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Le reste du monde, ce grand oublié de notre histoire

Lors de son conseil «national», le Parti québécois a réitéré son intention de modifier le programme du seul cours d'histoire que l'on dispense de manière obligatoire dans nos écoles secondaires. Si je partage l'idée selon laquelle l'histoire doit occuper une plus grande place dans la formation académique de la génération montante, je m'insurge contre le projet péquiste visant à mettre plus d'emphase sur l'histoire «nationale» dans l'enseignement de l'histoire du Québec et du Canada.
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Lors de son conseil «national», le Parti québécois a réitéré son intention de modifier le programme du seul cours d'histoire que l'on dispense de manière obligatoire dans nos écoles secondaires. Si je partage l'idée selon laquelle l'histoire doit occuper une plus grande place dans la formation académique de la génération montante, je m'insurge contre le projet péquiste visant à mettre plus d'emphase sur l'histoire «nationale» dans l'enseignement de l'histoire du Québec et du Canada. Rappelons qu'en plus du désir de politiser leur programme d'histoire, le PQ souhaite voir le droit de vote accorder à ces mêmes jeunes dès 16 ans. L'idée ici n'est pas de nier l'existence ou l'importance de la «question nationale», mais de remettre en cause les fins ainsi poursuivies par le PQ et ce que j'appellerai le «sens des priorités historiques» de Mme Malavoy.

Comment accepter que la sempiternelle obsession péquiste de la « question nationale » puisse être à la source de la révision de notre programme d'histoire, alors que le seul cours obligatoire que propose le ministère de l'Éducation occulte déjà des pans entiers de celle-ci, qui ne se sont pas forcément déroulés au sein de nos «quelques arpents de neige»? Je m'explique.

Du temps de mon passage au niveau secondaire, l'enseignement de l'histoire du Québec et du Canada commençait par l'arrivée de Cartier (1534), se poursuivait par la fondation de Québec par Champlain (1608), celle de Montréal par Maisonneuve et Jeanne-Mance (1642), faisait totalement abstraction de la période subséquente, sauf pour quelques fourrures et coureurs des bois, avant de reprendre pour s'attarder à la «guerre de la conquête» et ses suites.

Ne s'est-il donc rien passé entre 1642 et 1759 sur ce continent et, de manière plus significative, sur le vieux-continent dont nous sommes venus?

La guerre de Trente Ans, la paix de Westphalie (1648) et la naissance du concept d'État-nation ne sont-elles que de vulgaires anecdotes sans conséquence sur la géopolitique mondiale de l'époque?

La «guerre de la conquête», que nos voisins du Sud appellent «The French and Indian War», n'émanait-elle pas d'un conflit majeur dont le volet européen a été relégué aux oubliettes par le programme d'histoire du MELS: la guerre de Sept Ans (1756-1763)? Rien que ça!

Bien avant cela, le développement de l'empire colonial français, dont nous faisions partie (n'en déplaise aux plus nostalgiques) ne s'inscrit-il pas dans cet autre oublié de notre programme d'histoire que plusieurs appellent le «Grand siècle» (le 17e siècle), celui qui a vu Louis XIV construire Versailles et la monarchie française se consolider autour du régime de droit divin qu'allait contester les Lumières? Rien que ça!

Le traité d'Utrecht (1713), qui mettait un terme à la guerre de succession d'Espagne (1701-1713) et redessinait par la même occasion la carte des Amériques, n'est-il pas également digne de mention? De même pour la guerre de succession d'Autriche (1740-1748), conflit très éclairant, s'il en est, au sujet de l' historique antagonisme franco-britannique qui remonte aussi loin, sinon plus, qu'à Guillaume Le Conquérant (11e siècle). Rien que ça!

Tous ne seront certainement pas de mon avis, mais il me semble néanmoins que ces «quelques détails» ne sont en aucun cas de moindre importance que les deux défaites référendaires du Parti québécois. L'histoire du Québec et du Canada ne relève pas uniquement de la concurrence franco-britannique pour la conquête du «Nouveau Monde», comme on nous l'enseigne si platement. Elle s'inscrit dans un contexte géopolitique on ne peut plus complexe, marqué par de nombreux conflits entre monarchies européennes, le déclin de la France et la montée en puissance du Royaume-Uni.

Qu'on me pardonne le néologisme, mais le «québécocentrisme» n'a pas sa place dans l'enseignement de l'histoire de notre pays. La bataille des plaines d'Abraham du 13 septembre 1759, à laquelle notre programme d'histoire confère un rôle déterminant, n'est-elle pas d'une importance pour le moins négligeable sur l'issue de la guerre de Sept Ans lorsqu'on la compare avec l'invasion de l'électorat de Hanovre, terroir de la monarchie britannique d'alors, par 80 000 soldats du royaume de France, de juin à novembre 1759? S'en trouvera-t-il pour affirmer qu'il s'agit là d'une simple coïncidence chronologique?

Qu'on me comprenne bien, il n'est pas plus souhaitable d'occulter l'histoire moderne du Québec et du Canada. Mais pour rendre justice au contexte dans lequel s'est construit ce pays, il ne suffit pas de réduire notre histoire à une paisible occupation française de l'Amérique du Nord s'étant soldée par la venue impromptue des «méchants» envahisseurs britanniques. Le Québec n'est pas le centre du monde et il ne l'était guère plus à l'époque. Dany Laferrière, ce grand écrivain de chez nous, l'a dit mieux que quiconque: «Il faut sortir le Québec du Québec».

Avant d'envisager une réponse à la sainte question dont la formulation reste à déterminer, un adolescent de 16 ans devrait avoir droit à une instruction aussi objective que possible, et ce, a fortiori s'il se voit octroyer le droit de vote dès ses 16 ans. Ce n'est qu'en procédant ainsi, dans le respect de l'intégrité intellectuelle de nos jeunes, que ces derniers pourront, s'il y a lieu, prendre position sur un enjeu aussi immense que la sécession du Québec. Autrement, l'histoire se rappellera de cette réforme de notre programme d'histoire comme de l'apologie d'un nombrilisme criant et d'un pas de plus vers l'autocontemplation victimaire.

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