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Pour une éducation de la vraie égalité des chances

Le Québec a perdu deux ans, depuis l'élection des Libéraux, en éducation. Deux ans de coupes débilitantes dans nos CPE, nos écoles primaires et secondaires. Deux ans de débats inutiles sur les structures.
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Le Québec a perdu deux ans, depuis l'élection des Libéraux, en éducation. Deux ans de coupes débilitantes dans nos CPE, nos écoles primaires et secondaires. Deux ans de débats inutiles sur les structures.

Cela ne devrait même pas être en débat : l'éducation doit être la priorité permanente de la nation. C'est l'outil principal dont elle dispose pour assurer l'épanouissement de chacun de ses enfants, pour pousser plus loin son aventure scientifique, culturelle, pour constamment réinventer son économie. C'est le creuset dans lequel les jeunes de toutes origines apprennent la société dans laquelle ils vivent ensemble. C'est l'échelle qui doit permettre à chacun d'échapper à une situation de départ défavorable (socialement, économiquement ou découlant d'une difficulté personnelle) pour atteindre la porte de la vraie égalité. Ce doit être l'école de la citoyenneté.

L'éducation comme priorité permanente, cela signifie aussi, au sens plus large, assurer aux adultes qui en ont besoin un véritable accès à la lecture, au savoir, à l'épanouissement. C'est la réussite pour tous.

A - Enfin, un grand chantier pour faire reculer l'analphabétisme

Les chiffres sont difficiles à croire. Mais il faut les regarder en face : 20 % des Québécois sont analphabètes au sens strict. Un sur cinq ! 33% sont « analphabètes fonctionnels », ce qui signifie qu'ils peinent à comprendre un simple paragraphe. Certaines nations occidentales affichent des résultats encore plus désolants (dont la Suisse !). Mais le fait est que le Québec accuse un retard sur les pays d'Europe du Nord, les États-Unis, l'Ontario et les provinces de l'Ouest .

Les personnes âgées et immigrantes sont surreprésentées chez les Québécois qui ont des difficultés en lecture, mais l'enjeu est beaucoup plus large. Plusieurs jeunes Québécoises et Québécois qui ont réussi leurs études secondaires (voire post-secondaires) pratiquent ensuite un métier qui exige peu ou pas de lecture. Leur compétence décline alors graduellement jusqu'à ce qu'ils deviennent incapables de lire un texte minimalement complexe.

L'analphabétisme pose au moins trois problèmes majeurs à la société québécoise : 1) sur le plan de leur carrière, les gens qui éprouvent des difficultés en lecture peuvent plus difficilement acquérir de nouvelles compétences, ce qui limite leur développement professionnel, 2) sur le plan humain, ces Québécois sont moins autonomes et incapables de s'épanouir dans un monde où la lecture est souvent essentielle pour gérer ses affaires personnelles et sa santé, 3) sur le plan de l'économie québécoise dans son ensemble, une main d'œuvre comportant autant d'analphabètes fonctionnels ne peut pas accomplir les gains de productivité nécessaires au maintien, et à l'accroissement, de notre richesse collective.

Pourtant, l'alphabétisation a toujours été le parent pauvre du gouvernement du Québec. Un gouvernement Lisée en ferait une priorité.

1.Une grande corvée afin de faire reculer de façon mesurable, sur 15 ans, l'analphabétisme.

Les organismes d'alphabétisation existants, les milieux de l'éducation, les partenaires sociaux-économiques seront conviés à se concerter pour établir un plan d'action concret de réduction de l'analphabétisme.

Nous pourrons nous appuyer sur l'expérience récente de pays comparables, notamment celle du Royaume-Uni qui a permis depuis 2001 à plus d'un million d'adultes analphabètes d'atteindre des compétences de base en lecture et à des centaines de milliers d'autres de progresser davantage encore .

La mobilisation québécoise pourra faire appel également à une ressource précieuse : les dizaines de milliers d'enseignants à la retraite qui pourraient vouloir remettre l'épaule à la roue et participer à cette grande œuvre collective.

