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Le rôle d'éducation des parents d'enfants autistes

Un jour, une serveuse dans un café à qui j'avais expliqué que mon fils avait un trouble du spectre de l'autisme m'a demandé si mon enfant était «un mongol».
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Un jour, une serveuse dans un café à qui j'avais expliqué que mon fils avait un trouble du spectre de l'autisme m'a demandé si mon enfant était «un mongol». Bouche bée, je n'ai pas su quoi lui répondre. Par où commencer, me disais-je? Et surtout, est-ce que cela en vaut la peine? Des commentaires ignares, des questions stupides, des fausses affirmations, c'est le lot de mon quotidien et certainement celui de plusieurs parents d'enfants différents. Entendre des gens me dire qu'ils connaissent un «autiste qui a guéri» et écouter des histoires de succès d'autistes devenus des génies à l'âge adulte me font encore moins de peine que d'observer des parents désemparés et honteux de ce qui leur arrive. «C'est ce que c'est» disait avec un air résigné un parent d'enfant autiste lors d'une rencontre de parents à laquelle j'assistais en octobre dernier. A cela, cette mère ajoutait qu'elle n'avait pas annoncé à sa famille que son fils avait reçu un diagnostic de TSA (trouble du spectre de l'autisme) récemment. Elle expliquait que puisque leur famille habite loin, elle espérait que lors de leur prochaine visite, tout serait rentré dans l'ordre et que personne ne se rendrait compte de leur différence. Quelques autres parents pleuraient en silence pendant qu'elle racontait son histoire.

Le problème c'est qu'un TSA, étant un trouble neurodéveloppemental permanent, cela ne se dissipe pas, au contraire, cela se confirme avec le temps. Le retard de langage que l'on avait pressenti devient un trouble de langage, le petit problème de nutrition se transforme en rigidité face à une variété d'aliments, le manque de socialisation se traduit souvent par une absence d'amis du même âge. Même si l'on nie ou l'on prie ou qu'on espère autrement, il faut s'adapter à la réalité. Il faut accepter d'avancer en eaux troubles et de ne pas savoir ce qui va arriver plus tard. C'est un long chemin avec des hauts, des bas et des étapes surprenantes. «Ça va aller» m'avait gentiment dit la conseillère à la banque, une femme que je n'avais jamais vue de ma vie, après que je lui ai parlé de notre situation!

Lors d'un souper d'anniversaire, j'avais rencontré une sympathique dame, qui se croyant rassurante, m'avait dit très candidement : «Moi aussi j'ai un enfant handicapé (!), une fille de 11 ans, et ça m'a mis 7 ans à accepter qu'elle était ainsi. Maintenant, elle est dans une équipe de ski paralympique, on est tous très heureux, mais cela nous a pris toutes ces années pour nous rendre là.» Jusque-là, je n'avais pas considéré que moi aussi j'avais un enfant «handicapé» selon les standards de la société. Après y avoir bien réfléchi, j'ai conclu que cette dame et moi vivions probablement des choses similaires, une étape à la fois. Une autre mère que je croise souvent au Centre Gold que mon fils fréquente le matin, résumait très bien ce que l'on vit en disant «c'est aigre-doux» car nous nous inquiétons sans cesse et nous réjouissons aussi de tous les progrès que notre enfant fait.

En tant que parent d'enfant différent, on a tous son chemin à faire. Avec le temps, chacun finit par trouver sa voie. Pour moi, cela a été et continue d'être un travail d'acceptation et de remise en question de mes valeurs. Cela a commencé par ne pas me mentir, ni aux autres. Combien de fois ai-je dit à des parents que je ne connaissais pas que mon fils avait un retard de langage? Ceci les rassurait et me faisait sentir moins honteuse de ne rien dire quand ils nous dévisageaient au parc ou à la garderie. Mais les gens qui nous entourent ont souvent du mal à comprendre ce qui nous arrive, car notre enfant n'est ni malade ni mourant! Alors on me demande souvent : «il a quel âge?», une façon détournée pour les autres de mesurer la différence. Par ailleurs, même s'il parle peu pour son âge, il compte en plusieurs langues et nous épate constamment par sa mémoire incroyable et sa passion pour la musique classique qu'il fredonne sans cesse. Il connaît le langage des signes alors que personne ne le lui a enseigné! C'est même lui qui nous apprend l'alphabet en espagnol, en hébreu et même en japonais. Clairement, son cerveau ne fonctionne pas comme le nôtre et son intelligence nous dépasse. J'espère seulement qu'il trouvera sa place plus tard dans la vie et je suis prête à tout pour lui ouvrir le plus de portes possible.

Accepter qu'il ne sera jamais comme moi a longtemps été une option que je n'avais pas considérée tant j'étais prise par mon besoin de normalité. Besoin de faire partie de la collectivité, d'appartenir à un groupe, d'avoir des points de référence et de pouvoir me comparer pour me rassurer. Mais avec un enfant autiste, toute comparaison est illusoire. Notre enfant ne peut être comparé qu'à lui-même l'an dernier, ce qui nous permet de voir le chemin parcouru. Comme dans le Petit Prince, on ne se préoccupe plus que de ce qui est essentiel et invisible pour les yeux. On mise sur quelques liens de qualité et sur les bons moments.

Si j'ai une seule certitude, c'est bien que nous, les parents d'enfants différents, nous avons un rôle d'éducation face aux autres. Au lieu de nous cacher, d'être gênés et d'avoir peur de déranger, nous devons expliquer aux autres ce qui affecte nos enfants. Car si nous ne prenons pas la peine de le faire, qui le fera? Plus le temps passe et plus je trouve du sens dans ce nouveau rôle qui m'incombe auprès de la société, qu'il s'agisse du CPE, de mes amis, des membres de la famille ou même d'étrangers croisés dans la rue. Ceci ne m'empêche pas d'être souvent confrontée aux regards obliques de parents qui ne nous connaissent pas. Face à eux, je ressens toujours cette même colère qui me prend la gorge et me chauffe les joues. Je sens qu'ils me jugent et pensent que je suis un mauvais parent qui n'a pas su éduquer son enfant lorsqu'il fait une crise et que j'ai du mal à le contenir. Puis je me souviens que j'ai déjà été à leur place, outrée face à un parent qui, en apparence, laissait tout faire à son enfant. «Ah, un autre enfant roi!» me disais-je. La vérité est que l'on se sait jamais ce que les autres vivent, ni pourquoi ils se comportent de la sorte.

Pour cette prise de conscience, je peux déjà remercier mon fils, car il m'a montré la patience et la tolérance, mais surtout il m'a prouvé que je suis capable d'amour inconditionnel. Alors chaque fois que je le peux, je prends quelques minutes pour expliquer aux gens autour de moi que mon fils est atteint d'un trouble du spectre de l'autisme. Et face à leur réaction, que ce soit de l'incompréhension, de la peur, de la sollicitude, de l'empathie ou de la peine, je me dis que mon travail est fait.

Vous pouvez retrouver ce billet sur le site de la Fondation Miriam

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