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Briser le silence de la rectitude politique

Le président de la Commission des droits de la personne peut penser qu'il n'est pas «», dans notre Québec consensualiste et solidaire, de critiquer l'islam radical. Il faut, au contraire, le permettre. Ne sommes-nous pas supposés être Charlie?
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Mon billet de blogue du 18 janvier 2015 exhortait la ministre de la Justice, Procureure générale du Québec et ministre responsable de la Condition féminine, la libérale Stéphanie Vallée, à faire la sourde oreille à une requête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse d'élargir les pouvoirs de celle-ci en matière d'intimidation et de discours haineux. La Commission se plaignait de ne pouvoir agir que si la discrimination visait une personne en particulier, mais pas un groupe en général.

Par exemple, elle ne peut pas actuellement mener d'enquête lorsque des propos «haineux» contre les minorités ethniques, les homosexuels, les adversaires politiques et bien entendu les membres de telle ou telle religion sont proférés au moyen de communications publiques artistiques, littéraires ou d'information (comme un article de journal, un éditorial, une émission de radio ou de télévision, des sites Internet ou des blogues comme ceux du Huffington Post). En entrevue, Jacques Frémont, président de la Commission, a indiqué qu'il voudrait que la Commission puisse initier des procédures contre «un site web, tout simplement, qui déblatère et qui a des propos, des incitations à la haine par rapport à certains groupes particuliers, pensons aux groupes musulmans».

Seul chef de parti politique québécois à ouvertement avoir pris position pour la liberté d'expression et contre la censure (suite aux attentats de Charlie Hebdo et contre les « Yes But Brigades »), je concluais que « le Parti conservateur du Québec s'est doté d'une boussole idéologique ayant comme fondement la protection des droits et libertés individuels, incluant la liberté de religion, de conscience et d'expression. Ce dernier droit comprend le droit d'indisposer, y compris par la critique des croyances religieuses des autres, que ce soit dans un éditorial ou en « déblatérant » sur un blogue. Nier ce droit au nom de certaines arguties « éthiques » pour justifier le pouvoir de censurer comme le demande la Commission des droits de la personne québécoise est une négation de notre démocratie libérale occidentale. »

La ministre a néanmoins déposé à la mi-juin le projet de loi 59 qui répond largement aux souhaits de Commission. Ce projet de loi lui donnerait d'immenses pouvoirs pour enquêter sur des propos haineux, à partir de dénonciations ouvertes ou anonymes, faites par des individus ou au nom d'une « communauté » et de décider si un crime a été ou sera commis. Le cas échéant, la Commission poursuivrait. En plus d'écoper d'amendes exorbitantes, les coupables verraient leurs noms affichés sur internet dans un registre de nature pénale. La Commission pourrait aussi initier ses propres enquêtes et faire interdire des propos avant leur diffusion ou publication.

Je suis heureux de voir que mon opinion a suscité l'appui de commentateurs de tous les horizons politiques. Don Macpherson de The Gazette, Mathieu Bock-Côté et Lise Ravary dans le Journal de Montréal et Beryl Wasjman dans The Suburban ont tour à tour vigoureusement dénoncé le projet de loi 59. Le chroniqueur Yves Boisvert qualifie cette nouvelle attaque à la liberté d'expression de « délit d'opinion ». Moi, j'appelle ça de la censure, pure et simple.

Lundi dernier, l'avocat Julius Grey et l'ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal, Julie Latour, ont comparu en commission parlementaire au nom du groupe Juristes pour la défense de l'égalité et des libertés fondamentales pour se joindre au concert des voix qui soulignent les dangers de ce projet de loi liberticide.

Les deux juristes ont expliqué notamment que la liberté d'expression n'est utile que dans les cas où l'expression dérange ou est incompatible avec les vérités reçues de la société. Nous n'avons pas besoin de la protection de la Charte pour dire des choses banales ou pour exprimer des opinions que tout le monde partage. C'est seulement quand le discours choque que la protection de la Charte devient essentielle. C'est quand les propos sont impopulaires, durs, crus et déplaisants qu'il faut les protéger.

Me Grey et ses collègues nous rappellent que dans l'affaire Montréal (Ville) c. Cabaret Sex Appeal inc. datant de 1994, le juge Jean-Louis Baudouin s'était inscrit en faux contre la rectitude politique et exprimait le fait que ce ne sont pas les déclarations consensuelles ou doucereuses qui nécessitent la protection de la Charte, mais bien celles qui sont impopulaires ou controversées : « Une société libre et démocratique comme la nôtre doit nécessairement faire preuve d'un haut degré de tolérance pour l'expression de pensées, d'opinions, d'attitudes ou d'actions qui, non seulement ne font pas l'unanimité ou ne rallient pas les vues de la majorité des citoyens, mais encore peuvent être dérangeantes, choquantes ou même blessantes pour certaines personnes ou pour certains groupes. La liberté d'expression ne doit pas être couchée dans le lit de Procuste du "political correctness". Ce n'est que dans l'hypothèse d'abus clairs et donc de danger pour le caractère libre et démocratique de la société, qu'au nom de la protection de certaines valeurs fondamentales, alors non négociables, on peut imposer l'intervention légitime de la loi. »

M. Frémont peut penser qu'il n'est pas «politically correct», dans notre Québec consensualiste et solidaire, de critiquer l'islam radical, cet islam que Lise Ravary décrit comme « perverti, conquérant, violent, suprémaciste, qui met des balles dans la tête de fillettes qui veulent fréquenter l'école, qui demande à des enfants de mourir en martyrs. » Il faut, au contraire, le permettre.

Ne sommes-nous pas supposés être Charlie?

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