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Quand j'ai lu que le «syndicaliste» Bernard «Rambo» Gauthier voulait se lancer en politique, j'ai d'abord un peu souri, je dois l'admettre. Quelques jours plus tard, c'était au tour de l'ex-entrepreneur Lino Zambito de se déclarer intéressé à faire de la politique active au Québec. Il y a quelque chose de similaire dans la démarche des deux hommes: la rupture avec les grands partis qui ont exclusivement dirigé le Québec depuis plus de 40 ans.
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Quand j'ai lu que le «syndicaliste» Bernard «Rambo» Gauthier réfléchissait à se lancer en politique, j'ai d'abord un peu souri, je dois l'admettre. Pas de sa volonté de s'impliquer en politique, mais plutôt de celle de le faire en lançant peut-être un nouveau parti. Car voilà bien de quoi a besoin le Québec en ce moment, n'est-ce pas? Un nouveau parti politique pour s'opposer aux libéraux... Gauthier a admis avoir été péquiste dans le passé «pour le projet de pays», mais que ce parti n'est plus, selon lui, «le parti des travailleurs».

Quelques jours plus tard, c'était au tour de l'ex-entrepreneur et lanceur d'alerte bien connu Lino Zambito de se déclarer intéressé à faire de la politique active au Québec. Zambito a avoué qu'il avait toujours été libéral, mais quand l'article est sorti, il s'est indigné de sa teneur et a dénoncé la «mauvaise foi» de la journaliste qui avait rapporté cette nouvelle. «Surtout pas avec la (sic) PLQ», a écrit Zambito sur Twitter.

Il y a quelque chose de similaire dans la démarche des deux hommes: la rupture avec les grands partis qui ont exclusivement dirigé le Québec depuis plus de 40 ans.

On est dans le Québec post-cynisme 2.0, un Québec politiquement sclérosé, divisé, miné par plus de 20 ans de gouvernance néo-libérale post référendum 1995. Un Québec où le citoyen s'est muté en «payeur de taxes», où le déficit zéro s'est substitué en impératif social, en «projet de société» d'importance capitale. Un Québec qui ne rêve plus, endormi par les discours ronflants, redondants sur «la santé, l'éducation, l'économie» qui ne produisent jamais rien de bon en «santé, en éducation, en économie»...

Et il y a quelque chose de similaire dans la démarche des deux hommes: la rupture avec les grands partis qui ont exclusivement dirigé le Québec depuis plus de 40 ans. Des partis qui ont déjà fédéré les militants autour de «grandes idées», de projets de société qui mobilisaient et suscitaient enthousiasme. Ces «grands partis» ont beaucoup de difficulté à incarner tout projet fédérateur par les temps qui courent.

Bernard Gauthier avance tout de même des pistes de réflexion quant à ses inclinaisons politiques : «Bernard Gauthier discute avec des gens d'un parti politique provincial enregistré, mais inactif aux récentes élections». Et plus loin: «Bernard Gauthier croit que les familles québécoises ont assez payé pour les milliardaires qui cachent leur argent à l'abri de l'impôt et les gaffes des élites politiques. Il s'intéresse au modèle politique scandinave.»

Ma foi! Il aurait pointé vers le NPD Québec que ce n'aurait été plus clair... Enfin, on verra. Le NPDQ existait en 2014, il n'était pas actif, il est de gauche et s'inspire du modèle scandinave... Mais il est fédéraliste, et pro multiculturalisme. On verra.

La démarche de «Rambo» Gauthier exclut tous les partis existants à l'Assemblée nationale : «Les députés des vieux partis, incluant Québec Solidaire, sont rendus tout mêlés. Une gang de mêlés ensemble n'améliorera pas notre sort. On est dû pour un vent de fraîcheur

Tous des « mêlés » donc. Constat d'une situation politique sclérosée, d'un cul-de-sac électoral qui fait exploser le cynisme et décourage nombre de citoyens à s'impliquer au sein des partis existants.

D'une part, le vote captif libéral semble - et j'insiste sur «semble» car de Lino Zambito en passant par Fatima Houda-Pepin ou Gilles Ouimet, il y a des libéraux notoires qui quittent le navire - indivisible et par le truchement d'un mode de scrutin obsolète qui l'avantage, le PLQ se sait en position de force pour autant que le nombre de citoyens non francophones continue d'augmenter et qu'il conserve ces quelques acquis au sein de comtés francophones. Le PLQ commence chaque élection avec 45-50 comtés assurés. Et il travaille à redéfinir la carte électorale pour cimenter quelques circonscriptions de plus. Infect, mais réel.

D'autre part, devant lui, les partis de l'opposition se déshonorent chaque jour en continuant à se diviser tout en sachant que cette division perpétue presque assurément l'hégémonie libérale délétère pour la très grande majorité des Québécois. La réalité, c'est que pour la majorité des électeurs, cette diversité des offres politiques est nécessaire et témoigne de la fragmentation des convictions à partir desquelles les citoyens souhaitent se prononcer. Sauf que notre mode de scrutin désavantage cette multiplication des offres politiques et contraint les citoyens à soit subir le diktat d'un 25 à 35% du vote immuable ou sinon au vote «stratégique» pour déloger la minorité qui gouverne.

La multiplication des partis politiques, à 20 mois du déclenchement des prochaines élections, ne fera qu'aider les libéraux à se maintenir au pouvoir.

Une fois au pouvoir, le bénéficiaire de ce vote stratégique sera, lui aussi, très réticent à changer le mode de scrutin qui l'a propulsé aux commandes...

Voilà pourquoi il est capital, selon moi, que l'un des axes principaux de toute proposition politique qui vise à éjecter les libéraux fasse sienne non seulement la «promesse» de changer le mode de scrutin, mais bien que ce soit un engagement clair de le faire dès l'accession au pouvoir.

En attendant, les militants des partis existants doivent accentuer la pression sur ceux qui dirigent leur formation politique afin que les barrières partisanes tombent. Si le remplacement des libéraux n'est guère un projet de société emballant, tout projet de société fédérateur ou qui puisse susciter un peu d'enthousiasme passe inévitablement par l'éjection, et pour longtemps, des libéraux.

La multiplication des partis politiques, en ce moment, à 20 mois du déclenchement des prochaines élections est donc, manifestement, mal avisée et ne fera, en fin de compte, qu'aider les libéraux à se maintenir au pouvoir.

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