Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Ce qu'il nous manque, c'est quelque chose comme un médiateur médiatique: une entité humaine, et non algorithmique, qui fait la part des choses objectivement et de manière non partisane pour le bien commun.
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Toutes les minutes de notre existence, nous participons tous à un renforcement positif de l'arbitraire à grands coups de partages qui dépassent notre entendement. À un point tel, qu'il nous devient impossible de discerner le vrai du faux.
Caiaimage/Paul Bradbury via Getty Images
Toutes les minutes de notre existence, nous participons tous à un renforcement positif de l'arbitraire à grands coups de partages qui dépassent notre entendement. À un point tel, qu'il nous devient impossible de discerner le vrai du faux.

En 2012, Huffington Post Québec voyait le jour et on m'offrait par le fait même de partager mes états d'âme au sein de la section Blogues de la plateforme. Six ans plus tard, HuffPost Québec annonce la fermeture de cette section et donc, en quelque sorte, la fin de notre collaboration.

Suite à cette annonce, et par réflexe nostalgique, j'ai lu mon tout premier texte publié le 21 mars 2012 qui s'intitulait Viralement (ir)responsable. Triste constat, la situation dépeinte dans mon billet de l'époque n'a fait que s'empirer un peu plus chaque jour.

Toutes les minutes de notre existence, nous participons tous à un renforcement positif de l'arbitraire à grands coups de partages qui dépassent notre entendement. À un point tel, qu'il nous devient impossible de discerner le vrai du faux, tel que je l'exprimais dans mon billet Dans le village Facebook du 25 octobre 2012 : cette panique (de quelques heures) aurait pu nous faire réaliser que nous étions sur le point de sombrer dans un dangereux état d'hyperréalisme, qu'il devenait difficile de reconnaître nos données personnelles et que les fuites tendancieuses planaient à l'horizon.

Au contraire, le partage de contenu et l'engagement n'ont fait que croître. Collectivement, nous avons décidé de traiter de manière équivalente la controverse d'une ardoise à l'humour douteux exposée devant un bar de quartier et le vitriol publié de manière régulière par des personnalités du web.

Et pour en arriver à quoi?

À force de déchirer sa chemise pour tout et rien dans une économie du "like", nous avons normalisé la haine, et le chaos a trouvé un terreau fertile, pas seulement dans les recoins du «dark web», pour mieux proliférer et se radicaliser à la vue de tout un chacun. Car les grandes centrales journalistiques ont pratiquement toutes fermé leurs sections commentaires sur leurs plateformes respectives pour les reléguer sans supervision à différents forums sur Facebook et Twitter. Ces mêmes grandes entreprises médiatiques, qui tentent maintenant de prouver leur pertinence en se défendant d'être les chiens de garde de la démocratie, blâment Facebook et Google tout en continuant d'alimenter cette bête publicitaire qui semble immuable. Sans grand plan de relance, les grands journaux demandent de l'argent pour sauver la vérité, tout en participant aux élans de polarisation avec du contenu axé autour d'un titre-choc qui génère l'engagement sur les médias sociaux dans le but de rediriger du trafic rentable sur leur site web/application.

Et voici où nous en sommes: à l'ère du néo-populisme.

Très certainement à cause des grandes entreprises qui nous gardent dans l'ignorance, qui font des profits sur le dos d'une sous-éducation numérique chez le grand public. Mais surtout par notre propre faute. Dans mon billet De la Radicalisation, du 18 novembre 2015, j'expliquais que «l'égocentrisme polarisé par la performance du «like» n'a comme finalité que l'engraissement de l'intérêt privé au détriment de l'espace public où le bien commun pouvait être pleinement considéré, voir amélioré.»

Et c'est le prix que nous sommes prêts à payer collectivement pour avoir la chance de publier nos photos de voyage à Cuba, les derniers mots prononcés par nos enfants, les accès faciles et rapides à une plateforme d'achat en ligne qui livre du détergent pour la lessive à notre porte: et pourquoi ne pas en faire une vidéo pour égayer la vie de nos amis! Toutes ces informations, toutes ces données accélèrent notre rythme de vie, mais engraissent un algorithme, une technologie évolutive qui nous dépasse et dont nous sommes maintenant redevables: c'est le plan d'affaires des plateformes technologiques, tel que je l'écrivais le 30 octobre 2018.

Mais encore?

Certaines sphères demandent de légiférer afin de contrôler, ou démanteler les grandes entreprises de la tech. Sauf que la grande question demeure: à qui revient-il le droit de contrôler les masses, si la masse est incapable de se discipliner elle-même?

On ne pourra pas dé-inventer les algorithmes, et pour la plupart, il est vrai qu'ils rendent notre existence plus simple: la triste réalité, c'est que la post-vérité n'est pas si importante pour une vaste proportion de gens.

En 2012, j'écrivais «il fut un temps où les médias sociaux se voulaient le havre de la vérité capable de colmater l'authenticité du développement de nouvelles relations qui devaient devenir les bases d'une manière contemporaine d'interagir, d'une manière d'interagir plus vraie.» Sauf que le constat est tout le contraire: nous rassembler nous a fait comprendre que nous sommes plutôt enclins à croire ce que nous croyons déjà, à tort ou à raison, plutôt que d'enrichir la réalité d'opinions diverses qui nous déplaisent peut-être, mais qui participent au développement collectif.

La décision par HuffPost Québec de remplacer sa section Blogues, par deux rubriques, Opinion et Témoignages, s'inscrit donc clairement dans cette lignée. Est-ce pour le mieux? Je n'en sais rien; c'est possible. Mais je crois personnellement que nous avons assez d'opinions disponibles; ce qu'il nous manque, c'est quelque chose comme un médiateur médiatique. Une entité humaine, et non algorithmique, qui fait la part des choses objectivement et de manière non partisane pour le bien commun. C'est un vœu pieux, mais à défaut d'une solution qui nous propose une désintoxication accessible et quotidienne, qui nous démystifie la réalité et qui stoppe les fausses équivalences entre l'approximatif et le vrai; nous avons prouvé que nous sommes collectivement incapables de nous réguler par nous-mêmes.

Nous sommes infectés par un virus, victimes d'une pandémie médiatique qui n'a cessé de gagner du terrain au cours des six dernières années.

À l'écriture de ces dernières lignes, je ne peux que remercier Huffington Post Québec pour l'opportunité de collaborer à cette plateforme; mais surtout, je nous souhaite de collectivement trouver les ressources nécessaires pour nous refaire une santé numérique (et démocratique).

Merci, et au plaisir.

La section des blogues propose des textes personnels qui reflètent l'opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

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