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Mon fils a une douance et le retirer de l’école a été la meilleure solution pour lui

Je fais maintenant l’école à la maison avec Kaïs et il est beaucoup plus heureux et épanoui.
Virginie Beulay et son fils Kaïs
Courtoisie/Virginie Beulay
Virginie Beulay et son fils Kaïs

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

D’aussi loin que je me souvienne, mon fils Kaïs a toujours eu des difficultés d’ordre émotionnel à l’école. Lorsque nous étions en France, dès que quelque chose changeait dans l’organisation, c’était un peu plus compliqué pour lui. Par exemple, le midi, alors que tous les enfants changeaient de place, Kaïs devait toujours manger à la même table, sinon ça le rendait anxieux et il risquait de faire une crise.

Au Québec, à l’école primaire, une enseignante de mon fils a pensé qu’il avait un trouble de l’attention. On nous a demandé de le faire évaluer. Il avait sept ans et la psychologue a rapidement écarté la possibilité d’un TDAH. Par contre, elle a pensé qu’il avait une douance. Effectivement, les tests ont révélé que Kaïs a un QI qui le classe dans la catégorie «très supérieure» à la moyenne, qui représente moins de 1% de la population.

Quand je l’ai appris, j’ai vraiment eu peur. Je n’avais jamais entendu parler de douance auparavant. À l’école, ils ne savaient pas du tout quoi faire avec ça. Certains ont même mis en doute cette évaluation parce que mon fils ne cadrait pas avec l’image qu’on se fait d’un enfant dit «surdoué».

Souvent, les gens me disent que c’est un beau problème qu’il ait un haut potentiel. Mais on doit gérer plein de choses à côté de ça.

Comme nous l’a expliqué la psychologue qui a évalué Kaïs, être intellectuellement précoce, c’est avoir une intelligence plus élevée mais surtout différente, dont le mode de fonctionnement peut être source de souffrance et d’échecs.

À l’intelligence très élevée s’associent une sensibilité exacerbée, une extrême émotivité et une grande lucidité sur soi-même et sur le monde, qui font de l’enfant une personne singulière, pleine de richesse, mais aussi vulnérable.

Cette singularité, cette façon différente d’être au monde, peut compliquer les relations avec les pairs. Elle peut aussi entraîner des quiproquos, des incompréhensions de la part des adultes, qui peuvent être à l’origine d’un douloureux sentiment d’injustice chez l’enfant.

On a essayé l’école privée, ensuite l’école publique. À chaque fois, je luttais pour avoir un plan d’intervention, mais le plan d’intervention en lui-même n’était jamais suivi. Tout ce qu’on voulait, c’était que mon enfant rentre dans le cadre et il ne fallait surtout pas qu’il dérange.

On cherchait à sanctionner le problème sans essayer de comprendre pourquoi il avait des difficultés de comportements.

“À 10 ans, mon garçon en était rendu à ne jamais vouloir aller à l’école et il ne faisait plus ses devoirs. Il était dans un état dépressif et avait des idées suicidaires.”

Kaïs se sentait totalement incompris. Je ne blâme pas les professeurs. Certains n’ont aucune idée de ce qu’est la douance et ils ont peu de moyens, peu d’espace, peu de temps. Il n’existe aucune politique pour soutenir ces enfants.

À 10 ans, mon garçon en était rendu à ne jamais vouloir aller à l’école et il ne faisait plus ses devoirs. Il était dans un état dépressif et avait des idées suicidaires. En sixième année, il a été suspendu de l’école parce qu’il s’était bagarré avec un élève et qu’il avait manqué de respect à sa prof. J’ai dû aller le chercher.

Kaïs a été mis à la porte de sa dernière école avec des résultats excellents dans toutes les matières. Il n’avait aucune difficulté scolaire, c’était le comportement qui ne fonctionnait pas.

Je m’implique dans l’association Haut Potentiel Québec et j’ai vu que des parents faisaient l’école à la maison quand ça se passait vraiment trop mal et qu’ils ne trouvaient pas de cadre qui convenait à leur enfant.

On a terminé sa sixième année à la maison à partir de mars avec tous ses cahiers d’école. Au bout de deux semaines, je me suis rendu compte qu’il avait déjà tout acquis.

Dans les cahiers d’école, tout est répétitif. Chaque année, on revoit les mêmes choses, mais en rajoutant un petit concept. Ce n’est absolument pas une façon de fonctionner pour une personne douée. Il n’avait plus aucun besoin scolaire. On est donc allés voir au-delà du scolaire typique en faisant des sorties éducatives ensemble.

L’année dernière, pour le secondaire, Kaïs était inscrit à l’école privée en sport-études. J’avais mis tout mon espoir là-dedans en me disant que comme les cours étaient donnés en accéléré et qu’il ferait du sport tous les après-midis, ça pourrait vraiment l’aider.

Très rapidement, il a eu des problèmes de comportements. La solution de l’école était de lui donner une feuille à chaque début de cours qu’il devait faire signer au professeur pour qu’il vérifie qu’il avait bien fait ses devoirs et qu’il avait tout son matériel. Et si ce n’était pas le cas, il avait une sanction. C’était toujours dans le négatif.

