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Olivier Bocquet: Le mystère du scénariste caméléon

À quelques jours de la sortie québécoise (le 19 novembre prochain) du 4e tome du légendaire train post-apocalyptique, nous avons rejoint le scénariste à son domicile.
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Olivier Bocquet aime les défis. Après avoir redonné vie au tristement célèbre Fantômas, génie du mal s'il en est un, après avoir adapté en BD deux des polars de la reine suédoise du crime Camilla Läekberg, voila qu'il s'attaque maintenant au mythique Transperceneige qui a marqué la mémoire de plus d'un amateur du 9e art. À quelques jours de la sortie québécoise (le 19 novembre prochain) du 4e tome du légendaire train post-apocalyptique, nous avons rejoint le scénariste à son domicile.

«Ce qui m'intéressait dans la reprise du Transperceneige c'était la présence du dessinateur d'origine Jean-Marc Rochette.» Même si techniquement Rochette n'est pas le dessinateur d'origine - Alexis avait déjà dessiné 16 pages avant son décès soudain le 7 septembre 1977 - la présence de celui qui a mené à bon port l'histoire imaginée par Jacques Lob rassurait le talentueux scénariste. «Ce n'est pas comme si j'avais eu à reprendre une bande dessinée dont les auteurs étaient morts. J'aurais reçu beaucoup de commentaires et de conseils de la part des amateurs sur ce que je pourrais faire et ne pas faire. Alors que là, j'étais avec un des gardiens du temple. D'ailleurs, je ne l'aurais peut-être pas repris s'il n'avait pas été là. Je crois que j'aurais été bloqué à cause des choses dont je ne me serais pas senti le droit de faire. Alors que là, j'avais le droit de tout faire» précise-t-il en soulignant au passage l'immense héritage du scénariste original Jacques Lob.

«Je suis reconnaissant à Lob d'avoir créé un mythe moderne aussi puissant que le Transperceneige. Et, justement, la force des mythes c'est qu'ils peuvent être repris à l'infini. Je pense que le Transperceneige n'a pas fini d'être repris, il sera repris après la mort de Rochette, après ma mort, Hollywood va le reprendre, j'en suis certain. Quand on créer un mythe, comme l'a fait Lob, il dépasse rapidement son créateur.» Exactement comme Fantômas que Bocquet et Julie Rocheleau ont su si bien remettre en selle ces dernières années.

« Le cas de Fantômas est intéressant, parce que, même s'il n'y a pas eu d'adaptation de ses aventures depuis la trilogie d'André Hunebelle entre 1964 et 1967, il est toujours aussi présent dans l'imaginaire français. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on entende ou qu'on lise une mention de son nom, par exemple, dans une expression comme un coup à la Fantômas. » L'expression qui désigne un cambriolage audacieux est savoureuse et illustre très bien l'empreinte du personnage dans l'imaginaire collectif français. « Je me suis dit qu'il y avait surement une raison qui expliquerait pourquoi ce personnage a autant marqué notre mémoire collective. Alors j'ai lu les romans et j'ai trouvé une matière fantastique pour faire une BD», affirme-t-il avec enthousiasme reconnaissant du même souffle qu'il a quand même dû moderniser le rythme et le dynamisme de l'écriture un peu trop figée dans son époque de Pierre Souvestre et de Marcel Alain.

Mais il n'y a pas que les mythes que le scénariste sait s'approprier sans les dénaturer, ses adaptations des enquêtes d'Erica Falck de Patrik Hedström, héros des romans policiers de Camilla Läekberg, procèdent de la même intention. Un défi un peu casse-gueule là aussi puisque les romans de la Suédoise sont très appréciés des amateurs de polars. «Au départ Léonie Bischoff et moi avons travaillé sur La princesses des glaces. Nous étions inquiets, nous nous attendions à la voir regarder par-dessus nos épaules pour surveiller tout ce qu'on faisait. Or, elle nous a donné une totale liberté au point où j'ai carrément changé la fin, ce qui ne l'a pas fait sourciller. »

La relecture, le scénariste l'a aussi fait pour le Prédicateur, un roman, presque un puzzle, aux nombreux personnages où toutes les pièces ne s'emboîtent qu'à la fin. « Je ne pouvais pas me permettre de refaire ce qu'elle avait fait. En bande dessinée, le procédé aurait été indigeste. Il fallait donc que je le condense tout en gardant la saveur et le goût du roman pour que le lecteur qui l'a lu ne se sente pas trahi. » Une recette qui manifestement a été couronnée de succès si on se fie aux excellentes critiques, y compris la mienne, qu'a reçu son adaptation. « Je ne crois que l'histoire ait perdu grand-chose en passant en bande dessinée, je pense même qu'elle a plutôt gagné quelque chose, en rythme du moins.»

Mais être excellent dans la réappropriation des œuvres des autres peut aussi être une arme à deux tranchants. Il est possible que la réussite de ces adaptations porte ombrage aux propres créations de Bocquet. Un dilemme auquel il a été confronté il y a quelques mois lorsqu'une société de jeux vidéo l'a approché pour adapter en BD une de leurs créations vidéo. « Ils m'ont contacté parce qu'ils ont vu que je me glissais sans problème dans l'univers des autres. À partir de ce moment, je me suis aperçu que je commençais à être vu comme un mercenaire, comme quelqu'un qui n'avait pas d'univers propre, qui n'avait pas d'envie propre et qui pouvait faire tout ce qu'on lui demandait », confie l'auteur qui en plus du nouveau Transperceneige planche sur une troisième adaptation des écrits de Läekberg Le tailleur de pierre

« Je le sais ça peut paraitre un peu contradictoire et donner l'impression que je tape sur le même clou. Mais je peux vous garantir qu'à partir de 2017 je raconterais mes propres histoires et mes propres univers », conclut en riant l'auteur.

Et si ces histoires sont à la hauteur de ses adaptations, ce seront les lecteurs qui y gagneront. Je suis prêt à parier là-dessus.

Bocquet, Rocheleau, La colère de Fantômas (3 tomes), Dargaud.

Bocquet, Bischoff, La princesse des glaces. Casterman.

Bocquet, Bischoff, Le prédicateur, Casterman

Bocquet, Rochette, Le Transperceneige, Terminus, Casterman

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