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Maryam Monsef: de réfugiée à ministre

Maryam Monsef: de réfugiée à ministre

La toute nouvelle ministre des institutions démocratiques est une jeune femme de 30 ans qui a fui l’Afghanistan aux côtés de sa mère, devenue veuve, et de ses deux sœurs alors qu’elle n’était qu’une enfant.

Maryam Monsef est la nouvelle députée de la circonscription-baromètre de Peterborough–Kawartha, en Ontario. Ce mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a fait d’elle un des 31 membres de son cabinet, ce qui lui vaut le titre de plus jeune membre du cabinet et de quatrième plus jeune ministre de l’histoire.

Monsef est née en Afghanistan et a grandi dans la ville de Herat, près de la frontière iranienne. Elle a perdu son père alors qu’elle était toute jeune et que ses deux sœurs n’avaient pas encore 2 ans. Sa mère, elle, était dans la vingtaine. Personne ne sait exactement ce qui est arrivé à son père, a-t-elle avoué au Huffington Post Canada lors d’une entrevue téléphonique accordée mardi.

« Le plus que l’on sait, c’est qu’il a été pris dans des tirs croisés à la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan », a-t-elle relaté.

De nombreuses années avant qu’elle vienne au monde, a-t-elle poursuivi, son oncle avait été kidnappé de sa chambre à l’Université de Kaboul. À sa troisième année d’études en pharmacie, il était engagé politiquement et s’était permis des commentaires anticommunistes alors qu’il se déplaçait en autobus.

« Le même soir, son dortoir était envahi et mon oncle et ses co-chambreurs ont été kidnappés et on ne les a jamais revus », raconte la jeune femme. « Je crois que ç’a été une sonnette d’alarme pour toute la famille. »

La députée de Peterborough-Kawartha, Maryam Monsef, en compagnie de sa sœur Mehrangiz et de sa mère Soriya Basir (gauche) et de son autre sœur Mina (droite).

Le reste de l’enfance de Monsef a été une suite de déménagements en Iran et en Afghanistan.

« C’est pour cette raison que cette opportunité qui se présente à moi revêt autant d’importance. Cela prouve que vous pouvez avoir une histoire comme la mienne… [et] quand même avoir la chance de faire partie d’un processus décisionnel qui touchera la vie des gens d’une manière très concrète. C’est un immense honneur et un privilège incroyable. »

L’invasion soviétique a bien entendu bouleversé l’Afghanistan et comme tant d’autres, la famille de Monsef traversait continuellement la frontière dans l’espoir que le conflit prendrait fin, explique-t-elle. Sa mère gagnait sa vie avec des petits emplois de cuisinière, femme de ménage, de couture et de tricot, ainsi qu’avec un peu d’aide de ses oncles.

« Ce n’était pas une vie empreinte de dignité », a-t-elle confié au HuffPost. Sa mère enseignait également l’anglais à la maison et, parfois, dans les écoles. « Mais tout cela n’était pas suffisant, car les talibans ne soutiennent aucunement les femmes ou leur éducation. »

Sa mère a bien tenté de leur bâtir une vie en Iran, mais sa famille n’y était pas la bienvenue. Ses filles étaient les victimes des railleries des autres enfants. De plus, en tant que réfugiées illégales, elles vivaient constamment dans la crainte d’être déportées.

« Je peux vous dire que nous ne savions pas que nous étions pauvres. Nous ne savions pas que nous n’avions aucun avenir devant nous. Nous avons été élevées entourées d’amour et d’attention… Nous avions l’impression de ne manquer de rien, et nous ne ressentions pas de manque d’une figure paternelle, car mon grand-père jouait ce rôle pour nous. »

C’est en 1996 que sa mère a décidé de quitter son réseau de soutien et sa culture pour tenter sa chance au Canada. Le voyage, se souvient Monsef, s’est fait à dos d’âne, de chameau et en avion. Il leur a fallu traverser l’Iran, le Pakistan et la Jordanie, et pendant tout le trajet, se souvient la nouvelle ministre, elle et ses sœurs avaient contracté la varicelle.

Le chef du parti libéral, Justin Trudeau, posant en compagnie de sa candidate dans Peterborough-Kawartha, Maryam Monsef, ainsi que sa mère, Soriya Basir, durant la campagne électorale.

La famille a demandé le statut de réfugié lorsqu’est arrivée au Canada, à Peterborough, là où un des oncles de Monsef vivait. Elle avait 11 ans.

« L’herbe est verte, il y a une quarantaine de plans d’eau entourant Peterborough, les gens étaient gentils et souriants, et les rouges-gorges s’en donnaient à cœur joie. Je n’avais jamais vu de rouge-gorge avant. »

Malgré cela, elle décrit son processus d’adaptation à son nouveau pays comme une « épreuve ». Elle s’ennuyait de chez elle et ne comprenait pas encore l’anglais. Tout lui était culturellement étranger, même les maisons. Elle éclate de rire en repensant à sa puberté qu’elle a vécue tout en tentant de s’adapter à sa nouvelle demeure.

Plusieurs groupes communautaires et autres services sociaux sont venus en aide à sa famille afin de les aider à s’intégrer et de leur fournir un filet social, dont notamment des banques alimentaires, l’Armée du salut, le New Canadians Centre, Casa Maria Refugee Homes et le YMCA. Elle confie d’ailleurs toujours être bénévole pour Casa Maria et au Y. « Les bénévoles et les voisins… entraient dans notre vie et nous faisaient sentir que nous n’étions pas seules… que nous faisions partie d’une communauté… que tout irait bien et qu’ici, c’était chez nous », se remémore-t-elle. « Vingt ans plus tard… toute cette générosité est restée en moi et j’espère qu’en tant que membre du parlement, je peux rendre une partie de ce qu’on m’a donné en servant mon pays. »

Célibataire, elle aime lancer à la blague qu’elle est « mariée » à la ville de Peterborough.

Maryam Monsef devant le parlement le 27 octobre dernier.

En 2014, alors qu’elle n’avait que 29 ans, Monsef a brigué avec succès le poste de maire de Peterborough. Le 19 octobre, après avoir frappé à 70 000 portes, elle a été portée par la vague libérale et a été élue comme député pour la première fois.

Son vrai travail commencera toutefois mercredi, après son assermentation comme membre du conseil privé et sa première présence à une réunion du conseil des ministres.

Monsef n’avait pas demandé le portefeuille des institutions démocratiques et semble même surprise qu’on le lui ait offert. En entrevue, elle était beaucoup plus passionnée par le statut des femmes, l’équité salariale et la violence envers les femmes que par la réforme de la nomination des sénateurs ou du processus électoral.

« Vivre dans un système démocratique est réellement de réellement précieux », a-t-elle déclaré au HuffPost. « Une réforme démocratique est un projet d’envergure et très ambitieux qui touche à de nombreux domaines politiques », a-t-elle ajouté en disant qu’elle serait mieux en mesure d’en discuter très bientôt.

Pour le moment, Maryam Monsef est tout simplement heureuse de représenter Peterborough au fédéral. Et sa mère est très fière d’elle.

« Tout ce travail, tous ces sacrifices, ils n’auront pas été en vain. »

Justin Trudeau, Papineau, Québec

Le premier cabinet de Justin Trudeau

Assermentation de Justin Trudeau

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