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Pendant ce temps, au Mali...

La paix n'est pas pour demain matin, il reste encore un très long chemin à parcourir avant que le Mali puisse assumer la pleine souveraineté de son territoire et retrouver la paix. Plus que jamais, l'appui international sera essentiel afin d'y parvenir.
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Le 27e Sommet Afrique-France à Bamako a pris fin le samedi 14 janvier. Ce sommet réunissait plus d'une soixantaine de délégations et 35 chefs d'État. Les annonces du président français n'étaient que constructives. Pourtant, pour les Maliens, plusieurs aspects positifs du sommet ont été éclipsés par l'impopularité grandissante de leur président Ibrahim Boubacar Keïta dont plusieurs des personnes que nous avons rencontrées au Mali accusent même de népotisme et d'un manque de volonté de rétablir la souveraineté de l'État sur l'ensemble du territoire Malien. Au cœur de l'insécurité économique qui se décline en insécurité alimentaire, en pauvreté et en sérieuses carences du système de santé, on retrouve la dégradation de la sécurité des citoyens créée par le banditisme et le terrorisme au nord et même au centre du pays. Aujourd'hui, les Maliens ne se gênent donc plus pour exprimer leur déception envers le président et plusieurs prédisent déjà sa défaite aux élections présidentielles prévues pour 2018.

Alors que la communauté internationale porte avec raison beaucoup d'importance sur le banditisme et le terrorisme, les Maliens en constatent l'impact sur l'économie du pays qui était déjà précaire avant le début du conflit en 2012. Les Maliens reconnaissent que le retour à la paix dans l'ensemble du pays est un facteur important à une éventuelle reprise économique. Un pas important a donc été franchi le 10 décembre 2016 avec le démarrage du Mécanisme opérationnel de Coordination (MOC) à Gao, sous la coordination de la MINUSMA. Ce mécanisme, mis en œuvre dans le cadre de l'accord de paix signé entre Bamako et ses différents groupes armés en juin 2015, a pour objectif de planifier et de conduire des patrouilles mixtes, composées de membres des différents groupes de combattants avec les éléments de la MINUSMA, des forces armées Maliennes et autres forces internationales en vue de réduire le vide sécuritaire avant, pendant et après le processus de cantonnement, d'intégration et du programme de Désarmement de Démobilisation et de Réinsertion (DDR). Le programme DDR qui a pour objectif le démantèlement des milices et des groupes d'autodéfense conformément aux objectifs de réconciliation vise plus de 13 000 combattants dans l'ensemble du pays : c'est l'une des phases les plus importantes de l'accord pour la paix et la réconciliation.

Le 18 janvier dans ma chambre de Bamako, alors que je m'apprêtais à écrire sur les aspects positifs de la mis en œuvre du Mécanisme opérationnel de Coordination (MOC) ainsi que du programme de Désarmement de Démobilisation et de Réinsertion (DDR) exprimés par des intermédiaires de groupes d'autodéfense lors de rencontres avec eux à Mopti et à Bamako, un contact m'appelait pour m'informer de l'attaque kamikaze à GAO visant des combattants de groupes armés signataires de l'accord de paix et les forces armées maliennes. On sait maintenant d'après l'Agence France Presse (AFP) que cette attaque a été revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et a fait près de 60 morts. Par le ton de mon interlocuteur, j'ai immédiatement compris que le sujet de notre discussion du soir d'avant s'était malheureusement concrétisé. Des groupes comme l'AQIM et autres cherchent à saboter le processus de paix et comme ce fut le cas pour l'Irlande du Nord, les dirigeants des groupes de combattants ainsi que le gouvernement malien et la communauté internationale devront faire preuve de leadership et de patience.

La paix n'est donc pas pour demain matin, il reste encore un très long chemin à parcourir avant que le Mali puisse assumer la pleine souveraineté de son territoire et retrouver la paix. Plus que jamais, l'appui international sera essentiel afin d'y parvenir.

Toutefois, pour la vaste majorité des personnes interviewées, l'insécurité économique demeure l'enjeu principal en raison de son impact sur l'accès à l'alimentation, aux soins de santé et à l'éducation. Comme le démontre le rapport de l'Enquête modulaire et permanente auprès des ménages (EMOP), couvrant la période d'avril 2015 à mars 2016 et publié par l'Institut national de la statistique du Mali (INSTAT), la situation de plusieurs ménages maliens est extrêmement précaire. Ce rapport indique entre autres que l'incidence ou taux de la pauvreté, c'est-à-dire la proportion de la population malienne qui n'arrive pas à dépenser annuellement 177 000 FCFA, soit 361 $ CAD nécessaires pour satisfaire ses besoins de base, est estimée à 47,2 % en 2015. Ce pourcentage correspond à 8 334 442 d'individus d'une population estimée de 17,5 millions d'habitants.

À une distance de plus de 9000 km du Mali, avec un latté dans un chic café au Canada, il est facile de lire les statistiques reliées aux problèmes économiques maliens. Mais ces statistiques portent des noms, comme le vôtre et comme le mien. Comme M. Samba Keïta qui habite, avec son épouse et ses deux filles, un lopin de terre d'à peine 10 min 2 s à flanc de montagne du point G où ils y survivent en nettoyant et en revendant des bouteilles de plastique récupérées dans les dépotoirs. Et il y a ce couple du dépotoir de la Commune 1 qui, depuis 15 ans, vit au dépotoir et y survit en récupérant les sacs et les bouteilles de plastique. Ils peuvent recevoir jusqu'à 300 FCFA, soit 61 ¢ par kilo de sacs de plastique et 10 FCFA, soit 2 ¢ par bouteille, avec bouchon! Le problème c'est que les acheteurs ne viennent plus souvent en acheter. Ils font partie de milliers d'autres hommes, femmes et enfants dont la vie quotidienne dans les dépotoirs imprègne leur peau, leur estomac et réduisent leur espérance de vie. Il est vrai que le gouvernement malien a entrepris un programme d'assainissement de Bamako et de certaines autres villes. Dans le cadre de ce programme, les déchets des dépotoirs que l'on retrouve au sein des communes sont lentement déménagés vers des dépotoirs en banlieue des villes. Oui, c'est un pas dans la bonne direction, mais le problème relié à la pauvreté demeure, car les gens qui vivent de l'exploitation des ordures des dépotoirs dans les communes se déplacent avec les ordures dans les nouveaux dépotoirs, loin des yeux de tous!

Malheureusement, ils ne sont qu'un échantillon des 8 334 442 d'individus qui n'arrivent pas à dépenser annuellement 177 000 FCFA, soit les 361 $ CAD nécessaires pour satisfaire leurs besoins de base.

À ceux qui se questionnent encore sur l'importance de l'aide humanitaire, demandez à ces personnes qui n'ont pas d'autres choix que de vivre dans les dépotoirs parmi ces détritus ce qu'ils en pensent.

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