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Les mythes politiques québécois de Michel C. Auger

Pour déboulonner des mythes, il faut parfois s'appuyer sur d'autres mythes et, en cela, le livre de M. Auger n'y fait pas exception.
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Klaus Lang via Getty Images

Le livre de Michel C. Auger, 25 mythes québécois à déboulonner en politique québécoise, démonte des mythes en s'appuyant parfois sur d'autres mythes.

Pour M. Auger, « déboulonner » des « mythes » consiste à démonter ou à corriger des réalités, en l'occurrence des réalités politiques, sociales et économiques québécoises.

Il y a quelque chose de salutaire dans la démarche de M. Auger. Montrer en quoi notre compréhension de nous-mêmes est erronée ou incomplète permet de mieux nous comprendre collectivement et de repenser nos priorités sociales.

Je ne peux, toutefois, passer sous silence le fait que M. Auger ait placé, au début de son livre, une citation de John F. Kennedy. S'il y a un mythe qui mériterait d'être davantage déboulonné, c'est bien celui-là – pour ceux qui en douteraient, je leur suggère de regarder la série documentaire American Dynasties diffusée récemment sur la chaîne américaine CNN.

Je trouve donc curieux que celui qui prétend déboulonner des mythes politiques ait comme source d'inspiration un des plus grands mythes politiques du XXIe siècle. Comme quoi pour déboulonner des mythes, il faut parfois s'appuyer sur d'autres mythes.

C'est ce que fait M. Auger lorsqu'il prétend que le Québec a été épargné par les fake news. Il faut penser aux articles et aux reportages erronés sur les accommodements « déraisonnables », que le rapport Bouchard-Taylor a rigoureusement démontés. Donc, prétendre qu'il n'y a pas de fake news au Québec est un mythe.

Venons-en aux mythes politiques que M. Auger propose de déboulonner. Quoique je suggère de lire le livre de M. Auger du début à la fin, les mythes les plus importants, selon moi, concernent l'identité et la politique québécoises.

Le mythe 1, qui concerne le déclin du français, nous rappelle que 94% des Québécois sont capables d'avoir une conversation en français, ce qui devrait rassurer nos « déclinologues » pour qui le français serait en train de disparaître.

Nous demeurerons une minorité linguistique au Canada comme en Amérique du Nord et, en ce sens, nous ne pouvons pas tenir pour acquis le statut du français.

Ceci n'implique pas pour autant que nos efforts de préservation de notre langue publique commune sont terminés. Nous demeurerons une minorité linguistique au Canada comme en Amérique du Nord et, en ce sens, nous ne pouvons pas tenir pour acquis le statut du français.

Le mythe 2, qui concerne l'idée que la Cour suprême aurait vidé la loi 101 de son contenu, rappelle que le cœur de celle-ci, soit le français comme langue officielle et le fait que les enfants d'immigrants doivent aller à l'école française, a été confirmé par la Cour suprême.

Ceux qui se faisaient un plaisir de soutenir que la Cour suprême avait vidé la loi 101 de son contenu devront désormais trouver d'autres boucs émissaires.

Le mythe 8, selon lequel le PQ est condamné à disparaître, me rend perplexe. M. Auger soutient que l'idée d'indépendance n'est pas près de s'éteindre.

Bien que je n'ai pas l'espace pour expliquer en détail les raisons pour lesquelles le PQ se meurt, je dirais néanmoins ceci : quand la seule stratégie des péquistes est de dire qu'il faut parler davantage d'indépendance, et qu'ils nous proposent des politiques comme la Charte des valeurs, nous avons toutes les raisons de penser que c'est un parti qui se meurt.

Ce qui n'est cependant pas près de mourir, c'est la question de l'avenir du Québec. La survivance de la culture francophone est un invariant de notre histoire. La question qu'il faut nous poser ne devrait pas concerner les moyens, mais les fins, qu'on peut formuler comme suit : voulons-nous qu'il y ait une culture francophone au Québec dans cent ans ?

La question qu'il faut nous poser ne devrait pas concerner les moyens, mais les fins, qu'on peut formuler comme suit : voulons-nous qu'il y ait une culture francophone au Québec dans cent ans ?

Le mythe 11, voulant que la Charte des droits de Trudeau (père) nous fasse vivre sous le gouvernement des juges, nous rappelle que le Québec s'est doté d'une Charte des droits avant que le gouvernement fédéral en fasse de même.

Le problème des Chartes des droits et libertés, et le rôle qu'elles jouent dans la façon dont nous nous comprenons comme Canadiens et Québécois, est ailleurs. Il consiste à présenter la société comme étant constitué d'individus porteurs de droits, dont la méthode principale de résolution des conflits sociaux est la réparation judiciaire.

Ce modèle de société, fondée sur des procédures légales et la protection des droits individuels, est inhospitalier à une société comme le Québec où il existe une aspiration collective à la préservation et la perpétuation de la culture francophone.

Le mythe 12, selon lequel le Canada ne rouvrira jamais la constitution pour obtenir la signature du Québec, nous rappelle que la prochaine ronde d'amendement constitutionnel risque de porter sur les autochtones, ce qui ouvre la voie au Québec pour signer la constitution.

M. Auger se trompe lorsqu'il soutient que le gouvernement du Québec n'a rien fait en matière constitutionnelle pendant la dernière décennie.

Mais M. Auger se trompe lorsqu'il soutient que le gouvernement du Québec n'a rien fait en matière constitutionnelle pendant la dernière décennie. La politique de ce dernier était pourtant claire : étant donné l'échec des dernières négociations constitutionnelles, la tâche du gouvernement du Québec était de préparer le terrain pour de nouvelles négociations constitutionnelles.

Et c'est ce qu'il a fait en proposant la création du Conseil de la fédération (2003), en faisant reconnaître le principe d'asymétrie par le gouvernement fédéral (2004), en obtenant un siège au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO (2006) et en participant aux négociations sur l'Accord de libre-échange Canada-Europe (2016), dont il fut l'instigateur.

Cela renvoie au problème que j'avais posé au début, à savoir que pour déboulonner des mythes, il faut parfois s'appuyer sur d'autres mythes et, en cela, le livre de M. Auger n'y fait pas exception.

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