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Lieux abandonnés: diagnostic du virus montréalais

Les élus auraient tout intérêt à se préoccuper des centaines de «petits» lieux abandonnés dans leur ville.
Large and familiar grain elevator complex located at foot of McGill Street and mouth of LachineCanal, popularly known as Silo No. 5, was built over period of more than fifty years, starting.
Nino H. Photography via Getty Images
Large and familiar grain elevator complex located at foot of McGill Street and mouth of LachineCanal, popularly known as Silo No. 5, was built over period of more than fifty years, starting.

» Ce texte a été publié dans le cadre du dossier «Le Montréal oublié», une série de 20 reportages multimédias qui font découvrir des projets citoyens redonnant vie aux lieux abandonnés de la métropole. Consultez le dossier complet ici.

À travers la planète, les citadins sont de plus en plus nombreux à se réapproprier des terrains vacants. Montréal ne fait pas exception, et depuis un peu plus de cinq ans, les initiatives citoyennes se multiplient aux quatre coins de la ville.

En cette année du 375e anniversaire de la métropole, que l'administration du maire Denis Coderre souligne à coups de projets architecturaux ambitieux et de grands événements, les élus auraient tout intérêt à se préoccuper des centaines de «petits» lieux abandonnés dans leur ville.

D'abord pour une raison pratique: ces terrains et immeubles vacants se transforment souvent en foyers de criminalité. Puis surtout pour une raison économique: un espace revitalisé par la communauté apporte une valeur humaine, mais aussi foncière. En effet, dans un quartier défavorisé, la réappropriation citoyenne d'un lieu abandonné, avec un jardin communautaire par exemple, peut faire grimper la valeur immobilière des résidences à proximité de 9,4 points de pourcentage sur 5 ans, selon une étude américaine réalisée en 2008.

«Les terrains vacants renferment avant tout un potentiel d'autonomisation pour les résidents qui, si la Ville les aide et leur facilite la tâche, ont le pouvoir de transformer leur lieu de vie en fonction de leurs réels besoins et désirs», relate Mikael St-Pierre, urbaniste et cofondateur de Lande. La mission de l'organisme, fondé en 2015, est justement de faciliter la réappropriation citoyenne de lieux abandonnés. Grâce à une plateforme interactive, les Montréalais peuvent répertorier les terrains vacants de leur secteur et signaler leur intérêt à les transformer.

Ces astuces ont été compilées selon les informations de Lande, de Marc-André Carignan, de Dinu Bumbaru et des citoyens rencontrés durant les reportages du Montréal oublié. (Cliquez sur le graphique pour l'afficher en pleine taille.)

Quand administration municipale rime avec immobilisme

Lorsqu'il est question des terrains vacants montréalais, deux choses sont sûres. Les groupes citoyens motivés à revitaliser les lieux sont nombreux, mais la concrétisation de leurs projets s'avère toujours longue et complexe.

La structure rigide de la machine municipale, avec ses multiples règlements et politiques, a malheureusement tendance à ralentir, voire carrément stopper les élans des groupes citoyens, déplore le chroniqueur en développement urbain Marc-André Carignan. À l'heure actuelle à la Ville de Montréal, il n'existe aucun programme ou département spécifiquement responsable des projets de réappropriation citoyenne de l'espace public.

Ce constat est aussi partagé par les dizaines de groupes citoyens rencontrés dans le cadre de la série Montréal oublié. «Les petits projets citoyens» ne trouvent pas d'écho dans l'appareil municipal, où les promoteurs immobiliers ou encore les grandes firmes d'architecture sont les «habituels» intervenants en matière d'aménagement du territoire.

«Il y a un bureau pour les grands projets d'urbanisme à la Ville de Montréal, pourquoi ne pas en faire un pour les petits projets?», se questionne M. Carignan. À son avis, le 375e anniversaire de Montréal est une occasion en or pour que les élus aillent de l'avant et facilitent une fois pour toute la vie des citoyens qui ne veulent, au final, que rendre leur ville plus vivante.

L'administration centrale pourrait d'ailleurs s'inspirer du programme des ruelles vertes développé par l'arrondissement de Rosemont–La Petite-patrie, qui encourage les citoyens à verdir et à transformer ces lieux de vie en fonction de leurs besoins.

De terrain à l'abandon dominé par le béton, la ruelle Basile-Patenaude dans Rosemont est devenue un petit oasis urbain, grâce à la détermination des citoyens du quartier mais aussi grâce au soutien financier de l'arrondissement.

«Moins vendeur» au plan politique

Mais pourquoi un tel immobilisme politique? Marc-André Carignan tente une réponse: «C'est certain que des projets de petits parcs, de petits espaces publics, de ruelles vertes... c'est malheureusement moins vendeur sur le plan politique, surtout pour la ville-centre, que les projets d'architecture grandiloquents à plusieurs millions».

Une autre raison de l'immobilisme politique est simple, selon Mikael St-Pierre, de Lande. La Ville veut préserver les terrains qui représentent un potentiel immobilier, au cas où ils seraient achetés par un promoteur. Or, il y a énormément de terrains sur l'île de Montréal qui sont contaminés ou dont la forme est peu apte à la construction et qui, de fait, restent sans acheteurs durant des décennies.

L'usage temporaire de ces espaces par les résidents du secteur devient ainsi une solution intéressante, ajoute M. St-Pierre, et parfois cet usage devient permanent puisque le projet citoyen se transforme en développement rentable.

Selon Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal, l'occupation temporaire d'un lieu sous-utilisé est un moyen efficace pour les citoyens, qui ne disposent pas de l'influence d'un politicien, par exemple, de conscientiser les élus et le reste de la population à l'avenir du lieu.

«Il faut être conscient de notre capacité réelle. Des citoyens unis ont la capacité d'animer un lieu pendant quelque temps. Et c'est un bon moyen de mettre leur cause dans l'agenda public», conclut M. Bumbaru.

En parcourant notre carte interactive, découvrez 20 lieux abandonnés derrière lesquels se cachent des récits aussi inspirants que semés d'embûches, sous forme de vidéos, de photos et de textes.

Si vous avez des suggestions de lieux ou immeubles abandonnés à ajouter à la carte, ou pour tout commentaire, n'hésitez pas à contacter Camille Lopez à l'adresse suivante: camille.lopez@huffingtonpost.com.

Carte interactive et intégration des données: Roberto Rocha et Bob Perez

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