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Les frontières n'existent pas

Tout au long de ma carrière, j'ai été étonné des endroits que j'ai eu le privilège de visiter et des gens aux cultures et coutumes diverses que cela m'a permis de rencontrer. Je suis persuadé que je n'aurais pas eu accès à nombre d'occasions si je n'avais pas été un clown.
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Avec l'instantanéité des réseaux sociaux, les informations et les idées circulent rapidement, au-delà des frontières physiques et culturelles. Les limites s'abattent et s'estompent; les peuples se rapprochent et communiquent entre eux.

Tout au long de ma carrière, j'ai été étonné des endroits que j'ai eu le privilège de visiter et des gens aux cultures et coutumes diverses que cela m'a permis de rencontrer. Je suis persuadé que je n'aurais pas eu accès à nombre d'occasions si je n'avais pas été un clown. Lorsque j'ai été invité en Chine afin de participer au festival international de clowns de Nanjing, en 2008, j'étais aussi heureux qu'inquiet.« La capitale du Sud », par rapport à Pékin, « la capitale du Nord », immédiatement en amont du delta du Yangzi Jiang, le plus grand fleuve chinois, Nanjing est la capitale de la province du Jiangsu. Je me demandais tout simplement de quelle manière je pourrai présenter mes spectacles, surtout que j'utilise beaucoup la parole afin d'aller décrocher un rire. Je craignais que mon humour soit confronté à un mur, et que j'y perde ma dignité. Pourtant, ce fut tout le contraire et j'en ai tiré quelques leçons de vie... et de jeu.

Lors de notre arrivée à Shanghai, notre groupe comprenait 44 artistes en provenance du Québec, du Canada, des États-Unis et de la Russie. Ensuite, nous nous sommes dirigés vers Nanjing. À vrai dire, je n'avais absolument aucune idée de l'existence même de cette ville. On entend souvent les New York, Paris, Londres et Montréal! Ma ville est sur l'échiquier mondial. Nanjing? Jamais entendu parler de cette ville de huit millions d'habitants! Puisque je choisis rarement mes destinations, chaque occasion est pour moi un plaisir de prendre le temps d'accepter et d'aller à la découverte de ce qui m'est proposé. Il y a toujours une histoire, des lieux et surtout, des gens à découvrir, peu importe où nous sommes. Nous arrivons donc à l'hôtel, situé près du stade où auront lieu toutes les performances du festival. Rapidement, on nous indique qu'il nous faut aller porter nos bagages dans nos chambres et nous réunir dans le hall afin de recevoir les consignes. Sans oublier de nous changer pour assister au dîner protocolaire avec le gouverneur. Quel accueil chaleureux et magnifique!

Dès le lendemain, nous devions être au boulot pour le coup d'envoi du festival, après quelques répétitions et la validation de nos numéros. Il y a des gardes dans le stade et des barricades pour nous séparer du public. C'est plus étonnant qu'inquiétant. Après tout, nous ne sommes pas des vedettes rock! Parmi les artistes, il y a une troupe de basketteurs experts dans les acrobaties et les smashes. Les joueurs s'exécutent à la fin des mini-spectacles qui s'enchaînent tout au long de la journée sur la scène principale. L'un des artistes a malencontreusement déchiré le tapis gris de la scène, laissant une brèche dangereuse pour les autres.

Nous étions, à la fin de la journée, tous les artistes réunis afin de saluer le public. Mon ami Zip-E a une l'idée d'agrandir le fameux trou, de se glisser entre le tapis et la scène pour ne laisser que sa tête sortir. J'ai spontanément retiré mon manteau en queue de pie, afin de lui faire un oreiller, et j'ai mis mon index devant ma bouche pour faire « chut » et j'ai invité tous mes collègues à faire de même, afin de laisser le clown s'endormir. Je me suis tourné vers le public, environ 4000 personnes dans les gradins, pour poursuivre le geste, invitant le public au silence. Imaginez tout un stade qui respecte le sommeil d'un clown, fredonnant avec moi l'air de la berceuse « Fais dodo ». Tous connaissaient l'air! Tant le public que les artistes ont compris qu'il fallait chantonner la même musique, doucement, pendant que l'intensité des lumières diminuait. Le public a compris qu'il était temps de partir, sans faire de bruit. Tous les spectateurs partirent sans un seul son, tout doucement, tout respectueusement, pour éviter de briser la magie et l'imaginaire qui venaient d'être créés et improvisés par tous. Nous étions très fiers de ce moment de grâce, de complicité et de partage.

Quelques jours plus tard, je devais faire nettoyer mes costumes, et surtout trouver un endroit moins cher qu'à l'Hôtel. J'avais aperçu, dans une petite rue, un nettoyeur à sec exploité par un jeune couple. Je leur ai expliqué que j'étais un clown qui avait vraiment besoin de ses costumes, et que je voulais le service trois heures! Difficile de communiquer avec des gens qui ne parlent pas la même langue? Non. J'ai vraiment utilisé tous les moyens, les gestes, le mime, et surtout une calculatrice afin de communiquer... avec les chiffres. En ajoutant quelques yuans de plus, j'ai réussi à convaincre l'homme que je ne pouvais pas avoir le service trois jours, mais que je voulais mes costumes pour le soir même! Sa femme, juste derrière lui, commença à le critiquer et je me suis mis à imaginer leur discussion. On aurait dit un épisode d'Un Gars, une fille puisqu'elle n'était pas du tout d'accord! Et lui de me regarder, avec des soupirs, en quête de solidarité masculine! À mon retour, quelques heures plus tard, le manège se poursuivit et je voyais toute la complicité de ce couple, les jeux et les blagues qu'ils me firent. Ils voulaient connaître plein de choses sur moi, le coût de la vie, etc.

Avant de quitter Nanjing, nous avons eu droit à un dernier souper protocolaire. J'étais assis à la table du gouverneur, avec la consigne de respecter les règles. J'essayais d'attraper la nourriture posée au centre de la table vitrée pivotante avec mes baguettes. Chaque fois, la table bougeait, jusqu'à ce que je me rende compte que c'est le gouverneur lui-même qui me jouait des tours. Il s'est même permis une blague de chauve! C'est là que j'ai compris que nous cherchons tous à échanger, à communiquer, à nous amuser et à passer du bon temps avec nos semblables, les humains. Il n'y a pas de frontières, sauf celles que l'on érige inutilement.

Je me lance dans un projet particulier, lequel nécessite le plus grand investissement qui soit dans mon cas, celui de l'humilité. Chaque dimanche, je publierai sur mon blogue au Huffington Post Québec un texte autobiographique. Parfois, les récits et les anecdotes pourront paraître invraisemblables. Mes histoires choisies, elles, seront vraies. En fait, tout sera dans la manière que j'aurai de vous raconter ces petits bouts d'existences, d'observations et de perceptions. En les écrivant, c'est un peu comme si je les conservais dans une capsule temporelle, afin de ne rien oublier. Juste au cas. Traduites dans plus d'une vingtaine de langues grâce à des collaborateurs, elles seront également diffusées via mon site fredolini.com et sur ma page Facebook. Ensuite, ces textes seront regroupés et publiés sous forme de livre. C'est donc une fabuleuse aventure toute en écriture que j'entreprends. J'espère qu'elle saura toucher le cœur des gens, surtout le vôtre. C'est donc un rendez-vous!

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© Samuel Rodríguez / www.clowns.org
Fotos by Samuel Rodríguez for Payasos Sin Fronteras\n
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