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Non à la clause Lu Chan Khuong!

Le comité d'élection d'un ordre professionnel ne peut inventer des critères d'éligibilité visant à écarter la candidature d'une personne en particulier. Il aurait été plus simple d'écrire : « Aucune candidate dont les initiales sont « LCK » n'est éligible ».
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Le Barreau du Québec n'a pas su tirer les leçons de la crise qui l'a secoué (et qu'il a provoqué) en 2015.

Des questions de droit essentielles ont été escamotées. Cette crise a été gérée comme un problème d'image ou de relations publiques.

Dans son document intitulé Procédures d'élection pour les élections 2017 du Barreau du Québec, cet ordre professionnel semble accorder davantage d'importance à son image qu'à la protection du public et aux principes de droit fondamental qu'il est censé défendre.

L'article 17 in fine de ces Procédures dispose :

« Toute candidature qui révèle une situation positive à la Partie 3 du Bulletin de présentation sera transmise de façon dénominalisée au Comité indépendant créé uniquement à cette fin par le Conseil d'administration. Le Comité indépendant a le mandat de déterminer s'il est nécessaire d'imposer au candidat de rendre cette information publique, si celle-ci pourrait nuire à la fonction convoitée ou nuire à la dignité de la profession. »

En langage clair : si le candidat répond « oui » à l'une des questions posées, son cas est transmis à un Comité indépendant qui décide de l'opportunité de forcer le candidat à rendre cette information publique.

Quelles questions sont posées au candidat à la partie 3 du Bulletin de présentation?

Voici deux questions inquisitoires qui feront peut-être sourciller :

« 3.2 Je n'ai pas eu d'autres démêlés avec la justice, incluant une faillite ou une cession de biens. [...]

3.4 Je confirme qu'il n'existe aucun fait ou aucune situation qui se déroule actuellement ou qui fait partie de mon passé qui risque d'avoir des conséquences négatives pour moi-même ou pour le Barreau du Québec ou qui entacherait l'image du Barreau du Québec. »

Qu'est-ce qu'un « démêlé avec la justice » au sens de ces Procédures? Quant au paragraphe 3.4, il s'agit en réalité de ce qu'il conviendrait d'appeler plus justement la « clause Lu Chan Khuong ».

Les critères d'éligibilité au poste de bâtonnier du Québec sont prévus à l'article 10.1 de la Loi sur le Barreau. Ni le Code des professions, ni la Loi sur le Barreau non plus que le Règlement sur les élections du Barreau du Québec ne confèrent au Comité électoral le pouvoir d'établir d'autres critères d'éligibilité. Qui plus est, le Comité électoral ne peut sous-déléguer son pouvoir décisionnel au Comité indépendant.

Il aurait été plus simple d'écrire : « Aucune candidate dont les initiales sont « LCK » n'est éligible ».

À notre connaissance, aucun des 45 autres ordres professionnels du Québec ne dispose de procédures électorales semblables à celles du Barreau. Le comité d'élection d'un ordre professionnel ne peut inventer des critères d'éligibilité visant à écarter la candidature d'une personne en particulier. Il aurait été plus simple d'écrire : « Aucune candidate dont les initiales sont « LCK » n'est éligible ».

Outre leur rédaction boiteuse, défectueuse et parfois loufoque (phrases alambiquées, redondances, anglicismes, renvois numériques à des dispositions inexistantes, etc.), ces Procédures risquent de porter atteinte à la vie privée des candidats ainsi qu'à la liberté d'expression des candidats et des électeurs. Cette année, le Comité d'élection a déjà publié un premier bulletin d'interprétation des Procédures d'élections. Ce bulletin ne sera pas le dernier...

En ce qui a trait au Comité indépendant chargé de déterminer si une information concernant un candidat est susceptible de nuire à la dignité de la profession, aucune garantie d'équité procédurale n'est donnée pour assurer une protection contre l'arbitraire et la subjectivité.

Deux constats ressortent d'une analyse sommaire de ces Procédures. Premièrement, il est plus que jamais primordial d'enseigner la rédaction juridique (habilitation, délégation de pouvoirs et équité procédurale) dans toutes les facultés de droit, à l'École du Barreau du Québec et dans les programmes de formation continue obligatoire. Deuxièmement, en raison de la mauvaise qualité de leur texte, les auteurs de ces Procédures risquent de nuire à la dignité de la profession d'avocat et d'entacher l'image du Barreau.

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Mai 2017

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