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«Mafia Inc.»: les liens du sang

Avec «Mafia Inc.», Podz signe son meilleur film en carrière, et de loin...

Mafia Inc. accomplit l’exploit non négligeable de rendre prenante, voire déchirante, une histoire mettant en scène des personnages pour lesquels il est impossible de développer ne serait-ce qu’une once de sympathie.

Et Podz (Daniel Grou) s’assure, dès les premières scènes de son sixième long-métrage, d’anéantir toutes formes de conceptions romantiques ou idéologiques qui collent souvent à ce type d’intrigues.

La rupture avec le traditionnel «Rise and Fall» des récits de gangsters, des films de Martin Scorsese et autres oeuvres cultes comme le Scarface de Brian De Palma est on ne peut plus évidente dans Mafia Inc.

L’idée est de montrer le crime organisé sous son jour le moins glorieux, le plus impitoyable. Les criminels de métier n’ont rien ici de sympathiques anti-héros que l’on espère voir réussir par la force des choses.


La famille des autres

Mafia Inc. prend d’ailleurs une tournure horrifiante très rapidement, lorsque nous comprenons les grandes lignes du plan imaginé par Vincent Gamache (Marc-André Grondin) pour ramener une importante quantité de drogue au Québec, et ainsi continuer de monter en grade et dans l’estime du parrain Frank Paterno (Sergio Castellito).

Dans un travelling montrant le résultat d’un tragique «accident» de la route, Podz franchit la ligne en filmant l’impardonnable. Et il le fait d’une manière particulièrement brutale, mais qui n’a rien de gratuite. Car ce crime immonde sera le secousse sismique qui finira par faire dévier la trajectoire de pratiquement tous les personnages.

Vincent Gamache n’a aucun lien de parenté avec la famille du parrain qui l’a accueilli parmi les siens, et qui a fini par le traiter comme son propre fils. À défaut d’avoir le sang des Paterno qui coule dans ses veines, Gamache a décidé de faire couler abondamment celui des autres pour compenser.

Et lorsque le scénariste Sylvain Guy revient en arrière pour nous montrer comment les liens entre Vincent Gamache et la famille Paterno se sont tissés, c’est seulement lorsque ceux-ci ont été rompus, donnant du coup un tout autre sens à une séquence classique ordinairement plus affirmative.

Les Films Séville

Assumer et accepter

Mais dans le cas de Vincent Gamache comme dans celui de Frank Paterno, il y a cet indéniable charisme, cette force d’attraction et de persuasion que Podz et Guy leur reconnaissent, mais qu’ils ne laissent jamais prendre le dessus sur les motivations plus sinistres qu’ils doivent dissimuler.

Dans les rôles principaux, Sergio Castellito offre une performance d’une grande intensité qui vaut à elle seule le prix d’entrée, tandis que Marc-André Grondin prend un plaisir évident, et parfois effrayant, à jouer les personnages immoraux, oscillant entre la cruauté, une inavouable fragilité et l’humour noir avec une aisance remarquable.

La caméra du directeur de la photographie Steve Cosens s’approche d’ailleurs très souvent des situations et des personnages qu’elle filme au ralenti, accentuant notre curiosité pour les dessous de cet univers, qui a toujours occupé une place de choix dans la culture populaire, tout en nous spécifiant de toujours demeurer sur nos gardes.

Car il est avant tout question ici d’apparences trompeuses, de promesses brisées, de vérités ignorées, dans un milieu où le pouvoir corrompt, où personne ne reste blanc comme neige très longtemps.

La mise en scène froide, parfois cynique, et surtout très méthodique de Podz colle évidemment parfaitement à ce monde où le luxe clinquant des années 1990 se mélange à la grisaille automnale, formant une palette de couleurs rappelant inévitablement celles de la trilogie The Godfather de Francis Ford Coppola.

Malgré un dernier tiers un peu plus décousu - mais qui est tout de même marqué par une séquence de confrontation père-fils d’une foudroyante intensité -, Mafia Inc. s’impose comme l’accomplissement cinématographique le plus notable de la carrière de Podz.

Tout ici était fait sur mesure pour le réalisateur, et ce dernier a su trouver le ton juste pour naviguer à travers ses personnages, leurs magouilles, leurs quêtes de pouvoir et leurs rêves de légitimité. Le tout en respectant les codes du film de gangsters, mais en incitant le spectateur à les aborder autrement.

Mafia Inc. prend l’affiche partout au Québec le 14 février.

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