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«Moi j'ai un ami blanc!»: une websérie satirique qui vient à point

Ces capsules sur le racisme sont hilarantes... et un peu confrontantes.
Des images du tournage d'une capsule de «Moi j'ai un ami blanc!», en août dernier.
JOSIANE FARAND/Nous Média
Des images du tournage d'une capsule de «Moi j'ai un ami blanc!», en août dernier.

«Grâce à mon amie blanche, j’ai compris que les Blancs, au fond, c’est des gens comme tout le monde.»

Une nouvelle série de capsules humoristiques financées par le Conseil des arts de Montréal invite les Québécois «de souche» à passer quelques minutes dans la peau de personnes racisées ou autochtones de divers horizons pour mieux saisir les préjugés et microagressions auxquelles elles font face au quotidien.

Moi j’ai un ami blanc!, c’est une collaboration entre le cinéaste engagé Julien Boisvert et sept artistes québécois issus de cultures diverses: atikamekw, anishnabe, haïtienne, congolaise, camerounaise et tunisienne.

Pastiche d’une campagne de sensibilisation contre le racisme, le projet rassemble cinq «pubs TV pour démystifier la réalité des Blancs». Dans chacune d’entre elles, une personne racisée ou autochtone nous présente son «ami blanc» et nous parle de ce que cette amitié lui a appris sur sa «culture étrange et exotique», dans laquelle c’est normal de payer «3000$ pour une retraite de yoga».

«C’est une expérience tellement enrichissante que même mes amis veulent tous maintenant avoir un ami blanc. Rendu là, j’en prendrais même un deuxième!» tranche par exemple Plaisir Tshilombo, interprété par l’humoriste Dolino.


Si le ton est humoristique, le message lui, est très sérieux.

«C’est vraiment pour renverser les stéréotypes, pour faire aux Blancs exactement ce qu’on fait avec les personnes racisées», explique Emna Achour, scénariste et interprète de la capsule «Mon amie Marie-Philippe».

«On l’a fait de façon très ludique et caricaturale, mais pour les personnes qui vivent ça au quotidien, c’est pas de la fiction», rappelle-t-elle.

D’origine tunisienne, Mme Achour explique s’être inspirée de microagressions qu’elle a elle-même vécues pour créer sa capsule. «Des questions comme “hein, tu viens d’un pays musulman, comment ça se fait que t’es pas voilée?” ou “est-ce que ton père te bat?” j’en ai entendu souvent», raconte l’ancienne journaliste qui s’est récemment lancée en humour.

Julien Boisvert, idéateur et réalisateur de la websérie, espère que le projet alimentera les discussions pour réduire le fossé entre les Blancs et non-Blancs.

«Pour comprendre la personne en face de nous, il faut pouvoir se mettre à sa place. Présentement, c’est ça le problème dans notre discussion collective sur le racisme: les gens s’écoutent plus, ne se mettent pas à la place de l’autre», croit-il.

En marge de la création des capsules, l’équipe de Moi j’ai un ami blanc! a d’ailleurs organisé des jumelages entre des élèves d’une école multiculturelle de Montréal et d’une école en milieu rural, pour les inviter à «réfléchir aux stéréotypes présents dans la société et aux façons de les défaire».


Julien Boisvert assure que le but n’est pas de «rire des Blancs», mais est conscient que la satire ne plaira peut-être pas à tout le monde.

«Il y a des gens qui ne saisissent aucun deuxième degré en général dans la vie. C’est sûr que ces gens-là on va les échapper», prédit-il. «Mais le projet est assez caricatural pour que la majorité des gens voient que c’est une satire.»

D’ailleurs, c’est avant tout de lui même qu’il a voulu rire. «Je suis ce Blanc urbain écolo, végétarien, queer, qui fait du vélo d’hiver», énumère-t-il. «C’est aussi une critique du cinéaste engagé que je suis.» M. Boisvert interprète lui-même un «ami blanc», qui «se prend pour le sauveur du monde» en faisant des «films sur les opprimés» dans une des capsules.

«Mais c’est pas non plus pour vous traîner dans la boue!» assure Emna Achour. «C’est l’exercice de montrer un miroir à la personne qui d’habitude “opprime” — je mets les guillemets — pour montrer ce qu’on vit au quotidien.»

Un message confrontant

Quand le débat sur le racisme systémique s’est enflammé au Québec dans la foulée de la mort de Joyce Echaquan, Alexandra-Kijâtai Veillette-Cheezo avait déjà tourné sa capsule sur «son amie Mimi».


En voyant à quel point certains Québécois devenaient sur la défensive en entendant parler de racisme, elle admet s’être demandé comment Moi j’ai un ami blanc serait reçu.

«Je me suis demandé si on allait être correct ou si les gens allaient se sentir attaqués», dit-elle. «Mais j’ai réalisé que des fois, il faut mettre les gens dans l’inconfort pour leur permettre de voir une autre perspective.»

La cinéaste anishnabe est d’avis que l’humour est le meilleur médium pour transmettre des messages un peu plus délicats. «Les Autochtones, on passe toujours par l’humour, donc c’est sûr que le projet m’a rejoint.»

Elle a saisi l’occasion de mettre les allochtones à la place des Autochtones, en réduisant leur identité à une idée folklorique. «Les gens trouvent ça cute, quand on se met des plumes dans les cheveux, quand on danse... Mais on ne parle pas des vrais enjeux», déplore celle qui est aussi ambassadrice pour Mikana, un organisme de sensibilisation aux enjeux autochtones.

«Les Autochtones, on est plus que des histoires dans des livres.»

Visitez la plateforme interactive MonAmiBlanc.org pour voir toutes les capsules.

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