Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Cette Iliade est follement, terriblement profondément admirable, prenante et fascinante du début à la fin.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
La vision de Marc Beaupré est à la fois stupéfiante et fidèle et si belle que les images, les tableaux de cette pièce demeurent dans la mémoire
Gunther Gamper
La vision de Marc Beaupré est à la fois stupéfiante et fidèle et si belle que les images, les tableaux de cette pièce demeurent dans la mémoire

Au commencement, il doit être le risque. Marc Beaupré mijotait cette Iliade depuis sept ans, caressant le rêve de revisiter cette histoire immortelle, une histoire d'égos, de guerre, de destruction toujours actuelle évidemment, car il semblerait que nous n'avons rien appris depuis la lointaine antiquité. Claude Poissant (avec son flair habituel pour repérer les dramaturgies exceptionnelles) et le Théâtre Denise-Pelletier lui ont permis de le faire. Le résultat est à se jeter par terre. C'est ce que j'ai vu de mieux depuis le Macbeth d'Angela Konrad il y a deux ans.

Marc Beaupré possède un sens stratégique de la mise en scène. Dans un décor, que je qualifierais de futuro-industriel, nu, dur et avec comme accessoires quelques bâtons, huit comédiens accompagnés des musiciens Stephan Boucher et Olivier Landry-Gagnon vont chanter, narrer, vivre, transcender cette Iliade comme vous ne l'avez jamais imaginée. La musique varie du rap à la chansonnette en passant par le rock et devient partie intégrante du récit, le magnifiant, le sublimant, lui accordant une dimension envoûtante et hypnotique. Le tout très stylisé avec une gestuelle véhiculant colère, violence, douleur, courage, amour, constamment juste, mais aussi résolument sobre. Et il y a des scènes qui vous arrachent le cœur, lorsque par exemple Andromaque supplie Hector de ne pas aller se battre, lui demandant de ne pas faire d'elle une veuve et de son fils un orphelin.

Les comédiens qui ont participé à cette folle entreprise sont uniformément bons.

Les comédiens qui ont participé à cette folle entreprise sont uniformément bons. Maya Kuroki est une Cassandre illuminée, mais sombre, stridente, celle dont la fortune est de lire le futur et le chagrin de n'être jamais crue et qui se fait insulter avec une algarade composée des lettres de l'alphabet grec. Justin Laramée (noble et las Agamemnon), Louis-Olivier Maufette (superficiel et vaniteux Pâris), Guillaume Tremblay (Ménélas, instigateur de ce siège), Jean-François Nadeau (Hector, humain, tellement humain), Émile Schneider (vulnérable et audacieux Patrocle), Catherine Larochelle (intense et magnifique Andromaque, amoureuse, mère, lucide devant la folie des hommes qui l'entourent) tous, même en l'absence des dieux, nous font comprendre que les hommes sont très capables de prendre la fatalité entre leurs mains et de gâcher tout ce qu'il y a de beau et de bon dans leur existence.

Emmanuel Schwartz en Achille est inoubliable. Tout chez lui, le port de tête, la lenteur du geste, la silhouette, la voix, est à la fois attachant et intimidant, comme se doit d'être un demi-dieu. Il joue avec Patrocle l'une des scènes les plus touchantes que j'ai vues de ma vie et sa confrontation, au début de la pièce, avec Agamemnon qui lui a volé son esclave/maîtresse Briséis nous rappelle que cette colère que chantent les Muses n'est en fait qu'une compétition entre deux mâles alpha se disputant dans une cour d'école. Ce qui n'empêche pas cet Achille de souffrir mieux et plus que les autres.

La vision de Marc Beaupré est à la fois stupéfiante et fidèle et si belle que les images, les tableaux de cette pièce demeurent dans la mémoire

Ce qui advient doit arriver, cela ne peut pas ne pas arriver, on pense à une horloge, mais c'est un engrenage, on songe à une machine, mais elle est infernale. Qu'un texte vieux de trois mille ans, soutenu par les atlantes et les cariatides du génie d'Homère, nous interpelle avec toujours autant de force démontre le pouvoir que possède L'Iliade de capturer le spectateur à l'intérieur d'un seul moment, à jamais. C'est le navire originel qui toujours renouvelle le voyage avec son incroyable architecture d'émotions. La vision de Marc Beaupré est à la fois stupéfiante et fidèle et si belle que les images, les tableaux de cette pièce demeurent dans la mémoire. Cette Iliade est follement, terriblement profondément admirable, prenante et fascinante du début à la fin. Et on en sort tétanisé avec la mission urgente d'en parler à tous ses amis.

L'Iliade : coproduit par le Théâtre Denise-Pelletier et Terre des Hommes, au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 6 décembre 2017.

20 pièces de théâtre

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.