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34 ans de néolibéralisme, ça suffit!

Le capitalisme est souvent présenté comme un système gagnant-gagnant. Les néolibéraux sont en train d'en faire un système gagnant-perdant.
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Nous savons tous que le gouvernement libéral de Philippe Couillard s'inspire des politiques néolibérales appliquées depuis les années 80 presque partout dans le monde. Tout comme la Coalition Avenir Québec (CAQ), les libéraux sont persuadés que c'est la meilleure manière (sinon la seule) de faire du Québec une province riche et prospère.

Les néolibéraux ont envahi la Maison Blanche à Washington quand le républicain Ronald Reagan fut nommé président des États-Unis en 1981. Ils y règnent en maître depuis, même si le pouvoir a été partagé avec les démocrates. Cela fait trente-quatre ans.

J'ai voulu savoir si le néolibéralisme a été plus utile que nuisible. Plusieurs études indiquent que ce fut une excellente chose pour les mieux nantis, mais que les revenus de la classe moyenne n'ont pas beaucoup augmenté. Certains affirment que le pouvoir d'achat de la plupart a diminué. Mais l'économie américaine dans son ensemble a-t-elle profité du courant néolibéral? Les États-Unis ont-ils obtenu de meilleures performances qu'avant 1981?

Pour répondre à ces questions, j'ai utilisé des statistiques officielles provenant de The Bureau of Economic Analysis. Elles vont de 1929, l'année du Krach, jusqu'en 2013. J'ai vérifié le produit intérieur brut (PIB), l'augmentation des salaires et des traitements ainsi que l'évolution du Dow Jones. Pour éviter une distorsion dans les données, j'ai calculé le PIB par habitant à partir de l'augmentation de la population depuis 1929. De la même manière, j'ai calculé l'augmentation des salaires et des traitements par habitant. J'ai établi des indices de performance en calculant sur la base d'augmentations annuelles cumulées. Tout cela à partir de chiffres officiels. Voici les résultats dans le tableau qui suit.

Depuis 1929, l'indice de performance du PIB est de 5,03. Cela signifie que le PIB par habitant a augmenté en moyenne de 5,03% par année aux États-Unis. Cependant, l'indice de performance du PIB réel n'est que de 1,89, compte tenu de l'augmentation du coût de la vie au cours de la même période.

Même logique pour les salaires et traitements par habitant : indice de performance de 1,71 quand on tient compte du coût de la vie.

Encore la même logique pour l'indice de performance du Dow Jones : 1,65 en tenant compte du coût de la vie. Étonnant que cet indice soit plus faible que les deux autres... En fait, c'est à cause du Krach. Si la mesure avait commencé en 1932, au pire de la crise, l'indice aurait été de 7,63 au lieu de 4,79.

Il est intéressant de comparer l'époque Roosevelt, honnie par les néolibéraux, à celle de Reagan, bénie par eux. L'indice de performance du Dow Jones est à peine 4% supérieur chez Reagan. Il faut savoir que l'indice avant la guerre (entre 1933 et 1938) est de 17,37 chez Roosevelt comparé à 10,55 chez Reagan. La Grande Guerre n'a pas été propice aux marchés boursiers, probablement parce que les investisseurs ont préféré acheter des bons de guerre.

Il est remarquable que l'indice réel de performance chez Roosevelt soit plus que 100% supérieur en ce qui concerne le PIB ainsi que les salaires et traitements. La Grande Guerre y est pour quelque chose...

Ces données contredisent ceux qui prétendent que Roosevelt et son « New Deal » ont été catastrophiques pour les États-Unis et qu'il faut se débarrasser de la sécurité sociale parce qu'elle est un frein à l'essor économique.

J'ai aussi comparé ce que les Européens appellent les « Trente Glorieuses » aux années néolibérales. Les Trente Glorieuses commencent après la Deuxième Guerre mondiale et se terminent avant la première crise du pétrole de 1973. Les années néolibérales commencent en 1981 avec les « reaganomics ». Je les arrête en 2013 parce que je n'ai pas les statistiques de 2014.

L'indice de performance du Dow Jones est beaucoup supérieur durant les années néolibérales. Pourquoi? Commençons par noter que l'indice des Trente Glorieuses à 7,02 est bien meilleur que l'indice général à 4,79, mais il est 28% inférieur à l'indice néolibéral. La supériorité de ce dernier est due à différents facteurs :

- L'importance grandissante de l'économie dite « financière » par rapport à celle dite « réelle ».

- Les investisseurs institutionnels sont plus nombreux et plus agressifs qu'à l'époque des Trente Glorieuses.

- Les faibles taux d'intérêt d'aujourd'hui rendent attrayants les marchés boursiers.

- Le coût de la vie augmente plus faiblement maintenant, ce qui agrandit l'écart entre les indices réels.

Malgré tout, les indices de performance du PIB ainsi que des salaires et traitements sont meilleurs durant les Trente Glorieuses.

Cela indique qu'une bonne performance des marchés boursiers ne garantit pas des augmentations de salaire ni de richesse.

Le néolibéralisme a fait de grands gagnants avec 1% de la population. On voit bien sur mon tableau que les salaires et traitements augmentent moins vite qu'avant. Comme ils sont distribués de plus en plus inégalement, la part de la très grande majorité augmente très peu ou pas du tout. Pour les moins chanceux, elle diminue.

Rien n'indique dans mon tableau que les néolibéraux ont fait mieux que leurs prédécesseurs. L'indice du PIB a baissé; celui des salaires et traitements également. Seul l'indice de performance du Dow Jones a augmenté. Apparemment, l'économie réelle cède de plus en plus de terrain à l'économie financière. Ils sont nombreux ceux qui ne trouvent pas cela rassurant.

Utiliser le néolibéralisme comme outil de gouvernance est un choix politique. Cela permet de modifier les rapports de force, mais n'améliore pas, n'en déplaise à Adam Smith, la richesse des nations. Au États-Unis, la richesse et les salaires augmentent moins vite depuis que le néolibéralisme triomphe.

Le capitalisme est souvent présenté comme un système gagnant-gagnant. Les néolibéraux sont en train d'en faire un système gagnant-perdant.

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