Un recul de l'analphabétisme est le plus beau cadeau que l'on puisse faire aux Québécois, à leur économie et à leur démocratie.

B - Réparer les dégâts causés par les libéraux et aller au-delà

Ce n'est un mystère pour personne : la réussite scolaire passe nécessairement par la capacité des garderies et des écoles à diagnostiquer le plus tôt possible les difficultés d'apprentissage et à déployer rapidement des interventions robustes. Le nombre d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) a augmenté de façon marquée et il est essentiel d'assurer à chacun un suivi adéquat.

Il est simplement ahurissant de devoir constater que le gouvernement Couillard a réduit l'aide à ces enfants depuis son élection.

2.Redonner leur élan aux Centres de la petite enfance

Les données sont formelles : correctement outillés, les CPE offrent aux enfants du Québec les meilleures chances de réussite et de dépistage précoce de leurs difficultés que les autres modes de services de garde

Un gouvernement Lisée gèlerait le développement des garderies privées, favoriserait leur transformation en CPE et complèterait le réseau avec de nouvelles places en CPE pour atteindre l'objectif « un enfant une place de qualité ». Il veillerait également à assurer un niveau de qualité comparable aux CPE dans les services de garde en milieu familial.

Tel que recommandé par les conférenciers au Forum de l'autisme réuni en 2016, tous les enfants présentant des difficultés d'apprentissage se verraient garantir une place en CPE, où¬ une attention particulière leur est prodiguée.

Le déploiement des maternelles quatre ans se poursuivraient en milieu défavorisé où elles sont un complément utile pour rejoindre des clientèles plus enclines à inscrire leur enfant à l'école que dans un CPE. Les maternelles n'ont cependant nullement vocation à remplacer les CPE (comme le propose, inexplicablement, la CAQ).

3.Réinvestir de façon importante dans le personnel spécialisé au sein des écoles : psychoéducateurs, techniciens en éducation spécialisée, orthophonistes, psychologues, etc.

Il faut à ce sujet non seulement corriger les erreurs commises par le PLQ, mais trouver, avec les acteurs du milieu, le rythme de croissance adéquat du nombre d'intervenants spécialisés.

Cette mesure est également indispensable pour venir en aide aux enseignants qui sont à bout de souffle devant la lourdeur de la tâche, et dont le taux de décrochage professionnel est désormais très préoccupant .

4.Ne pas toucher aux structures du réseau pendant quatre ans.

Après le cafouillage des libéraux dans le dossier des Commissions scolaires, qui ont semé l'incertitude et empêché les enseignants, les spécialistes et les gestionnaires de se concentrer sur la réussite pendant deux ans, il me semble essentiel de prendre cet engagement.

Je m'engage à

a) ne pas changer de ministre tous les six mois ;

b) ne pas déstabiliser les intervenants avec des réformes improvisées.

Je confierai à mon ministre de l'Éducation le mandat de ne pas défaire ce qui fonctionne, de s'assurer que les gens ont les ressources nécessaires pour faire leur travail, de produire des données et analyses permettent aux intervenants de prendre des décisions basées sur des données probantes et de faire une reddition de compte intelligente.

Je ne lancerai pas de réforme majeure du curriculum, à l'exception de l'engagement que j'ai déjà pris à l'égard du cours Éthique et culture religieuse, que je propose de remplacer par un cours d'Éthique et citoyenneté québécoise. (L'étude du phénomène religieux sera progressivement intégrée au domaine de l'univers social, ce qui permettra d'en traiter de façon plus objective et dans son contexte historique et social.) La réforme du cours d'histoire interrompue par le PLQ reprendra son cours et le cours d'histoire prévu au Cégep sera réintroduit.

C - Prendre vraiment les moyens d'assurer l'égalité des chances

5.Oser nommer les problèmes, trouver des pistes d'action. Il faut favoriser la réussite de tous, mais oser reconnaître les fortes inégalités qui persistent entre différents groupes. Pour une foule de raison, l'échec scolaire affecte démesurément les garçons, les élèves francophones et les élèves du secteur public.

