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Luc De Larochellière: orphelin politique

Luc De Larochellière, l'orphelin politique
Courtoisie Disques Victoire

On l’a vu, l’air un peu cynique, aux côtés de Philippe Couillard et Pauline Marois à Tout le monde en parle, dimanche. En entrevue, Luc De Larochellière ne raconte pas d’histoires et ne s’en raconte pas à lui-même non plus. Jadis un partisan convaincu du Parti québécois, l’auteur-compositeur avoue sans gêne et sans détour ne plus savoir à quel saint se vouer politiquement.

«Je me sens un peu orphelin, en ce moment, déclare De Larochellière dans un éclat de rire empreint d’une certaine désolation. Le geste récent du Parti québécois, d’aller chercher Pierre Karl Péladeau, m’a décontenancé. J’ai de la misère à concevoir un gouvernement où on aurait Pierre Karl Péladeau, Léo Bureau-Blouin et Martine Desjardins, les deux leaders du mouvement étudiant, et Daniel Breton, par exemple. On ratisse trop large pour que je puisse y croire. Cette addition de gauche-droite, droite-droite, dans un même parti, n’entre pas dans ma tête. Qui va prendre les décisions, là-dedans?»

Pour l’instant, l’artiste ignore sous quelle enseigne il devrait crécher, aucune formation présentement en place ne répondant à ses attentes.

«En ce moment, je me situerais sur un parti qui serait entre le Parti québécois et Québec solidaire, avance-t-il. Je pense que la possibilité de faire bouger les choses demande d’avoir le pouvoir. Malheureusement, j’ai perdu confiance. Je me retrouve un peu orphelin politique et moi qui, en général, suit ça de près et jusqu’à la dernière minute, je peux dire que j’ai pas mal fermé la porte. Je ne suis pas la campagne, en ce moment. Je vais aller voter – probablement pour un parti qui ne sera pas au pouvoir –, mais je suis découragé! (rires) Heureusement, il y a la politique et il y a le reste. Le reste de la vie. Il y a probablement moyen de faire de la politique à l’extérieur de la politique. Et on dirait que c’est la meilleure place où la faire, en ce moment!»

Ces dernières années, Luc De Larochellière adhérait aux valeurs du Parti québécois «en étirant un peu», de ses propres dires. «Je me disais que j’allais jouer avec l’équipe, illustre-t-il. Si on prend l’exemple de la Charte, dans ce dossier, il y a des aspects que je trouvais très défendables. Mais là, c’est la coche de trop. Je suis un orphelin, et je pense que je ne suis pas tout seul, en ce moment.»

Encore des projets

Luc De Larochellière espère néanmoins rassembler ses admirateurs de la première heure et aller en chercher de nouveaux avec l’album-compilation double En bref, qu’il vient de lancer et qui regroupe tous ses grands succès: Amère América, Chinatown Blues, Sauvez mon âme, Cash City, Si fragile, Six pieds sur terre, Ma génération, Si j’te disais reviens, Pop désintox, Les fleurs de Babylone, J’irai ou j’irai pas, Quelque chose d’animal, Un toi dans ma tête, et plusieurs autres. Vingt-cinq pièces parmi les plus importantes de son répertoire composent cette dixième offrande en vingt-cinq ans de carrière.

«C’était le bon moment de laisser cette espèce de témoignage, explique le chanteur. Vingt-cinq ans en vingt-cinq chansons, au moment où je m’apprête à travailler sur la suite… Après avoir fait deux ou trois tournées de suite, je serais prêt à me retrancher un petit peu. À me retirer de la scène pour écrire de nouvelles chansons et voir où tout ça me mènera.»

L’homme n’a en effet jamais réellement ralenti la cadence depuis ses débuts, au Festival international de la chanson de Granby, en 1986. Seulement dans la dernière décennie, De Larochellière a proposé les opus Quelque chose d’animal (2004), Voix croisées (un disque de duos, en 2006), Un toi dans ma tête (2009) et C’est d’l’amour ou c’est comme (en tandem avec son amoureuse, Andrea Lindsay, en 2012). Il a aussi enchaîné les séries de spectacles entre ses périodes d’écriture.

«Après tout ce temps, la première chose que je remarque, c’est que je suis encore là, relève-t-il. Je fais encore de la tournée, j’ai de beaux projets. Quand j’ai sorti l’album Un toi dans ma tête, j’ai remporté, au Gala de l’ADISQ, le Félix d’Auteur ou compositeur de l’année, le même que j’avais gagné vingt ans auparavant. Pour moi, c’était symbolique.»

«L’expérience de la compilation est un exercice nostalgique. J’ai un passé, je l’assume, mais je ne suis pas dans la nostalgie. Je suis plutôt dans la mouvance de ce qui se passe en ce moment, je suis vivant, dans la gang. Et je me sens extrêmement privilégié de pouvoir vivre ça, parce que beaucoup de confrères et de consœurs, des gens très talentueux, n’ont pas eu la chance de traverser les années et d’avoir ce rapport avec le métier et le public.»

Moins de visibilité

Toujours franc, Luc De Larochellière n’hésite d’ailleurs pas à lancer une flèche à l’industrie du spectacle d’ici, qui n’accorde maintenant que peu d’espace aux auteurs-compositeurs et à leurs œuvres.

«La musique québécoise a perdu son lien avec le grand public, déplore-t-il. On a développé des outils extraordinaires pour faciliter la vie des amateurs de musique, mais pour rejoindre la masse - dont on a besoin pour faire plus que survivre et ne pas toujours être à la remorque de subventions -, il n’y a plus de fenêtres de visibilité. La chanson est sortie des télévisions généralistes, ce qui fait que les auteurs-compositeurs comme moi, Dumas, Ariane Moffatt, Yann Perreau, Michel Rivard, Richard Séguin et les autres, on n’a plus la possibilité d’offrir nos chansons à heure de grande écoute.»

«Pour l’avoir vécu, je sais qu’à une certaine époque, le grand public consommait de la chanson d’auteurs-compositeurs, et eux arrivaient à générer des ventes qui sont aujourd’hui réservées à d’autres genres d’artistes. C’est maintenant difficile d’amener l’actualité de la musique à l’avant-plan… Ce qui fait que certaines personnes se sont demandé qui était Louis-Jean Cormier quand ce dernier est arrivé à La voix», ironise en conclusion Luc De Larochellière.

L’album En bref est présentement en vente. Cette saison, Luc De Larochellière collabore aussi à l’émission La voix, à TVA.

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