Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les ONG québécoises sont-elles les ONG belges de demain?

Ce que j'ai pu observer sur le terrain québécois pourrait-il s'observer dans le futur en Belgique ?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
fotostorm via Getty Images

Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Justine Contor, aspirante au Fonds de la Recherche Scientifique - FNRS en Belgique et stagiaire au Centre interdisciplinaire de recherche en développement international et social au printemps 2017. Il met en parallèle les systèmes des ONG québécois et belge, mettant en relief à la fois leurs ressemblances et leur dissemblances.

C'est entre avril et juin dernier que j'ai eu l'opportunité de réaliser un séjour de recherches au sein du centre de recherche CIRDIS de l'UQÀM. Dès mon arrivée, le CIRDIS m'a permis d'aller à la rencontre de l'AQOCI, grâce à qui j'ai pu rencontrer des travailleurs d'ONG. Ces différents entretiens ont donné lieu à une série d'apprentissages et de questionnements, et m'ont permis de mettre en lumière une série de ressemblances et de dissemblances entre le secteur ONG belges et québécois dans un contexte de réforme managériale implémentée dans les deux pays, mais à des moments différents. Dès lors, ce que j'ai pu observer sur le terrain québécois pourrait-il s'observer dans le futur en Belgique ?

La Déclaration de Paris : un moment charnière pour la coopération internationale

Je reviens un instant sur la Déclaration de Paris (2005) qui marque un moment charnière dans la manière d'envisager la coopération internationale. Elle donne lieu à une nouvelle idéologie du développement orientée sur l'efficacité de l'aide, promue par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment à travers cinq principes : 1) l'appropriation : les pays du Sud doivent exercer une maîtrise de leur politique et stratégie de développement; 2) l'harmonisation : les actions des pays donateurs sont harmonisées et davantage transparentes, permettant ainsi une efficacité collective ; 3) l'alignement : les pays donateurs font reposer leur soutien sur les stratégies nationales de développement des pays partenaires ; 4) la responsabilitémutuelle : les pays donateurs et partenaires sont mutuellement responsables de l'efficacité de l'aide ; et 5) la gestionaxéesurlesrésultats (GAR) : il s'agit d'un modèle managérial pour gérer efficacement les ressources en vue d'améliorer les processus et d'atteindre de meilleurs résultats dans le secteur public.

Cette Déclaration a marqué un changement dans la manière de concevoir l'aide. Il n'est désormais plus question d'une coopération articulée autour de bonnes volontés, mais d'une coopération orientée sur la performance, prônant ainsi une gestion axée sur les résultats afin d'augmenter les effets dits positifs de l'aide.

La coopération canadienne sous le gouvernement Harper

En 2006, le Parti conservateur arrive au pouvoir. Un certain nombre d'auteurs (Audet & Navarro-Flores, 2014) observent à cette même époque un tournant de l'aide publique au développement (APD) canadienne. Durant cette période, différentes logiques sont observées. D'abord des logiques économiques, créant un lien entre l'industrie minière et l'APD, puis des logiques d'efficacité en lien avec les exigences de la Déclaration de Paris (voir supra). Ces logiques ont d'ailleurs servi d'alibi au gouvernement de l'époque pour justifier des coupes budgétaires, essentiellement dans le chef des ONG (Ibid.). Enfin, le changement le plus important est lié au confessionnalisme de l'APD canadienne durant cette même période (Audet, 2014), avec une augmentation des opérateurs religieux notamment au sein des ONG.

10 ans après, la réforme de la coopération belge

En 2016, en Belgique, le ministre libéral Alexander de Croo a lancé une opération majeure pour transformer la gestion des moyens d'action de la coopération belge. Son ambition de réforme cible en priorité l'implication des acteurs non gouvernementaux associés à la mise en œuvre des programmes d'intervention : ceux-ci ont dû se soumettre à une analyse approfondie de leurs pratiques sur la base d'une dizaine d'indicateurs de performance définis au préalable. Par ailleurs, le secteur gouvernemental est lui aussi concerné par cette réforme, car la Coopération Technique Belge (CTB) est passée sous le statut d'agence de développement, renforçant ainsi son autonomie financière et opérationnelle et affaiblissant dans le même temps l'administration de la coopération belge.

Ressemblances et dissemblances belgo-québécoises

L'un des constats que j'ai pu faire sur le terrain québécois est la grande capacité d'adaptation du secteur des ONG aux exigences des bailleurs de fonds, en l'occurrence le gouvernement canadien et québécois. Même si le secteur semble, tout comme en Belgique, varié (taille, idéologie, moyens financiers et humains, etc.), il semblerait que ce type de réforme managériale nourrit l'existence d'une coopération non gouvernementale à deux vitesses. D'un côté, les grandes ONG (p.ex. Oxfam) qui partagent cette culture bureaucratique et managériale et sont donc, a priori, plus à même de répondre à ces exigences, tout en étant contraintes par leur propre inertie ; et d'un autre côté, les petites structures qui sont plutôt en position de faiblesse, mais qui sont aussi plus flexibles et créatives que leurs grandes sœurs.

J'ai pu également constater le rôle crucial des fédérations dans le cas québécois (AQOCI) et canadien (CCCI), comme dans le cas belge. En effet, elles jouent un rôle à la fois de médiateur entre le secteur et le gouvernement, et de maintien du tissu social, face à des contraintes managériales toujours plus importantes et parfois difficiles à assumer pour les petites structures.

Une autre de mes observations porte sur les effets de l'outil « appel à projets » (call for proposals) implémenté durant le gouvernement Harper. Tous les acteurs s'accordent à dire que cet instrument crée une situation de mise en concurrence entre les structures qui, rappelons-le, sont dans des positions asymétriques entre grandes et petites ONG. En effet, ce type de fonctionnement favorise les grandes ONG qui ont des moyens humains et financiers plus importants que les petites, et plus loin partagent un certain nombre de critères liés à la performance. Le secteur ONG belge a quant à lui fortement résisté à cette logique d'appel à projets lors de la dernière réforme évoquée plus haut.

Ces quelques observations et allers-retours entre le contexte belge et québécois m'ont permis d'adopter un point de vue plus global sur la question de la grande normativité du secteur des ONG. En effet, on constate que, même si 10 années les séparent, ce sont l'une et l'autre deux réformes managériales qui s'opèrent avec des critères similaires (rationalisation, coupes budgétaires, réduction de la charge administrative, etc.) et qui s'appliquent avec une certaine brutalité au secteur ONG. Il sera donc intéressant d'observer si, à l'avenir, les ONG belges vivent les mêmes transformations.

N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

> Lire d'autres billets du blogue Un seul monde

> Suivre le blogue Un seul monde sur Facebook

Avril 2018

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.