Les garçons. Une certaine rectitude politique semble nous avoir empêchés de le dire tout haut: il y a urgence à aider nos garçons. L'écart de réussite entre eux et les filles dépasse 10 % en moyenne. Cette situation est inacceptable et il faut, dans un effort d'augmenter la réussite de tous, permettre aux garçons de combler l'écart avec les filles. J'entends m'y attaquer résolument.

Les francophones. L'écart entre les francophones et les anglophones (10 %) est tout aussi important.

L'écart public-privé. L'écart entre le réseau public et le réseau privé dépasse lui-même les 20 %. À certains endroits, notamment sur l'Île de Montréal, la relation entre les réseaux privés et publics ressemble de plus en plus à une ségrégation socio-économique qui compromet l'égalité des chances.

Comment combler ces écarts ? J'avance quelques propositions fortes :

6.Plus de moyens et plus de flexibilité pour les milieux défavorisés.

Notre société prétend accorder une place importante à l'égalité des chances, mais il est évident que tous ne partent pas égaux. Dans certaines commissions scolaires, moins d'un élève sur deux obtient son diplôme secondaire à l'intérieur de la durée prévue, alors que dans d'autres, le taux atteint 70 %, voire 80 % . Il est illusoire de penser s'attaquer sérieusement au problème de la réussite sans reconnaître l'inégalité des chances au point de départ.

Offrir des services égaux aux enfants de famille aisées de Sillery et à ceux de milieux pauvres de Saint-Henri ne fera que reproduire les inégalités de départ, plutôt que de les corriger.

Je propose donc de

a) réinvestir de façon plus importante et plus ciblée dans les écoles situées dans les milieux les plus à risque ;

b) de réduire le ratio maître-élèves et le ratio personnel de soutien-élèves dans ces écoles ;

c) de permettre, en concertation avec les représentants des enseignants, la formation plus libre des équipes-écoles pour en assurer la cohésion - comme c'est déjà le cas dans une quarantaine d'écoles alternatives

d) d'accorder davantage de ressources et d'autonomie à la direction et aux équipes de ces écoles ;

e) de valoriser le travail de ces directions et de ces équipes par une prime salariale dédiée et par une reconnaissance publique de leurs succès.

7.Créer le comité conseil #UrgenceGarçons

Le retard pris par nos jeunes hommes semble systémique. Il est certes multifactoriel.

Dès la prise du pouvoir, un comité conseil sera formé pour développer un plan d'action adapté au défi posé par cet écart

8.Assurer aussi l'égalité dans le fardeau des écoles privées et publiques.

De très nombreux parents sont attachés à l'existence d'un réseau privé robuste. Cependant on constate un déséquilibre préoccupant entre les réseaux privés et publics. Ce déséquilibre est en train de saper la vitalité - et la réputation - des écoles publiques.

Un gouvernement Lisée maintiendrait le gel de la création de nouvelles places au privé. Concurremment, il généraliserait la pratique du tirage au sort pour l'inscription des enfants dont les parents souhaitent voir leurs enfants y accéder, plutôt que l'écrémage pratiqué par trop d'écoles privées . Cela assurera davantage d'égalité des chances pour tous les enfants de parents qui souhaitent utiliser cette voie et y mettre le prix.

En ce moment, les écoles privées n'ont pas d'obligation de rétention des étudiants qui éprouvent des difficultés scolaires une fois admis. Cela constitue, pour l'école privée, une façon de se décharger de ses responsabilités en matière de réussite de tous ses étudiants.

Je compte faire en sorte que l'école privée assume sa juste part de l'effort induit par l'augmentation de la proportion d'élèves en difficulté. Elles devront non seulement en assurer l'admission en plus grand nombre, mais prendre les moyens de les amener à la diplomation.

9.Faire de la formation professionnelle une voie normale.

Plus de 142 000 jeunes Québécoises et Québécois sont inscrits à la formation professionnelle, ce qui est davantage qu'en formation technique au niveau collégial. Contrairement à certaines idées reçues, les élèves de la formation professionnelle sont relativement âgés (80 % au plus de 20 ans) et la majorité dispose déjà d'un Diplôme d'études secondaires.

