvement n'est pas aussi puissant qu'il y a trois ans, s'il ne parvient pas à répondre à de si fortes attentes, ne risque-t-il pas d'être alors nécessairement dévalorisé, aux yeux des médias, et même de ceux qui y participent?
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Avec le vote de grève de plusieurs associations étudiantes, il arrive de comparer notre printemps à celui de 2012. À observer certaines manifestations, et la répression policière qui s'ensuit, on peut avoir la curieuse impression que l'histoire se répète. Avec le danger de mal évaluer les évènements: si le mouvement n'est pas aussi puissant qu'il y a trois ans, s'il ne parvient pas à répondre à de si fortes attentes, ne risque-t-il pas d'être alors nécessairement dévalorisé, aux yeux des médias, et même de ceux qui y participent?

En 2012, la bataille avait été déclenchée par un problème ponctuel : la hausse des droits de scolarité. Les étudiants, qui s'y étaient préparés depuis deux ans, avaient habilement lié cette question aux choix politiques qu'elle impliquait : une tarification des services créatrice d'inégalités et une vision marchande de l'éducation. Et ces changements étaient imposés sans débat public, par un gouvernement soupçonné de sombres affaires de corruption.

Tout se déroulait sous le mode de l'urgence. Il fallait au plus vite faire tomber une mesure qui s'appliquerait bientôt, et en même temps un gouvernement en fin de mandat, usé par le pouvoir, peu à l'écoute et arrogant. Pour y arriver, il fallait de grandes manifestations, preuves vivantes d'un mouvement collectif puissant et significatif. Puis, devant la volonté du gouvernement de réprimer le mouvement plutôt que de l'entendre, les gens ont pris la rue avec leurs casseroles, dans un élan qui mêlait la colère, la surprise et la jubilation.

Aujourd'hui, le début des grèves étudiantes ont un air de réchauffé : mêmes votes tourmentés dans les associations étudiantes, mêmes réactions de repli des anti-grèvistes en évoquant la loi et les injonctions, mêmes manifestations dans les mêmes lieux, mêmes réactions outrées dans les grands médias, même refus d'écouter du gouvernement, mêmes tactiques policières, même violence.

Pourtant, la situation, elle, n'est en rien comparable. Les grèves étudiantes aujourd'hui sont un élément d'un mouvement beaucoup plus large contre des mesures d'austérité imposées par les libéraux, qui n'ont pas été élus pour les appliquer. La bataille concerne des bouleversements sociaux qui ont été clairement anticipés en 2012, mais qui sont maintenant plus tangibles et menaçants. Il ne s'agit plus d'éducation seulement, mais d'une remise en cause radicale du modèle québécois.

Le gouvernement s'appuie sur son statut de gouvernement majoritaire fraichement élu. Il donne une légitimité à ses actions par des commissions - commission Robillard, commission Godbout - soutenues par des «consultations» qui n'entendent vraiment que les alliés. Son aveuglement idéologique, son soutien imparable à l'entreprise privée, son obsession de faire baisser les impôts rendent le dialogue très difficile. Le projet de redresser les finances publiques n'est qu'un prétexte fallacieux, puisque ce gouvernement n'a pas manifesté la moindre intention d'aller chercher davantage de revenus, comme lui demandent tant de citoyens.

Si ce gouvernement parvient à ses fins, le Québec ne sera plus le même à la fin de son mandat : les services publics auront été affaiblis, réduits. Les inégalités sociales seront plus grandes. Les employés de l'État pourraient voir leur salaire diminué, tenant compte de l'inflation. L'impôt progressif, mode de distribution solidaire de la richesse, reculera devant une taxation régressive, à l'image d'une société individualiste. Les programmes sociaux sérieusement atteints, nombre de personnes seront abandonnées, ou devront se soumettre aux caprices de la charité et à l'humiliation qui en découle. Et notre environnement pourrait être menacé par un oléoduc permettant d'exporter le pétrole archi polluant des sables bitumineux à travers le monde.

Une telle charge de notre gouvernement dans tant de secteurs nécessite une réaction à la fois très forte et à long terme. En ce sens, les grèves étudiantes ne sont pas prématurées. Il faut plutôt admirer le courage et la vigilance de jeunes qui comprennent bien tout ce dont toute la société québécoise est victime, et la vigueur de la réponse qu'il faut donner.

De nombreuses actions contre les libéraux, qui ont eu lieu partout au Québec depuis le début de l'année, organisées entre autres par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, ont montré que l'opposition doit aussi se faire sous le mode de la guérilla : des actions à plus petite échelle, nombreuses, dérangeantes mais pacifiques, avec des images fortes, se sont répétées et se poursuivront sans aucun doute. Déjà, la combattivité de ces groupes est marquante. Et à l'automne prochain, il faut s'attendre à une forte réaction syndicale devant des offres gouvernementales qui sont des reculs à tous les niveaux dans leurs conditions de travail.

À des changements plus structuraux s'organise un autre type de réactions, plus variées, à plus long terme. Le printemps de 2014 ne ressemblera pas à celui de 2012, son dynamisme ne sera pas le même. Les enjeux sont considérables et les Québécois restent attachés à un modèle qu'on ne peut pas transformer sans faire d'immenses dommages. Ainsi trouveront-ils encore de nombreuses façons de le dire.

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