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Les anglophones, une force à ne pas négliger en Estrie

Malgré leur nombre en décroissance, la conjoncture actuelle leur offre une occasion en or de se faire valoir.

Le HuffPost Québec est en tournée pour approfondir les enjeux qui préoccupent les acteurs et les citoyens de diverses régions du Québec, dans le cadre des élections provinciales. Cap sur... l'Estrie!

HATLEY — C'est le calme plat dans le petit village de Hatley, quelques kilomètres au sud de Sherbrooke. La municipalité compte quelque 1400 âmes, puisque c'est la saison touristique.

En hiver, c'est environ 700 personnes. Le cimetière de l'église Saint-James, au coeur du village, en compte presque autant.

«On pourrait se parler devant le cimetière, ça serait symbolique d'une communauté anglophone qui est en déclin», lance à la blague l'homme qu'on vient rencontrer, Royal Orr.

M. Orr parle en connaissance de cause. Il est journaliste, mais il a aussi été de l'autre côté du microphone, lorsqu'il était président d'Alliance Québec. C'est ce chapeau qu'il porte lors de la rencontre, celui de militant pour les droits de la minorité anglophone, à la demande du HuffPost Québec.

«C'est difficile de maintenir la communauté anglophone. On a perdu un grand nombre de nos jeunes, qui ont quitté pour d'autres provinces. Presque tous mes cousins sont en Alberta ou en Ontario», relate-t-il.

La communauté anglophone du Québec connaît un long déclin depuis un siècle, et encore plus depuis les années 1970, selon Statistique Canada.

Une lutte serrée

M. Orr croit toutefois que les «anglos» peuvent avoir un impact sur les élections cette fois-ci, à cause de la fragmentation du vote entre plusieurs partis.

«Quand on parle d'élections avec trois ou quatre formations politiques, même les minorités deviennent très importantes. Surtout les minorités qui sont branchées sur l'élection. Vous savez, c'est très important pour un parti de trouver non seulement des électeurs, mais des électeurs qui vont voter», souligne-t-il.

Les cinq circonscriptions de l'Estrie seront le théâtre d'une lutte à deux entre le Parti libéral (PLQ) et la Coalition Avenir Québec (CAQ). Dans ce contexte, la CAQ réussirait un coup de maître si elle arrivait à soutirer une partie de l'électorat anglophone au PLQ, qui peut généralement le considérer comme acquis.

Préserver les Anglais... en leur apprenant le français

Gerald Cutting suit également de près l'évolution de sa communauté. Président de la Townshipper's Association, il a dû annuler la traditionnelle «Journée des Townshippers» l'an dernier, faute de bénévoles et de municipalités voulant accueillir l'événement. Le festival avait lieu sans interruption depuis 35 ans.

Bien que la Journée des Townshippers soit de retour en septembre avec une nouvelle formule, M. Cutting souligne les nombreux défis de ses semblables.

«Si on prend des indicateurs comme l'employabilité, surtout en dehors de Montréal, il y a des défis énormes. Sur le plan de la scolarité aussi, les anglophones décrochent avant les francophones», avance-t-il.

Selon une étude réalisée à la fin de 2017 par l'Association d'études canadiennes, les anglophones sont plus nombreux à vivre dans la pauvreté et sont plus souvent au chômage que les francophones.

M. Cutting souhaite que le gouvernement québécois reconnaisse les difficultés particulières de sa communauté et mette en place des programmes spécifiques à leurs besoins. Il suggère de mettre en place des programmes de francisation visant spécifiquement les anglophones. Leur employabilité augmenterait, ce qui améliorerait la probabilité qu'ils restent au Québec.

«Pour avoir accès à la société québécoise, il faut être bilingue si vous êtes un anglophone. Si vous êtes bilingue, vous avez un meilleur accès à l'emploi, à la vie culturelle et à la vie politique», dit-il.

Préserver les acquis

M. Cutting met toutefois en garde quiconque souhaiterait s'attaquer aux institutions anglophones. Tout parti souhaitant obtenir l'appui de sa communauté devra, au minimum, préserver le Secrétariat aux affaires avec les Québécois d'expression anglaise, et maintenir tel quel le réseau de commissions scolaires.

M. Cutting menace même de poursuivre un éventuel gouvernement de la Coalition Avenir Québec s'il persiste dans sa volonté d'éliminer les élections scolaires.

«Il y a des différences majeures entre les points de vue des communautés francophone et anglophone. Pour les anglos, c'est une connexion avec notre héritage», dit-il.

Royal Orr aimerait d'ailleurs renforcer cette connexion, et il lance tout un pavé dans la marre. Il aimerait que la Loi 101 soit modifiée pour permettre aux écoles du réseau anglais d'accueillir une certaine partie des immigrants du Québec.

«Nous sommes empêchés par la loi d'aller chercher de nouvelles personnes pour renforcer notre communauté. [...] Nous ne devons pas nécessairement faire un choix total en éducation, mais sans doute pouvons-nous nous assurer qu'un minimum de familles anglophones auront le droit d'avoir accès à nos écoles», dit-il.

Mais au final, tant M. Orr que M. Cutting soulignent un fait incontournable: l'attachement au Canada demeure l'élément mobilisateur par excellence pour les anglophones du Québec. Tant qu'ils ne sont pas convaincus de l'amour d'un autre parti pour le Canada, le PLQ risque fort peu de les perdre.

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