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Noyer le poisson...

S'attaquer aux symptômes d'un pipeline ne guérira pas le cancer de la civilisation.
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Vous êtes-vous déjà demandé ce qu'il adviendrait aux poissons si nous ajoutions une énorme quantité d'eau dans leur habitat?

Toute cette eau disperserait la nourriture sur un plus grand territoire. Les poissons devraient se déplacer plus loin pour se nourrir, se fatigueraient pour survivre et n'auraient plus la possibilité de se concentrer sur leur bien-être parce que les besoins essentiels ne seraient plus comblés.

Il en est de même avec le rapport de TransCanada déposé à l'Office national de l'énergie (ONÉ). Des dizaines de documents regroupés en 70 dossiers dans 11 boîtes totalisant plus de 30 000 pages, pour un seul projet de pipeline de 4600 km. Les intervenants disposent de 15 mois pour analyser ce rapport.

En comparaison, le dernier rapport du GIEC sur les changements climatiques ne fait que 7000 pages. Près de 1500 scientifiques ont validé des centaines d'études pendant 5 ans. Mais aucun pays n'a encore compris son contenu ni adopté de réelles actions efficaces pour atteindre les objectifs requis de réduction des gaz à effet de serre (GES). Si bien que la cible de 2 degrés de réchauffement est maintenant inatteignable et serait plutôt de 3,5 degrés. Si rien n'est fait d'ici 10 ans, c'est 5 à 6 degrés qui seront atteints d'ici 2100!

Les simulations climatiques basées sur 2 degrés fournissent un aperçu des impacts dévastateurs des phénomènes extrêmes sur les infrastructures, l'agriculture et les territoires: inondations, ouragans, sécheresses, canicules et vortex polaires. Ces modélisations demeurent imprécises parce que les effets du réchauffement progressif ne seront ni graduels ni constants, mais irréguliers et subits, s'apparentant davantage à la prévisibilité des tremblements de terre.

Les intervenants de l'ONÉ ont reçu une directive politique de ne jamais aborder la question des GES et des changements climatiques. Pourtant, 1,1 million de barils de pétrole des sables bitumineux, considérablement plus polluant à produire que le pétrole conventionnel, coulera dans le pipeline Énergie Est pour être exporté par 175 pétroliers chaque année. Il faudra bien brûler tout ce pétrole quelque part!

Dans son article «Le pipeline et le climat», Pierre-Olivier Pineau dresse une analyse intéressante. Il affirme sans expliquer «que s'opposer à un projet n'est ni nécessaire ni suffisant pour que cette politique climatique devienne réalité.»

Dans le contexte de nos travaux à l'Institut de recherche en architecture sociale durable (IRASD), nous nous sommes récemment interrogés si l'état actuel de l'évolution de l'espèce humaine favorise sa capacité de survie. D'autres chercheurs se posent la même question dans le contexte de la civilisation.

Si l'espèce humaine peut, avec ses stratégies comportementales, détruire son environnement biophysique en construisant un environnement social et un système économique et politique déconnectés, elle peut aussi changer son système social pour modifier ses stratégies comportementales vers une meilleure intégration avec l'environnement biophysique. Cette nouvelle orientation équivaut à «concevoir» une civilisation qui vit mieux en société tout en respectant la nature et les écosystèmes de la planète.

Pour ce faire, de nombreuses adaptations au système social - politique, économique, législatif, juridique et éducatif - devront être réalisées. Il s'agit d'une profonde modernisation réformatrice de la société qui n'a rien à voir avec les modèles politiques et économiques connus à ce jour et qui ont tous échoué, au fil de l'histoire de l'humanité, à intégrer le comportement humain à la conservation de l'environnement.

Sur ce point, Pierre-Olivier Pineau a donc visé juste: s'attaquer aux symptômes d'un pipeline ne guérira pas le cancer de la civilisation. Il faut plus que ça, et le mal est beaucoup plus profond. L'heure est venue de mettre les priorités chacune à leur place, c'est-à-dire que l'obsession du développement économique soit plutôt au service du développement individuel et collectif pour la survie des êtres vivants, dont l'espèce humaine, et non l'inverse comme il se produit depuis le début de l'ère industrielle.

Sinon, nous nous noierons avec le poisson...

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