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Nanisme: j'ai dû devenir spécialiste de mon cas, mais je suis comédienne!

Je ne sais pas à combien de professionnels de la santé j'ai donné un cours de nanisme - même à des médecins!
Françoise Deschênes
Courtoisie/Françoise Deschênes
Françoise Deschênes

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Mes parents ont tous les deux fait l’école des Beaux-arts. Ils connaissent donc très bien la morphologie du corps humain. Quand ma mère a accouché de moi, ils se sont tout de suite aperçus que je n’étais pas normale.

Les médecins disaient que j’étais achondroplase, la forme de nanisme la plus courante. Mais il en existe plusieurs formes. Je suis plutôt atteinte d’un nanisme diastrophique. Je suis née avec les membres plus courts.

Ma jeunesse a commencé plutôt difficilement. À cinq ans, j’avais déjà eu 12 opérations pour redresser mes pieds parce que je suis née avec le pied bot. J’ai eu beaucoup d’appareils et de plâtres. C’est à l’adolescence que les problèmes les plus importants ont commencé. J’ai eu de grosses scolioses au dos et j’ai dû porter un corset de Milwaukee, que je devais garder 23 heures sur 24.

En 2006, ma santé a commencé à se détériorer. J’ai accumulé les opérations parce que ma condition fait que toutes mes articulations ont été mal construites dès le départ, ce qui fait qu’elles s’usent mal. J’ai eu deux opérations au dos, je me suis fait remplacer une hanche, et maintenant, j’attends un genou. Je sais que d’ici quelques années, l’autre hanche et l’autre genou devront aussi être remplacés.

“Il existe 500 sortes de nanisme. Quand je le dis à des professionnels, ils sont surpris.”

Dans la quarantaine, j’ai commencé à marcher avec une canne. J’ai vraiment réalisé, contrairement à ce que je voulais croire quand j’étais jeune, que je n’étais pas comme tout le monde. Je suis handicapée. C’est sûr que je vais avoir une marchette d’ici dix ans. Ça me fait un peu peur, mais je vais essayer de me battre le plus longtemps possible pour être le plus autonome possible. C’est beaucoup de petits deuils à faire.

Ce qui me fait peur dans la vie, c’est de souffrir. La douleur constante de ma condition peut me mettre dans une sorte de dépression contre laquelle je dois me battre.

Je ne sais pas à combien de professionnels de la santé j’ai donné un cours de nanisme. Même à des médecins. Mais ils ne sont pas outillés pour nous aider. Certains voudraient me mettre dans une autre catégorie de maladie, mais il existe 500 sortes de nanisme. Quand je le dis à des professionnels, ils sont surpris.

Quand j’ai demandé de l’aide pour ce que je pensais être un problème au dos, j’avais l’impression que je me momifiais. Je sentais que mes jambes se noyaient, comme s’il n’y avait plus d’oxygène. On m’a dit que c’était peut-être parce que je suis en surpoids. Un autre médecin m’a finalement dit que non, j’avais besoin d’une laminectomie parce que j’avais des hernies sur ma colonne vertébrale, en lien avec ma condition.

Un médecin m’a dit qu’il faut que je marche, un autre m’a dit que la marche c’est la pire chose pour moi et de plutôt opter pour la natation. Et ça, mon ORL me l’a interdit parce que je ne peux pas mettre mes oreilles dans l’eau. Je suis rendue à cinq opérations, j’ai presque perdu une oreille. Je ne sais pas combien de médecins m’ont traitée comme si j’avais des otites, alors que j’ai un problème lié à mon nanisme. Au moins dix fois dans ma vie, j’ai pris des antibiotiques pour rien. Ça m’amène à me demander si les médecins savent vraiment ce qu’ils disent.

“Ce n’est pas que je pense tout savoir, c’est que je sais qu’ils n’ont pas l’information.”

Malgré tout, je garde toujours une attitude positive. J’arrive à me débrouiller dans le système parce que je suis devenue prévoyante et que j’ai une tête de mule.

En ce moment, j’ai supposément un médecin de famille, mais je suis dans une clinique familiale qui implique que je change de médecin à chaque deux ans. Le suivi, c’est moi qui le fait. Il y a tellement de spécialistes, tellement de choses à regarder. Je demande tout le temps des copies des rapports. J’ai dû devenir spécialiste de mon cas, mais dans la vie, je suis comédienne! Ce n’est pas que je pense tout savoir, c’est que je sais qu’ils n’ont pas l’information.

Je vois beaucoup de médecins dans une année. Ce serait tellement bien d’avoir un médecin généraliste, une référence qui sait déjà quels problèmes on peut avoir en lien avec notre maladie. L’Association québécoise des personnes de petite taille a récemment créé une boîte à outils dédiée aux professionnels de la santé et j’espère qu’ils vont la consulter.

Le nanisme, c’est vu comme quelque chose de drôle, parce qu’on est petit. Mais moi, je m’en fous d’être plus petite. Il faut que ce soit pris plus au sérieux et que les médecins sachent davantage quels problèmes peuvent découler de cette maladie.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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