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Il faut craindre les femmes voilées en CPE plus que le burkini, dit Lise Payette (VIDÉO)

Il faut craindre les femmes voilées en CPE plus que le burkini, dit Lise Payette (VIDÉO)

Tolérer le port du burkini au Québec est une bien mauvaise idée, mais laisser des femmes voilées travailler dans les CPE et enseigner aux enfants pourrait avoir des conséquences plus désastreuses. C’est du moins ce que pense l’ancienne ministre péquiste Lise Payette. L’ex-chroniqueuse du Devoir est sortie de son mutisme médiatique mercredi, alors qu’elle publie un recueil où elle explique pourquoi le quotidien a mis fin à ses neuf ans de collaboration. Entrevue.

Huffington Post Québec: Avant de discuter de la «saga» qui a mené à la fin de vos chroniques dans Le Devoir, parlons rapidement du burkini. Que pensez-vous du fait que Québec refuse d’interdire le port de ce vêtement?

Lise Payette: Ce qui m’ennuie c’est que c’est une décision religieuse imposée par des hommes. Ce qui m’inquiète c’est l’exemple pour nos filles. Je suis plus inquiète des femmes voilées qui enseignent aux enfants ou travaillent dans les CPE, car ça marque l’esprit des petits. […] Parce que je pense qu’il y a des esprits d’enfants qui peuvent être touchés par cette façon de faire et une fois qu’ils sont pris, on ne peut plus les sortir de là. Ceux qui partent faire la guerre avec les islamistes, on les nourrit de haine. L’influence des femmes sur les petites filles, c’est la même chose. Le meilleur moyen ce serait de connaître ces femmes, de leur parler, et d’en faire des féministes à partir de zéro.

Est-ce que le fait d’encadrer [ou de bannir] le port de ces vêtements devrait accompagner ces actions?

Oui. En plus, se baigner dans la mer ainsi, ça fait peur aux poissons… mais se baigner dans une piscine, habillée ainsi… Voyons! Où est-ce qu’on vit?

Vous avez d’ailleurs exprimé votre opinion sur ce sujet sensible dans le passé, notamment dans vos chroniques du Devoir. Le 6 mai dernier, un court mot publié dans le quotidien annonçait la fin de votre collaboration. Que s’est-il passé?

Je croyais que le nouveau directeur, Brian Myles, allait s'expliquer aux lecteurs. Je lui ai laissé quatre mois pour le faire. Mais pas un mot sur le pourquoi ou le comment.

Mais quel a été l’élément déclencheur?

Le 27 avril dernier, j’ai envoyé ma chronique, comme d’habitude, deux jours avant la publication. Elle portait sur Gaétan Barrette [le ministre de la Santé]. La veille de la publication, jeudi soir, j’ai reçu un courriel signé par la nouvelle rédactrice en chef Luce Julien et par le directeur me disant que la chronique comportait un risque de diffamation et recelait des «omissions et imprécisions factuelles».

Qu’avez-vous répondu?

Qu’en neuf ans comme chroniqueuse au Devoir, c’est la première fois qu’une telle décision était prise. Je crois que [M. Myles] cherchait une excuse pour mettre une chroniqueuse à la porte et je lui ai dit.

Mais les termes utilisés à l’endroit de M. Barrette étaient-ils diffamatoires?

J’ai soumis ma chronique à un avocat et il m’a aussitôt dit que les propos étaient durs mais que rien ne justifierait une poursuite. Le Devoir aurait aussi pu consulter un avocat.

Peut-être n’ont-ils pas les moyens…

Eh bien c’est ça… Je trouve tout ça injuste. Ça faisait neuf ans que je travaillais pour des sommes absurdes. Quand on m’avait approché pour écrire dans Le Devoir on me disait que la survie du journal était en danger. Je me suis sentie concernée. Ils m’ont offert des sommes ridicules, au début on me payait 175$ la chronique, puis ça a baissé à 100$ le texte. Je ne trouve pas que j’ai abusé.

Le vendredi matin 29 avril, journée où votre chronique aurait dû être publiée, vous avez eu une discussion téléphonique avec M. Myles et Mme Julien?