“Il n’y a jamais de valorisation chez les enfants à haut potentiel parce qu’on se dit que comme ils sont plus intelligents, ils doivent réussir.”

Mon enfant avait plein de magie dans les yeux et il avait une curiosité incroyable. L’école est venue effacer toute cette curiosité parce que ça ne rentre pas dans le cadre. On demande plutôt d’apprendre telle chose à tel moment. Mon fils est un rond qu’on voulait faire entrer dans un moule carré. Il s’est renfermé complètement.

En étant constamment dans la sanction, son estime personnelle a été complètement détruite. Il n’y a jamais de valorisation chez les enfants à haut potentiel parce qu’on se dit que comme ils sont plus intelligents, ils doivent réussir. Ils ont des besoins particuliers, mais ils ne sont pas reconnus, surtout lorsqu’ils ont de très bonnes notes.

À la fin, mon fils allait à l’école en pleurant. En février, l’école m’a appelée pour me dire que ça ne servait à rien de continuer comme ça, et que de toute façon il n’était pas à sa place et qu’ils n’avaient pas les moyens de l’aider.

Le directeur m’a dit que mon enfant avait une telle difficulté qu’il devait voir quelqu’un pour l’aider, et pas juste une fois de temps en temps, mais bien tous les jours. J’ai fait appel au CLSC pour avoir une psychoéducatrice et avec Kaïs on a décidé de recommencer l’école à la maison.

Il a été suivi de mars à juillet par la psychoéducatrice et elle a ensuite arrêté le suivi. Elle m’a expliqué que ça lui faisait très plaisir de voir mon garçon mais que clairement, il n’en avait plus besoin parce que depuis qu’il faisait l’école à la maison, il était épanoui et on voyait que ça lui réussissait.

J’ai décidé d’écouter mon garçon et de lui laisser une chance. Mais je lui ai dit qu’il fallait qu’il mette du sien. Je ne voulais pas que ce qui se passait à l’école se reproduise à la maison.

“Il apprend ce qu’il veut apprendre quand il veut l’apprendre. Je le laisse aller et ça le rend beaucoup plus heureux et épanoui.”

Avec mon fils, nous avons convenu de faire de l’apprentissage libre. Je le stimule, je lui présente des films, des livres, on fait des sorties au musée et à la bibliothèque. Mais je le laisse aller à son rythme à lui. L’apprentissage se fait de façon naturelle. Il apprend ce qu’il veut apprendre quand il veut l’apprendre. Je le laisse aller et ça le rend beaucoup plus heureux et épanoui. Il fait des découvertes incroyables sur des domaines très variés. Il a enfin le temps d’approfondir les sujets qui le passionnent.

Le règlement du ministère de l’Éducation cette année est plus stricte qu’avant. On doit répondre à des normes strictes et voir tous les sujets par cycle.

On nous demande de nous conformer le plus possible à ce qui se fait dans un milieu scolaire classique. Ça restreint les possibilités d’un enseignement sur mesure, plus adapté aux besoins particuliers de nos enfants. Heureusement, nous sommes soutenus par l’Association québécoise pour l’éducation à domicile dont je suis membre. La communauté de l’instruction à domicile est également très aidante.

Les gens de mon entourage me demandent pourquoi je fais ça et me disent qu’il existe plein d’autres solutions, que je vais le mettre en échec, qu’il va sortir de la société, qu’il faut qu’il se confronte à ses peurs et à ses craintes.

Ce n’était pas évident pour moi de me dire que j’allais le retirer de l’école. Encore aujourd’hui, régulièrement, je me pose des questions. Est-ce qu’on fait les choses correctement?

Après, je discute avec mon garçon et je vois qu’il est super heureux donc ça m’aide à me dire que finalement, on fait les bons choix. Ça ne veut pas dire que demain on ne changera pas d’avis, mais aujourd’hui, ça correspond à ce dont il a besoin.

Aujourd’hui, j’ai un enfant qui recommence à sourire, à jouer, à s’amuser. Il n’y a plus de tensions à la maison et on a des discussions incroyables. Nous n’avons jamais été aussi proches et je suis très heureuse et fière de cette complicité. Nous revenons de si loin.

Honnêtement, je suis beaucoup moins fatiguée en étant tout le temps avec lui, que quand j’étais appelée à l’école toutes les semaines, voire tous les jours parce qu’il n’avait pas son cahier ou parce qu’il s’était battu avec quelqu’un. C’est incroyable l’énergie que ça grugeait.

Avant, pour lui, juste de vivre, c’était lourd. Maintenant, il se projette dans l’avenir.

Je ne sais pas ce qu’il va faire, je ne sais pas comment il va le faire, mais je sais qu’on avance et je n’ai pas d’inquiétudes. Il y a tellement de façons de réussir dans la vie.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

Vous ou vos proches avez besoin d’aide? N’hésitez pas à joindre le Centre de prévention du suicide au 1866 APPELLE (277-3553).

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