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«L'Ostérité d'Show»: les humoristes fustigent l'austérité (PHOTOS)

«L'Ostérité d'Show»: les humoristes fustigent l'austérité
Simon Lussier

Fred Dubé, Mike Ward, Guillaume Wagner, Sèxe Illégal, Emmanuel Bilodeau, Olivier Martineau et plusieurs autres humoristes ont fait un pied de nez et un doigt d’honneur aux politiques d’austérité économiques, mardi, lors de L’Ostérité d’Show, spectacle particulièrement décapant présenté une seule fois au Club Soda, devant un public enflammé et on ne peut plus sympathisant.

«L’Ostérité d’Show» au Club Soda

L’événement était organisé par le Front Commun Comique (FCC), mouvement bénévole de figures du milieu de l’humour engagées, qui utilisent leur art pour défendre «le bien commun, la justice sociale et les idées progressistes» et en font un «outil de révolution sociale». Avec L’Ostérité d’Show, le groupe se lançait comme mission de vulgariser et démocratiser le débat entourant l’austérité. Autrement dit, le FCC emploie l’humour pour rassembler et, ensuite, mieux mobiliser.

Constructive, certes, mais pas dans la langue de bois pour autant. Les héritiers de l’Osstidcho n’ont démontré aucune vulgarité gratuite, mais ont joyeusement fustigé le Premier ministre Philippe Couillard et les mesures d’austérité imposées aux Québécois dans une langue crue, sans détour et surtout sans complaisance. Les invités étaient présents pour distribuer claques et coups de poings, et non des tapes dans le dos, on l’a compris rapidement.

D’entrée de jeu, on savait qu’on n’aurait pas droit à des gags mielleux sur la vie de couple ou des anecdotes de camping, alors qu’à l’entrée de la salle, on distribuait des dépliants tout à fait sérieux titrés L’austérité : mal nécessaire ou virage idéologique? Quiconque ne s’intéresse pas à la politique aurait pu trouver la soirée longue – quoique le ton s’est un peu allégé en deuxième partie avec les Sèxe Illégal, Martineau et Ward -, mais on ne s’est pas ennuyés du tout pendant l’enchaînement de près de trois heures.

Comptine, nains, framboises et musulmans

Animateur de la soirée, Fred Dubé s’est pointé le visage masqué, pistolet à la poitrine. «Vous avez remarqué, je suis étudiant en sciences humaines à l’UQÀM… Ben non, voyons! Je ne suis pas un extrémiste!», a-t-il craché en guise d’introduction. Le parterre a énormément apprécié sa boutade et s’est tout autant délecté, par la suite, de son délire sur les itinéraires qui doivent être à tout prix dévoilés lors des manifestations, et qui a débouché sur… la vie sexuelle de Stephen Harper.

Mélanie Couture a composé une comptine à saveur économique pour Philippe Couillard et imaginé tout haut un «été érable», où les médecins déambuleraient dans les rues comme l’ont fait les étudiants il y a trois ans. Christian Vanasse, des Zapartistes, a offert une imitation virulente de Michel Chartrand, qui lui a valu une très chaleureuse ovation. «Au lieu de suggérer au gouvernement de manger de la marde, je vais souhaiter que le gouvernement ravale ses propres paroles. Ou qu’il mange Éric Duhaime!»

Guillaume Wagner a usé de comparaisons très terre-à-terre, imagées, et de son verbe coloré pour illustrer l’impact de l’austérité dans nos vies. Ses flèches à l’endroit du poids de Gaétan Barrette ont fait mouche. Le monologue à double sens dans un faux anglais d’Emmanuel Bilodeau, qui s’est défini comme un «french fucker», était un peu long, mais a obtenu beaucoup de succès.

La grande révélation de L’Ostérité d’Show s’appelle Maude Landry et a provoqué des fous rires plus que sentis avec son air pince-sans-rire – pour ne pas dire «air bête» - et ses questionnements philosophiques sur la possibilité d’accoucher d’un enfant nain. Elle y est allée de gentilles comparaisons à propos de la grande thématique du jour. «L’austérité, c’est comme manger un cornet de crème glacée qui fait pas engraisser, mais qui goûte la marde. L’austérité, c’est un super-héros qui arrête tous les criminels, mais qui fait lui-même tous les crimes. L’austérité entre dans un bar; elle sort du bar, et là, le bar lui appartient…»

Les impayables gaillards de Sèxe Illégal ont évidemment donné dans l’absurde total en remerciant Gab Roy, en se présentant comme étant Les Morissette, en parlant de nains pédophiles, en s’autoproclamant «pour les femmes battues» et en livrant un hommage à Anne Frank sur une parodie de chanson de Ricky Martin. Un peu plus tôt, l’un des deux membres du duo s’était amené sur scène entre deux numéros en déclarant être François Bugingo. «J’ai menti, je ne suis pas noir…», a-t-il avoué devant les spectateurs hilares.

