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Mgr Lépine aux Francs-tireurs: clés de lecture de l'entrevue de l'archevêque de Montréal

Christian Lépine était de passage aux. Il s'agissait de sa première entrevue télévisée générale aussi substantielle depuis son passage remarqué àpeu de temps après sa nomination à la tête de l'archidiocèse de Montréal. Un an et demi plus tard, qu'est-ce qui a changé ? Peu de choses, faut-il reconnaître.
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Christian Lépine était de passage aux Francs-tireurs il y a quelques jours. Il s'agissait de sa première entrevue télévisée générale aussi substantielle depuis son passage remarqué à Tout le monde en parle peu de temps après sa nomination à la tête de l'archidiocèse de Montréal.

Un an et demi plus tard, qu'est-ce qui a changé ?

Peu de choses, faut-il reconnaître. À commencer par les questions posées.

On a voulu poser des questions portant sur la morale sexuelle, notamment parce qu'on estimait du côté de l'équipe télévisée «que bien des gens» étaient restés «sur leur faim» avec les autres entrevues accordées par Christian Lépine. Or en jouant cette carte, on ne faisait que répéter le même schéma des entrevues avec l'archevêque de Montréal depuis quelques années...

L'animateur Benoît Dutrizac s'est donc affairé à aborder les sujets les plus clichés possible dans un tel contexte : homosexualité, rôle des femmes dans l'Église, chasteté, pornographie, abus sexuels, etc. Faut-il s'étonner ensuite que l'entrevue n'apporte rien de nouveau ?

À vrai dire, ça sent l'échec à plein nez quand on constate que la principale nouveauté que l'entrevue a réussi à faire émerger est le non-visionnement d'un film porno pour un jeune Lépine. Pour une émission qui se targue de brasser la cage, on a vu plus vigoureux.

Questions légitimes

Mais attention : les questions ont beau manquer d'originalité, elles ne demeurent pas moins légitimes. Car ces enjeux sont réels, urgents et actuels au sein de l'Église catholique. Même le pape François y fait fréquemment allusion depuis le début de son pontificat.

Il y a pourtant moyen de les rendre légitimes et originales tout à la fois. Mais cela suppose qu'on pénètre davantage la logique et les forces à l'œuvre et en tension au sein de l'Église catholique. Par exemple, il y a quelques semaines, le Forum André-Naud de Montréal a pris une position opposée à celle des évêques du Québec sur le projet de loi 52. Ce forum compte des prêtres du diocèse de Montréal. Pourquoi ne pas en profiter pour aborder les tensions qui se manifestent dans l'Église à Montréal depuis l'arrivée de Christian Lépine ? Car il n'y a pas que sur la loi 52 que l'opposition se manifeste...

Oui, Dutrizac est resté accroché à ces questions légitimes. Il l'a même fait en n'étant ni excessivement impoli ou impertinent. Au contraire, il semblait même mettre la pédale douce par moment, alors qu'il avait l'évêque dans les câbles. Lorsque l'archevêque a bafouillé sur la question des abus sexuels, il lui a donné l'occasion de se reprendre.

L'ironie, c'est qu'une entrevue construite autour de ces questions est devenue une bouée de sauvetage où le média a tout à gagner : il semble facile de coincer son interlocuteur tout en donnant l'impression de savoir ce qui se passe au sein de l'institution. L'entretien cesse d'avoir la prétention d'apporter quelque chose de nouveau, pour se transformer en exercice de style.

Un exercice dont l'archevêque de Montréal n'est pas sorti vainqueur.

Caractéristiques de l'entrevue

Il serait toutefois erroné de prétendre que l'entrevue était jouée d'avance. L'archevêque a eu ses chances, mais n'a pas su les saisir. À vrai dire, il semblait crispé avant même de s'asseoir, tandis que Dutrizac badinait au sujet de sa stature impressionnante. Sa réponse bredouillée donnait déjà le ton.

L'entrevue dure une vingtaine de minutes. Christian Lépine semble souvent mal à l'aise, la tête baissée, la voix hésitante. Plusieurs réponses prennent leur envol, mais peinent à atterrir. Sa réponse la plus convaincante est aussi sa plus courte. Répondant à une question sur la sexualité (!), il rétorque qu'il s'agit avant tout d'un « grand bien ».

Globalement, la performance de l'évêque se lit à travers deux éléments à la fois éloquents et symptomatiques de sa relation avec les médias.

D'une part, il y a ce désir quasi-méticuleux du professeur de rester accolé à la question posée. Il s'agit sans doute d'une gymnastique intellectuelle acquise au fil des années. Elle est essentielle dans le monde académique, mais ne se prête pas nécessairement au contexte intellectuellement informel d'une entrevue. L'invité peut en tout temps saisir la question et amener son interlocuteur ailleurs, voire sur son propre terrain. Rien ne l'empêche de parler de la grandeur et de la beauté du message auquel il croit et de le faire avec passion. Cette particularité, c'est-à-dire ce cantonnement, paraissait déjà lors de l'entrevue à Tout le monde en parle.

D'autre part, il y a ce tic langagier fréquent au cours de l'entrevue : «personnellement». L'archevêque a souvent cru bon de préciser qu'il parlait en son nom et que ce qu'il disait était le reflet de ce qu'il pense. Ironiquement, c'est à la fois vrai et faux. Vrai dans l'expression la simple, la plus évidente : c'est bel et bien Christian Lépine qui parle. D'ailleurs, Dutrizac le lui fait remarquer à un certain moment... Faux dans la mesure où ce n'est pas que Christian Lépine qui parle. Si on le reçoit en entrevue, c'est justement parce qu'il est l'archevêque de Montréal. Sa parole engage donc plus que sa seule personne lorsqu'il s'exprime sur certains sujets.

À 62 ans, Christian Lépine ne fait que commencer son ministère épiscopal à Montréal. Si l'âge de la retraite n'est pas modifié, il occupera ce poste pendant encore 13 ans. En ce sens, le temps n'est pas une denrée rare pour atteindre un équilibre de sens entre les médias, la population et lui-même. Personne ne lui demande d'être un émule du cardinal Turcotte, qui passait plutôt bien auprès de la presse québécoise. Mais son style médiatique reste à définir.

Pour l'instant, les clés de lecture évoquées ci-haut laissent croire que l'archevêque de Montréal a de la difficulté à s'inscrire dans une parole institutionnelle, voire magistérielle, lorsque celle-ci suppose un contexte de dialogue dans un cadre médiatique. Cela contraste avec une certaine parole pastorale et catéchétique : Christian Lépine est en effet un catéchète/prédicateur prolifique qui s'exprime avec aisance... lorsqu'il est seul à parler.

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Avril 2018

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