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Montréal, capitale de la traite des femmes

L'âge d'entrée dans la prostitution au Canada est de 14-15 ans et 80% des adultes prostituées ont d'abord été prostituées alors qu'elles étaient mineures.
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Deux ans avant la France, le Canada a adopté une loi inspirée du modèle suédois pour lutter contre la prostitution et l'exploitation sexuelle. Dix-sept ans après la Suède, nous avons choisi de considérer l'achat d'un être humain comme un crime, et non un service ou un droit. Alors que cette prise de position législative est un pas fondamental dans la lutte à la violence faite aux femmes, les autorités peinent à déployer les efforts nécessaires pour implanter la loi, démanteler les réseaux de prostitution et surtout, fournir les ressources nécessaires aux victimes. Montréal reste une capitale de la traite de femmes et d'enfants à des fins d'exploitation sexuelle et de proxénétisme de coercition.

Ce printemps, alors que les gangs de rues recrutent les jeunes filles les plus vulnérables de la société pour les prostituer en vue de la demande estivale, FEMEN lance une campagne contre l'industrie du sexe à Montréal.

Nous voulons briser le statu quo social et politique qui permet que cette violence systémique envers les femmes se déroule dans l'indifférence générale et une quasi-impunité politique.

En théorie, le proxénétisme est une activité criminelle au Canada et depuis 2014, l'achat d'une personne pour toute activité sexuelle également. En pratique, Montréal est une capitale du sexe, paradis des pimps et des femmes à vendre, plaque tournante du commerce du sexe en Amérique du Nord et épicentre d'exportation de prostituées.

C'est à Montréal que nous vendons le plus de femmes au prorata dans tout le continent nord-américain, nous apprend le SPVM dans le documentaire Le commerce du sexe. Nous offrons une variété de «services sexuels» qui n'existent pas ailleurs au pays: danses contact, salons de massages, bars à gaffe et motels entiers qui sont des bordels complets; ils sont moins chers et plus accessibles qu'ailleurs. En fait, l'offre est si abondante que les filles sont forcées d'accepter les pratiques sexuelles les plus dangereuses pour satisfaire les clients: la «gfe» (girlfriend experience), par exemple, est une de ces pratiques sans protection très populaires. Sur cette carte de l'exploitation sexuelle de 2013, la CLES recense 420 lieux qui vendent du sexe à Montréal seulement.

Surabondance de l'offre, mais nous sommes aussi une capitale du sexe parce que «le Québec est la seule province canadienne qui exporte des jeunes filles ailleurs au pays pour qu'elles y soient exploitées sexuellement. Pourquoi? Parce que les proxénètes québécois vendent leur «marchandise » à un prix défiant toute concurrence», confirme le SPVM.

La traite de personnes est un commerce bien de chez nous: les Québécoises sont exportées même aux États-Unis. Selon un dossier dans La Presse, le crime organisé se détourne de plus en plus du trafic d'armes et de stupéfiants pour se consacrer au trafic de femmes, tout aussi lucratif, mais beaucoup plus sûr. La matière première ne coûte rien, les femmes sont une ressource toujours renouvelable et le marché est presque garanti dans l'état actuel de la société québécoise. Montréal peut même se vanter des profits réalisés grâce au tourisme sexuel durant les événements internationaux, se logeant ainsi confortablement du côté de ceux qui profitent de la vente de femmes au lieu de la pénaliser.

FEMEN dénonce une trahison gouvernementale des citoyennes québécoises. Même si le projet de loi C-36 a été adopté pour protéger les droits fondamentaux des femmes aussi, il semblerait que tant que leur exploitation systémique rapporte, il sera attendu que les femmes s'y soumettent.

Quant aux mythes romantiques comme quoi la prostitution serait un choix, un métier comme un autre et une façon pour les femmes de jouir de leur liberté sexuelle, ils n'ont d'autre effet que de légitimer l'achat et la vente de femmes. Ils ne représentent pas la réalité: ces mythes sont l'attribut de la même société patriarcale qui regorge de moyens pour normaliser la marchandisation du corps des femmes et en maximiser les profits.

Toutefois, ce discours romantique sur la prostitution sévit aujourd'hui en véritable hégémonie. La traite pour exploitation sexuelle, le proxénétisme de coercition et la violence physique, économique et psychologique faite aux femmes dans le commerce du sexe sont passés sous silence et écartés du débat public.

Pourtant, faits ne mentent pas: l'âge d'entrée dans la prostitution au Canada est de 14-15 ans et 80% des adultes prostituées ont d'abord été prostituées alors qu'elles étaient mineures (CSF). Recrutées jeunes et vulnérables, les filles sont d'abord séduites par les proxénètes, puis souvent «cassées» par des viols collectifs avant de devenir la propriété de ces hommes qui les prostituent à leur compte. Elles se retrouvent sans ressources dans un système manipulateur et violent, duquel elles subissent la menace constante et qu'elles ne peuvent pas choisir de quitter à leur gré. Pour une écrasante majorité de femmes et d'enfants, la prostitution n'est pas un choix.

Le manque de ressources pour les victimes est flagrant. Coupées de leurs milieux et de leur entourage, mais aussi d'une société à laquelle elles étaient censées apprendre à participer par la scolarisation, comme tous les enfants, elles sont isolées dans l'industrie du sexe, exposées à la toxicomanie, aux maladies et à la mort prématurée plus que quiconque dans la société. Le taux de mortalité des prostituées est 40 fois supérieur à la moyenne nationale.

Ce lent féminicide se déroule pourtant dans un silence plombant et collectif. Faisons face à notre responsabilité humaine et politique envers des milliers de femmes dont les vies sont volées et unissons-nous enfin pour abolir l'industrie du sexe, au lieu de profiter de ses ravages.

Suivez notre campagne réalisée en collaboration avec le photographe Yannick Fornacciari sur FEMEN CANADA.

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