La contrepartie de ce succès est que très peu de jeunes accèdent à la formation professionnelle avant l'âge de vingt ans, par exemple, en participant à un cheminement double qui leur permettrait de compléter leur DES tout en apprenant un métier. Une partie du problème vient du fait que la formation professionnelle demeure moins valorisée que le collège et l'université. Il faut trouver les moyens de renverser cette perception.

Une autre partie du problème tient au fait qu'il demeure très difficile pour les jeunes de 16 ou 17 ans - qui poursuivent leur formation générale au secteur des jeunes - de s'inscrire simultanément dans un programme de formation professionnelle. L'offre demeure modeste et la gestion des horaires difficiles, puisque la formation professionnelle est surtout pensée pour les adultes qui poursuivent ce cheminement à temps plein.

Je propose de travailler avec les commissions scolaires et les associations d'enseignants afin de multiplier les occasions pour les jeunes du secondaire de poursuivre en concomitance une formation professionnelle.

D - Valoriser le travail des maîtres, au sens propre et au sens figure

Nos professeurs semblent être tombés de leur piédestal d'antan. Ils souffrent d'un déficit croissant de respect, tant de la part d'élèves irrévérencieux que de parents agressifs ou de ministres libéraux à la recherche de bouc-émissaires.

On ne peut prétendre à une éducation de qualité si les enseignants ne sont pas reconnus à leur juste valeur par la société et, au premier chef, par le gouvernement.

Des enseignants compétents, motivés et reconnus socialement sont la composante la plus importante d'un système d'éducation performant.

Je propose d'agir sur plusieurs fronts.

D'abord, le gouvernement a la responsabilité de reconnaître, de valoriser et d'appuyer socialement les enseignantes et enseignants. Je compte m'en charger.

Ensuite, il faut favoriser l'inscription dans les facultés d'éducation des meilleures étudiantes et étudiants qui doivent être des modèles en matière de culture, de pédagogie et de résilience.

10.Revoir et renforcer la formation des maîtres.

En ce moment, la formation en enseignement est d'une durée de quatre ans au niveau du baccalauréat.

Je propose d'explorer la possibilité de réformer les programmes de formation afin que tous les nouveaux enseignants du primaire et du secondaire soient formés au niveau maîtrise.

Le baccalauréat en enseignement de quatre ans serait ainsi remplacé par une maîtrise qualifiante en enseignement de deux ans. Pour s'y inscrire, l'étudiant devrait avoir complété un baccalauréat spécialisé dans un programme : histoire, lettres, mathématique, psychopédagogie, etc. Un tel cheminement existe déjà, mais demeure peu utilisé. Je propose de l'universaliser pour les maîtres du primaire et du secondaire.

Ce rehaussement du niveau de formation de base des enseignants augmenterait la reconnaissance sociale, les compétences disciplinaires et la résilience des nouveaux enseignants. Finalement, il est essentiel de renforcer la formation continue des enseignants afin de leur permettre de rester à jour sur les plans disciplinaire et pédagogique. Des mesures existent déjà, mais il faut mieux les rendre obligatoire et en faire le suivi .

11.Graduellement rehausser le salaire des enseignants du primaire et du secondaire

Cette mesure ajoutant une maîtrise qualifiante à la formation des maîtres majorera automatiquement d'environ 10% la rémunération de ceux et celles qui entreront ensuite dans la fonction d'enseignant, par le simple jeu de la rémunération en fonction des années de formation .

C'est heureux car il faut, sur le moyen terme, faire en sorte que la fonction d'enseignant du primaire et du secondaire devienne nettement plus attractive, y compris sur le plan financier.

Les propositions en éducation que j'avance aujourd'hui visent à appuyer ce qui se fait de mieux dans le milieu de l'éducation afin de nous permettre d'aller plus loin.

Je reviendrai plus tard avec des propositions portant sur les Cégeps, l'Université et la recherche et l'innovation.

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