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L'année 2016 voit la crise de l'OTAN atteindre son point culminant. D'abord à cause de l'échec du coup d'État turc du 15 juillet qui eut comme résultat que le président Erdoğan accusa les États-Unis de l'avoir incité.
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En 1982, j'avais été invité à une conférence de l'OTAN à Istanbul, à laquelle participaient des militaires, des diplomates, des politiciens et des universitaires. Un des sujets abordés était comment faire face au Pacte de Varsovie du camp communiste. J'avais alors pris mon courage à deux mains et proposé d'abolir tout simplement l'OTAN, en le remplaçant par des accords bilatéraux entre les États-Unis et chaque pays d'Occident. Une telle révolution, je me disais, forcerait le Pacte de Varsovie à se défaire à son tour.

La surprise et la réprobation furent totales et je fus mis au banc de la conférence. En effet, l'OTAN, comme l'Union européenne avait été conçue, après la Seconde Guerre mondiale, pour faire face à l'expansion du communisme en Europe et toute contestation de la part du public européen de cette évidence était suspectée de sympathies communistes.

Néanmoins, dès 1958, le général de Gaulle, et dès 1974, Constantin Karamanlis, contestèrent l'utilité du maintien de la branche militaire de l'Alliance et s'en retirèrent. Après la chute du camp communiste, les jusqu'au-boutistes à Washington, sous l'influence du géopoliticien polono-américain Zbigniew Brzezinski, renforcèrent au contraire l'OTAN contre la Russie, en allant jusqu'à utiliser sa force de frappe, pour la première fois de son histoire, contre un pays slave, la Yougoslavie. La secrétaire d'État américaine, Madeleine Albright, avait alors déclaré que l'OTAN n'avait jamais été testée en guerre auparavant et que cela était une bonne occasion pour le faire.

Ce nouveau visage de l'OTAN, débarrassé de son image anticommuniste, détacha progressivement les peuples européens de leur fidélité à l'Alliance et parallèlement à la montée des mouvements fascistes européens, tournèrent les masses anticommunistes du temps de la Guerre froide en adversaires acharnés de l'OTAN vue comme instrument de l'impérialisme américain.

Entre temps, le renforcement de l'unité européenne et la création de sa monnaie commune, sous la houlette d'une Allemagne accusée par le monde anglo-saxon de faire revivre l'expansionnisme allemand sous forme de Quatrième Reich, poussa progressivement les leaders américains à se poser la question de l'utilité de la survie de l'OTAN, puisque son but premier, en tant que barrière contre l'expansion communiste, avait disparu et parce que le renforcement politique de l'Union européenne, d'inspiration germanique, mettait en danger le rôle du leadership américain de l'Alliance.

Le dernier épisode fut la montée de l'islamisme en Turquie, pays-clef de l'Alliance, possédant l'armée la plus importante de l'Europe, commençant dès 2003 à contester à son tour le leadership américain. Lorsqu' en 2015, la Turquie abattit un avion russe à la frontière syrienne et fut accusée de soutenir le califat islamiste de Racca, Washington se trouva dans la situation inconfortable de déclarer que, vu l'article de l'OTAN qui l'oblige à soutenir tout membre de l'Alliance qui serait attaqué, les États-Unis pourraient se ranger du côté de la Turquie si l'allié américain du moment en Syrie, la Russie, non membre de l'OTAN, prenait des mesures militaires de rétorsion contre la Turquie.

L'année 2016 voit la crise de l'OTAN atteindre son point culminant. D'abord à cause de l'échec du coup d'État turc du 15 juillet dont le résultat fut que le président Erdoğan accusa les États-Unis de l'avoir incité, au point que la grande base américaine d'Incirlik, près de la frontière syrienne, a été coupée de son électricité par le gouvernement turc, qui alla même jusqu'à menacer de quitter l'OTAN.

Ensuite, à cause de la montée en popularité du candidat républicain à la présidentielle de novembre, Donald Trump. Dès mars 2016, l'isolationniste Trump contestait l'utilité de l'OTAN pour les États-Unis, s'alignant ainsi curieusement, avec la candidate à la présidence française de 2017, Marine Le Pen.

Le 28 mars 2016, dans une entrevue accordée au Washington Post, Trump contestait l'utilité de l'OTAN depuis la chute de l'Union soviétique : «Nous avons besoin de quelque chose d'autre, parce que nous avons besoin de mettre les pays ensemble», sous-entendu d'établir l'alliance américano-russe, qui dans la presse était définie comme un nouveau Yalta.

Cette position fut renforcée, après le coup d'État manqué turc du 15 juillet. Trump renchérit alors en déclarant dans une entrevue au New York Times le 21 juillet 2016 que les États-Unis devraient proposer leur aide et intervention «que si ce pays [la Turquie] remplissait ses obligations envers les États-Unis». Il a ajouté: «Occupons-nous de nos problèmes avant de faire la morale aux autres pays», en déclarant qu'en fin de compte l'OTAN était un vestige du passé, ce qui inquiéta fortement la Pologne, ennemi traditionnel de la Russie orthodoxe et pays d'origine de Zbigniew Brzezinski.

Il est probable qu'un rétablissement éventuel de la peine de mort en Turquie non seulement mettra un terme définitif à la candidature turque d'entrée dans l'Union européenne, mais aussi l'expulsera à terme de l'OTAN. Cela précipitera la fin de l'organisation militaire commune qui ne peut plus être efficacement contrôlée par les États-Unis à une époque où l'Europe sous l'impulsion de l'Allemagne acquiert son autonomie par rapport à Washington, et où les nationalismes se font de plus en plus présents.

On reviendra donc aux accords militaires bilatéraux entre les États-Unis et chacun des pays du globe, ce qui assurera plus sûrement l'hégémonie américaine. Ma proposition de 1982 était tout simplement venue trop tôt.

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