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Lettre d’un ange gardien à François Legault

À ce rythme, je ne sais pas combien de temps vos anges tiendront le coup avant que leurs ailes ne puissent plus les porter et qu’ils s’écrasent en plein vol.
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Monsieur le premier ministre Legault,
(Madame Danielle McCann, prenez également acte, ça pourrait vous servir.)

Je suis un de vos «anges gardiens». Une de vos «essentielles». Une parmi tant d’autres. Nous sommes essentielles pourquoi, monsieur Legault? Et quand le sommes-nous?

Sous différents gouvernements, nous avons vu passer différentes réformes. Nous avons sonné l’alarme! Certains lanceurs d’alerte ont d’ailleurs payé le prix fort pour avoir OSÉ dénoncer des situations inacceptables.

Nous avons réclamé haut et fort des ratios sécuritaires. Nous avons réclamé haut et fort la reconnaissance ainsi que des conditions de travail justes et équitables. Nous avons tenté d’attirer l’attention sur le fait que nous perdions beaucoup «d’anges». Départ à la retraite, abandon de la profession, départ en maladie, dépression, épuisement professionnel. Nous avons aussi remarqué que la relève n’était plus intéressée à joindre les rangs. Nous avons signalé tout ça! Rappelez-moi combien de morts il aura fallu pour réaliser que nous disions vrai? Et combien d’autres vont mourir?

Pendant ce temps, on nous a entre autres passé sous le nez des primes jaquettes aux médecins. Des primes d’assiduité encore une fois pour les médecins...

Depuis peu, plusieurs professionnels de la santé se sont en plus fait enfoncer dans la gorge un arrêté ministériel. Abolition des congés, abolition des vacances, déplacement du personnel sur différentes unités, mais également sur différents quarts de travail, rehaussement à temps plein obligatoire, pour ne citer que quelques exemples. À ce rythme, je ne sais pas combien de temps vos anges tiendront le coup avant que leurs ailes ne puissent plus les porter et qu’ils s’écrasent en plein vol.

Aujourd’hui, on offrirait des sommes astronomiques aux médecins qui, soit dit en passant, ont un jour prêté leur serment professionnel. Dois-je leur rappeler quelques lignes?

«J’affirme solennellement que:
Je remplirai mes devoirs de médecin envers tous les patients avec conscience, loyauté et intégrité;
Je serai loyal à ma profession et je porterai respect à mes collègues;
Je me comporterai toujours selon l’honneur et la dignité de la profession.»

Porter respect à leurs collègues médecins? Je me demande si les autres travailleurs de la santé qu’ils côtoient jour après jour sont aussi des collègues, selon leur serment? Je ne lis nulle part un paragraphe qui mentionne qu’ils le feront pour autant qu’un gros chèque s’en suive. Je ne nie pas qu’ils ont de grandes connaissances et aptitudes et qu’ils ont fait de très grandes études, mais tout de même! Des gens meurent, et pas nécessairement dans la dignité et sans les soins de bases!

211$/heure? Vraiment? Pendant que des gens meurent dans leur urine et leurs excréments? Qu’ils sont mal nourris et déshydratés? Pendant que la province entière fait des sacrifices autant sur le plan humain que financier? Pendant que le reste des professionnels en soins de santé sont déjà auprès des patients, et ce depuis le jour un, et qu’ils se sont vu offrir des primes de 8% pour les uns, et de 4% pour les autres, selon «leur degré d’exposition» à la COVID-19?

“La province entière a les yeux rivés sur vous, la balle est dans votre camp.”

D’ailleurs, permettez-moi de vous mentionner que vous avez reconnu que les patients asymptomatiques étaient une très grosse partie du «problème»; nous encourons tous les mêmes risques. J’irais même jusqu’à dire que le personnel qui n’est pas sur les unités «COVID» est encore plus à risque, puisqu’il ne porte pas la jaquette, la visière et le masque N95 de façon systématique. Si un cas asymptomatique devait se présenter à eux, ils pourraient être infectés à leur insu et devenir des super vecteurs parce que nous, monsieur le premier ministre, nous ne sommes pas confinés. Allez-vous réellement les payer ce prix pour faire le travail qu’ils doivent faire, soit soigner, soulager et accompagner les patients?

Je répète donc la question. Pourquoi sommes-nous vos anges gardiens? Pourquoi sommes-nous vos essentiels? Est-ce que les actions que vous allez entreprendre vont être à la hauteur de vos belles paroles?

La province entière a les yeux rivés sur vous, la balle est dans votre camp.

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