Exact. On m’a fait comprendre qu’on n’aimait pas ma façon d’écrire… J’ai fini par répéter à Brian Myles que s’il cherchait à se débarrasser d’une chroniqueuse il n’avait qu’à le dire. Il a dit aussitôt : «Eh bien voilà. C’est fait». Il a raccroché. Et il a laissé les lecteurs dans l’ignorance de ce qui venait de se passer. Alors en publiant ce recueil de chroniques, j’apporte aussi des explications. Je le fais pour les lecteurs.

Le Devoir réplique à Payette

Après avoir pris connaissance de l’avant-propos du recueil de Lise Payette où elle explique pourquoi Le Devoir a mis fin à ses chroniques, mercredi, la direction du quotidien a tenu à donner sa version des faits par voie de communiqué. On peut lire : «Contrairement à ce que laisse entendre Mme Payette dans son ouvrage, Brian Myles ne l’a pas traitée de façon cavalière, et il nie catégoriquement les paroles qui lui sont attribuées dans l’ouvrage. M. Myles a d’ailleurs défendu bec et ongles la liberté d’opinion de Mme Payette lors de l’affaire Jutra, en rappelant son importante contribution pour le Québec.» De plus, le directeur du journal affirme avoir offert à Mme Payette la possibilité d’écrire une chronique d’adieux à ses lecteurs. «Elle a catégoriquement décliné cette invitation», a-t-il fait valoir.

Le mutisme du Devoir sur la fin de votre collaboration vous a donc choquée?

Au début j’étais démunie. Je pleurais. Les deux premières semaines ont été très pénibles. Puis j’ai décidé que j’allais reprendre mes chroniques, mais dorénavant sur mon site web, à chaque semaine, idéalement j’en écrirai cinq par semaine à partir de maintenant.

Dans le recueil de chroniques que vous venez de publier, Le sens du Devoir, vous n’avez pas mis celle sur Claude Jutra. Est-ce parce que ce texte avait fait fortement réagir plusieurs lecteurs, qui estimaient que vous faisiez un lien douteux entre homosexualité refoulée et pédophilie?

Non. Ce n’est pas moi qui a pris cette décision, c’est le groupe de lecteurs [responsable de sélectionner les chroniques à publier] qui a tranché en ce sens. Ils l’ont sûrement fait pour éviter que j’ai besoin de m’expliquer à nouveau. Ma position n’a pas changé. […] Mais je ne peux pas croire que quelqu’un qui lit cette chronique pense que je confonds les deux.

Pouvez-vous nous rappeler votre position dans l’affaire Jutra?

Si c’est vrai ce que l’on dit sur lui, j’ai besoin de preuve, je ne suis pas capable de croire qu’il serait tombé là-dedans. […] Je trouve qu’on a été trop vite dans le jugement qu’on a porté, et on a toujours tort de porter jugement sur quelqu’un qui n’est pas là pour se défendre.

Mais pourtant il y a eu plusieurs témoignages de victimes… non?

Il y a en eu un [qui s’est confié à La Presse], on n’a que son prénom, il n’a pas insisté pour être connu. Et un autre quelques jours après… Ça ne m’impressionne pas assez pour que je dise oui, ok. Je n’y crois pas encore.

Vous avez tout de même pris soin, après le tollé déclenché par vos propos, de clarifier votre pensée dans la chronique suivante. Vous aviez notamment affirmé ne pas être devenue sénile. Estimez-vous avoir été victime d’âgisme?

On l’a dit que j’étais devenue sénile, je l’ai entendu, à la radio entre autres…

Mais n’est-ce pas là de l’âgisme justement?

Je ne sais pas! Je suis très jeune, 85 ans à peine (rires)! Ce que je sais c’est que je ne suis pas sénile.

Vous êtes donc loin de tirer votre révérence?

J’ai besoin d’être en contact avec le public. Il m’arrive de me réveiller, le matin, et de me dire que j’ai besoin de parler à mon peuple. Ça fonctionne ainsi depuis 60 ans. Difficile de l’arrêter la machine, et en plus elle va très bien.

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