Olivier Martineau s’est défoulé sur son ras-le-bol de payer taxes et impôts, sur l’attente aux urgences («J’avais tout pour devenir médecin: le sarrau…», a-t-il brièvement énuméré) et sur le prix des framboises, qui a augmenté récemment. «À 9$ le casseau, tes framboises ont d’affaire à me sucer…!», a-t-il vociféré.

Accueilli en héros, Mike Ward a dérogé du thème imposé pour jaser de son végétarisme et du racisme. Il a été fort efficace. À propos des musulmans, il a eu cette réflexion : «Nous autres, les Blancs, on a tous secrètement un peu peur de toi. On n’est pas très bons pour garder ce secret-là…»

Dans un coin de la scène, Mario Bélanger a été déguisé en homme des cavernes qui faisait office de DJ pendant une bonne partie du spectacle. Deux économistes, Ianik Marcil et Ève-Lyne Couturier, sont pour leur part venus expliquer en quoi l’austérité est réellement néfaste, et ont été écoutés religieusement.

Conséquences de l’austérité

Accostés à l’entracte, Fred Dubé, qui est l’instigateur du FCC, et Guillaume Wagner ont réitéré comment, selon eux, l’austérité peut être nuisible dans une société.

«L’austérité est un vieux concept ; ça fait 30 ans qu’on essaie de l’imposer, au Québec, a souligné Fred Dubé. Et, depuis, ça s’est seulement dégradé. Si ça ne s’est pas dégradé plus qu’ailleurs, c’est qu’on avait un filet social, celui de l’État-providence.»

«L’austérité, c’est plus grave que seulement des coupures; c’est un projet politique auquel moi, je ne crois pas. Je ne crois pas à cet État du 21e siècle, qui transforme le citoyen en utilisateur-payeur. Les raisons invoquées par le gouvernement ne correspondent pas à mes valeurs. Il y a un certain mépris pour le peuple, là-dedans», a poursuivi le jeune homme, qui se dit convaincu que les Québécois n’ont absolument rien à gagner des principes d’austérité, tout au contraire.

«Je crains qu’on ne devienne encore plus dépossédés économiquement, territorialement et démocratiquement parlant, a martelé Fred. Les projets d’austérité vont nous vider de notre démocratie. Je crains qu’on soit réduits au titre de consommateurs, et non de citoyens.»

Guillaume Wagner lui, affirme déjà ressentir les effets de l’austérité autour de lui.

«L’austérité signifie d’instaurer un climat de peur, morose, a fait valoir celui qui rode présentement son deuxième one man show. Même le Fonds Monétaire International (FMI) n’est pas d’accord avec le concept! C’a été prouvé que ça ne fonctionne juste pas, et c’est plate que ça soit encore les gens défavorisés qui paient pour les gaffes du gouvernement. En ce sens, je trouve ça inacceptable.»

«Ça nous affecte aussi dans le show-business, a encore signalé Guillaume. J’ai des amis humoristes, je le vois ; les ventes baissent partout. Les gens ont peur, ils préfèrent garder leur argent pour eux. Tout le monde est figé. Ça crée un climat qui n’est pas agréable du tout. C’est comme un cercle vicieux ; on se dit qu’il faut faire attention à la dette, mais la dette augmente quand même, et il faut encore davantage se serrer la ceinture. Ça ne finit jamais, cette affaire-là, et je pense qu’il faut l’arrêter à la base, avant que ça ne soit rendu trop loin. Ce n’est pas à nous de compenser parce que le gouvernement a mal géré les finances…»

Les profits de L’Ostérité d’Show étaient versés à l’organisme Touche pas à mes régions, qui sert de pont pour faciliter le dialogue entre les régions et le gouvernement. En octobre dernier, le FCC s’imposait une première fois publiquement avec le collectif Déversement d’humoristes, aussi au Club Soda, qui s’élevait contre les projets pétroliers de nos gouvernements, et dédiait ses fonds au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE). Le FCC prévoit déjà tenir d’autres prestations comiques pour aborder des thématiques qui lui tiennent à cœur; la prochaine devrait se tenir à Québec.

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