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Ma dépendance au cannabis a gâché ma vie

Je dépensais 220 dollars par semaine en cannabis. J’ai consommé pendant 23 ans.
Alyssa Zettel / EyeEm via Getty Images

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Plus jeune, j’aimais boire, fumer la cigarette et aller veiller. Puis, j’ai commencé à consommer du cannabis à l’âge de 21 ans.

Je n’avais jamais voulu toucher à ça avant, mais je faisais mon premier gros voyage, dans l’Ouest canadien, où le pot est assez accessible.

Là-bas, je travaillais dans un complexe hôtelier. Je fumais tous les jours, du matin au soir. Pendant que je travaillais, j’allais fumer dans le bois et je retournais travailler. Je me suis aussi mis à en vendre. Tout le monde me connaissait.

Un moment donné, je me suis tanné parce que je m’endormais trop. J’ai arrêté un mois ou deux. J’ai recommencé, et ensuite je n’ai jamais arrêté.

J’ai été dépendant au cannabis pendant 23 ans. J’ai arrêté de fumer récemment, à 44 ans.

Quand mes enfants sont nés, je me suis dit qu’il fallait que ça arrête. J’en parlais à ma blonde, mais je n’ai pas été capable d’arrêter. Et aujourd’hui, ma blonde n’est plus à la maison.

Je dépensais 220 dollars par semaine en drogue. Ma blonde ne le voyait pas parce que je suis un travailleur à pourboire. Je n’ai jamais voulu faire de budget et elle se demandait pourquoi. Mais si on en avait fait un, elle aurait su quel montant je dépensais pour consommer. Avec cet argent-là, j’aurais pu emmener ma famille au restaurant ou en voyage.

Quand je rentrais à la maison, je mettais mon manteau à l’envers avant de le ranger. J’allais dans ma chambre et je me changeais en entier. Je me lavais le visage, je me brossais les dents pour enlever l’odeur le plus possible. Je lavais mes deux manteaux deux fois par semaine pour ne pas sentir le diable. Mais ça sentait quand même. Ça sent fort le pot.

“Plusieurs fois, ma blonde m’a dit: «J’ai hâte que la drogue me rende mon chum.»”

Une fois, mon fils de 12 ans a trouvé mon stock. J’ai pleuré pendant une journée. Parce que lui, il a pleuré, ça lui a fait peur.

Je me suis endormi quelques fois sur le divan à côté de mes enfants parce que j’avais trop bu ou trop fumé. Ce n’est pas une manière de vivre.

La légalisation du cannabis, c’est une erreur. Même dans le temps où je fumais, j’étais contre la légalisation, parce que je ne voulais pas que ça devienne disponible. Je trouvais que c’était une drogue dangereuse; j’avais de la misère à m’en détacher.

Ma blonde m’a souvent demandé d’arrêter. Elle m’a supporté et a essayé de m’aider. Quand elle me parlait de ma consommation, je me fâchais. J’étais inconscient. Plusieurs fois, elle m’a dit: «J’ai hâte que la drogue me rende mon chum.»

Dans les dernières années, une série d’événements dans ma vie m’ont mené à la dépression. Je n’avais plus d’estime de moi. Dès que je fumais un joint, je me sentais tellement mal, je n’étais plus là.

Un jour, je me suis dit que ça ne fonctionnait plus et qu’il fallait que je fasse quelque chose.

“J’ai été gérant et chef d’équipe dans ma vie. Et pour moi, les gens qui tombaient en burn-out, c’était des personnes qui voulaient prendre congé.”

Un de mes oncles a déjà fait une très grosse dépression. Il a vu que quelque chose n’allait pas dans ma vie et m’a dit d’aller consulter mon médecin de famille. Au premier rendez-vous, je pleurais comme une madeleine. Elle m’a dit qu’il faudrait que je vois une travailleuse sociale.

Moi, avant, jamais je n’aurais fait ça. J’ai été gérant et chef d’équipe dans ma vie. Et pour moi, les gens qui tombaient en burn-out, c’était des personnes qui voulaient prendre congé. Je ne comprenais pas ça. Je ne l’avais pas vécu. Mais là, je le comprends. Je n’étais plus capable de travailler, ça me donnait mal au coeur.

À notre première rencontre, la travailleuse sociale m’a parlé de la possibilité de prendre des antidépresseurs. Je ne croyais pas à ça. Dans la vie en général, j’évite de prendre des médicaments. À la deuxième rencontre, elle m’en a reparlé. Je lui ai dit que non, j’allais m’en sortir. Et la troisième fois, environ deux mois plus tard, j’ai accepté. J’ai commencé à prendre des antidépresseurs. Ça m’a permis de me remettre sur pied un peu.

“La thérapie, ça ouvre les yeux, à condition de vouloir les ouvrir.”

Je n’étais pas encore capable d’arrêter de consommer, mais j’ai diminué. Quand j’ai commencé à prendre ma médication, au lieu de prendre entre huit et dix joints par jour, j’en prenais trois ou quatre.

J’ai aussi commencé la thérapie de groupe. La thérapie, ça ouvre les yeux, à condition de vouloir les ouvrir. Je voulais me comprendre en rencontrant d’autres personnes qui ont des problèmes de dépendance.

Ça m’a fait réaliser que la situation n’avait pas de bon sens: ma blonde qui a un bon emploi et qui continue d’étudier pour évoluer. Moi, pendant ce temps-là, je fume du pot. Je rentre dans la maison et je sens le diable. Elle ne pouvait pas endurer ça. Et pas juste elle, mes enfants aussi.

Ma blonde m’avait proposé qu’on fasse une thérapie de couple ensemble. Je ne voulais rien savoir. La thérapie, elle l’a finalement fait de son côté pour essayer de me comprendre. Mais ça a finalement été trop pour elle et elle est partie.

J’ai finalement arrêté ma consommation d’alcool et de drogue dans les jours suivant le départ de ma blonde de la maison.

Il faut que mes enfants comprennent pourquoi leur mère est partie. Je me suis assis avec eux et je leur ai expliqué ce qui se passait sans rentrer dans les détails. Je leur ai dit que ce que j’avais fait, ce n’était pas correct, que leur maman a subi ça longtemps, et que c’est pour ça qu’elle était partie relaxer ailleurs.

Aujourd’hui, je continue de prendre ma médication, je poursuis la thérapie de groupe et je vois ma travailleuse sociale. C’est difficile de se sortir d’une dépendance. C’est sûr que des fois, je ressens l’envie de fumer.

Mais une chose est sûre, je me suis ouvert les yeux et je ne retournerai pas en arrière. Je ne peux pas. Je ne peux pas pour mes enfants.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

*Patrick est un nom fictif. L’auteur de ce témoignage a préféré préserver l’anonymat.

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