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Lucien Bouchard et l'argent: à la recherche du temps perdu

Pourquoi ces hauts cris de la part de notre gauche nationaliste chaque fois que Lucien Bouchard, politiquement à droite, vient sur le devant de la scène publique?
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Lucien Bouchard
La Presse canadienne
Lucien Bouchard

« Il y a trois choses qui motivent un individu au plan professionnel : le pouvoir, la reconnaissance et l'argent ». Évidemment, rien n'est jamais blanc ni noir. Si c'est l'argent qui vous domine, lancez-vous-en affaires; vous pouvez même devenir médecins spécialistes, mais ne devenez pas fonctionnaire ni politicien. Si c'est la reconnaissance qui vous anime, alors le métier d'écrivain, de blogueur ou de comédien sera pour vous, mais pour ce qui est de faire de l'argent, vous repasserez. Vous voulez du pouvoir? Alors la politique pourrait vous en donner comme le métier de policier, et ensuite de la reconnaissance, sans qu'elle soit nécessairement celle que vous attendez.

Pourquoi je vous dis ça? Parce que chaque fois que Lucien Bouchard s'implique dans une cause comme avocat où il y a présence d'une quelconque forme d'argent public, il y en a toujours plusieurs pour faire une crisette. Tous se souviendront de son implication décriée comme président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, pour Pétrolia et plus récemment, comme négociateur pour la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Dans ce dernier cas, nous avons eu droit entre autres à une montée de lait de Gabriel-Nadeau Dubois de Québec Solidaire pour qui Lucien Bouchard ne devrait pas se servir de son prestige d'ancien premier ministre, pour négocier avec le gouvernement du Québec.

Tous les politiciens qui ont la chance de monnayer leur crédibilité et leur réputation après avoir quitté la politique, le fond sans gêne, surtout dans les médias.

C'est un point de vue populiste qui ne tient pas la route. Tous les politiciens qui ont la chance de monnayer leur crédibilité et leur réputation après avoir quitté la politique, le fond sans gêne, surtout dans les médias. Pourquoi en irait-il autrement pour un Lucien Bouchard, devenu citoyen ordinaire et Lucide dans un pays libre? Cela fait 17 ans qu'il a laissé la scène politique, une période qui dépasse largement les 2 ans généralement retenus comme devoir de réserve.

Sans vouloir imiter un Lawrence Martin (The Antagonist: Lucien Bouchard and the Politics of Delusion, 1997) ou le docteur Vivian Rakoff, psychiatre qui en 1996 avait tracé le profil psychologique de Lucien Bouchard en ne l'ayant jamais rencontré comme moi-même, je vais pourtant me permettre de postuler qu'avec l'âge, ce dernier qui a déjà une réputation d'économe, est devenu un homme à l'argent. Attention, ce n'est pas négatif comme hypothèse. C'est un constat et à sa place, plusieurs feraient peut-être pareil.

On entre en politique pour changer les choses, les améliorer, pour défendre une cause, etc. En ce sens, c'est le pouvoir qui motive a priori et ensuite, la reconnaissance bien avant la rémunération, où souvent un simple emploi d'analyste dans une grande organisation est plus payant. J'ai en mémoire tout le tapage médiatique engendré au début de 1996 par un monseigneur Couture offensée concernant la pension de député fédéral de 30 000 $ de Lucien Bouchard et donc, son éventuelle double rémunération, lequel arrivait d'Ottawa comme chef du Parti québécois. Finalement, ce dernier, réputé être un fervent catholique, avait renoncé en partie et pour un certain temps à sa pension. Mais on sentait à ce moment, selon mon souvenir, que le tout avait difficilement passé chez les Bouchard. Les questions d'argent on le sait, sont souvent sources de conflit dans le couple et j'en connais bien peu qui y échappent. Tant et si bien, que ce que l'on pouvait percevoir au travers des médias a été renforcé par un Gilbert Lavoie (Le Soleil, avril 2010) qui écrivait : « Père de famille et peu fortuné, Lucien Bouchard dormait au bunker pour joindre les deux bouts lorsqu'il était à Québec. » Souvenons-nous de toute la saga d'un Jean Charest et de son 75 000 $ annuel lui permettant d'arrondir ses fins de mois ou du 50 000 $ de Mario Dumont pour les mêmes raisons. Dans les deux cas, ces deux anciens politiciens monnayent désormais à grands frais leur crédibilité acquise à l'Assemblée nationale; pourquoi en serait-il autrement pour Lucien Bouchard?

« Père de famille et peu fortuné, Lucien Bouchard dormait au bunker pour joindre les deux bouts lorsqu'il était à Québec. »

En fait, quand Lucien Bouchard a démissionné en janvier 2001, j'ai compris qu'il démissionnait principalement pour deux raisons : se sortir du panier de crabes qu'a toujours été la chefferie du Parti québécois et aller faire de l'argent. À ce titre, voici le dernier paragraphe révélateur de sa lettre de démission du 11 janvier 2001 : « Je remercie la Providence de mon excellente santé. Mais j'ai célébré mon 62e anniversaire alors même que je me livrais à cette réflexion sur mon avenir. Les années nous sont comptées, et j'ai une jeune famille d'autant plus précieuse qu'elle m'est venue sur le tard. Audrey a donné plus que je ne pourrai jamais lui rendre. Je veux aussi vivre pleinement cette aventure merveilleuse de l'éducation de garçons de onze et neuf ans... j'ai besoin de les retrouver et de leur consacrer désormais le meilleur de mes énergies et de mon temps ». À 62 ans, désillusionné, sans argent avec de jeunes enfants et des inquiétudes quant à leur avenir, avec probablement des offres alléchantes devant lui, la décision a été facile à prendre.

À 62 ans, désillusionné, sans argent avec de jeunes enfants et des inquiétudes quant à leur avenir, avec probablement des offres alléchantes devant lui, la décision a été facile à prendre.

Qu'est-ce qui fait encore courir cet homme? Ce n'est sûrement pas le pouvoir. Peut-être la reconnaissance, simplement par le goût de se sentir vivant dans le travail, lui qui a frôlé la mort de près et qui ne peut ignorer qu'elle le guette à bientôt 80 ans. L'argent n'étant peut-être que la conséquence de son activité? En bout de piste, il faudrait lui demander.

Pourquoi ces hauts cris de la part de notre gauche nationaliste chaque fois que Lucien Bouchard, politiquement à droite, vient sur le devant de la scène publique? Lui qui a été le seul a amené le Québec aussi près du Grand soir et qui est probablement encore le seul qui pourrait le faire. Parce qu'il est le stéréotype parfait de ce que nous sommes et il est passé à autre chose, qu'il nous a dit et expliqué : les conditions gagnantes pour l'indépendance du Québec ne sont plus là et elles ne reviendront pas dans un avenir prévisible. Il regarde maintenant par en avant et il fait de l'argent par rattrapage au bénéfice de ses fils. On peut être en désaccord avec cette orientation. Mais c'est légal, c'est moral – l'argent n'étant qu'un moyen - et il n'y a rien de plus noble que d'assurer l'avenir de sa famille.

Avril 2018

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