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Longtemps, j'ai caché à mes enfants que j’avais de la difficulté à lire: j’avais honte

J'ai décidé d’aller chercher de l’aide quand j’ai commencé à avoir des petits-enfants. Je ne veux pas revivre la même chose qu'avec mes enfants.
Witthaya Prasongsin via Getty Images

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

À l’école, j’étais dans les classes spéciales. J’avais beaucoup de difficulté à lire, je faisais beaucoup de fautes de français et je doublais tout le temps. Les enseignants voyaient que je n’avançais pas et qu’il n’y avait rien à faire. À la maison, je n’avais pas beaucoup d’encadrement. J’essayais de me débrouiller, mais c’était dur. Je n’ai pas pu aller au bout de mon parcours scolaire.

J’ai élevé cinq enfants. Ce qui a été le plus difficile, c’était le temps des devoirs et leçons. J’essayais par tous les moyens de les aider. Déjà que moi j’avais eu des difficultés à l’école, ce n’était pas facile de les accompagner.

Je devais lire et relire pour comprendre ce qu’ils devaient faire et quand je n’étais pas sûre, j’écrivais un mot aux professeurs pour leur dire que je ne comprenais pas c’était quoi l’exercice. Je leur demandais des trucs parce que je voulais aider mes enfants.

Jacqueline Miller
Courtoisie/Jacqueline Miller
Jacqueline Miller

J’avais honte et je me sentais mal. Mes enfants n’étaient pas au courant de mes difficultés. Je le cachais et ils ne s’en doutaient pas. J’étais quand même tout le temps là pour eux et je les poussais à étudier. Pour moi c’était important. Ça ne fait pas longtemps qu’ils savent toutes les difficultés que j’ai eues. Ils ont bien réagi quand je leur en ai parlé.

Quand j’ai entendu parler de l’organisme Au coeur des mots, ça m’a interpellée. Je fais des cours avec eux. On travaille le français et les mathématiques. Si je ne comprends pas une notion, on va faire des exercices.

L’enseignante qui m’apprend est superbe. Ce n’est pas un concours, le but ce n’est pas de se dépêcher. Elle s’assure que je suis capable. Si je ne comprends pas, elle va prendre le temps de m’expliquer et d’écouter mes besoins. On y va étape par étape et ça se passe bien. Je suis fière et je suis contente d’où je suis rendue.

“Maintenant, je suis capable d’aller chercher sur Internet pour savoir ce qu’un mot veut dire.”

J’ai décidé d’aller chercher de l’aide quand j’ai commencé à avoir des petits-enfants. Avec la vie d’aujourd’hui, les parents travaillent beaucoup. Je veux pouvoir aider mes petits-enfants quand ils vont en avoir besoin. Je ne veux pas revivre la même chose qu’avec mes enfants. Je veux être là pour les aider à 100%.

Avant, je lisais, mais ça me prenait du temps pour lire un livre et je bûchais sur des mots. Je fais aussi du tricot et c’était compliqué pour moi de lire un patron parce que je ne comprenais pas les termes. Maintenant, je suis capable d’aller chercher sur Internet pour savoir ce qu’un mot veut dire. Je n’aurais pas pu faire ça avant. Même chose pour la cuisine. J’aime faire à manger et c’est plus facile maintenant que je suis capable de faire des recherches.

J’ai récemment participé à une campagne de la Fondation pour l’alphabétisation. J’ai pu lire des publicités à la radio. Je devais faire seulement une annonce et on m’a finalement demandé d’en faire deux. J’ai trouvé ça spécial et j’étais fière. Je n’aurais pas fait ça avant et j’ai vu que je n’étais pas seule dans ma situation.

Il n’est jamais trop tard. Il n’y a pas d’âge pour apprendre.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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