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Pas assez de juges bilingues selon le commissaire aux langues

Pas assez de juges bilingues?
CP

OTTAWA - Il n'y a pas assez de juges bilingues au pays, estime le commissaire aux langues officielles du Canada qui demande des actions concrètes de la part ministre fédéral de la Justice.

Trop souvent, pour les citoyens, exiger d'avoir un procès dans la langue officielle de leur choix retarde les procédures et occasionne des coûts supplémentaires, peut-on lire dans un rapport dévoilé vendredi.

Un nombre «inquiétant» de cas a été relevé où les citoyens n'ont pu faire valoir leurs droits adéquatement devant les tribunaux, a déclaré le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, en entrevue.

Dans leur rapport, le commissaire fédéral — de concert avec ceux du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario — soumettent 10 recommandations au gouvernement Harper.

Elles sont basées sur une étude portant sur la capacité bilingue des cours supérieures du pays qui vient d'être réalisée. Elle vise donc uniquement les juges qui sont nommés dans ces cours par le gouvernement fédéral.

Celle-ci révèle que le processus de nomination des juges ne garantit pas la présence d'un nombre suffisant de juges ayant les compétences linguistiques pour entendre les causes des citoyens dans la langue officielle de la minorité.

Et cela, notamment en raison du fait qu'il n'y a aucun processus indépendant pour vérifier leurs aptitudes linguistiques.

Bref, les aspirants juges s'auto-évaluent et on se fie à leurs déclarations. Après, certains réalisent qu'ils ne maîtrisent pas assez leur langue seconde pour gérer un procès, remarque M. Fraser.

Dans d'autres cas, les citoyens impliqués dans un litige se rendent compte des limites du juge et changent de langue, soit pour lui plaire, soit pour être sûrs d'être bien compris, relate le commissaire.

«Indirectement, les justiciables sont poussés vers les services en anglais», indique un avocat, consulté dans le cadre de l'étude.

«On dit qu'un membre de la minorité francophone a le choix entre être servi en anglais aujourd'hui ou en français demain», rapporte un autre procureur.

Et comme il n'y a pas d'évaluation formelle de la maîtrise du français et de l'anglais des juges, il n'y a pas moyen de savoir à quel point le problème est grave ni combien de juges bilingues seraient nécessaires. Le problème existe aussi au niveau du personnel des cours de justice.

«Il y a un nombre inquiétant de cas où les services ne sont pas disponibles», a déclaré M. Fraser.

«Dans certaines villes, comme Ottawa et Montréal, c'est plus facile. Et même là, il y a des failles importantes», juge-t-il.

Pour M. Fraser, aucun citoyen ne devrait rencontrer des embûches additionnelles ou encourir de plus grands frais en raison de leur langue. Il s'agit pour lui d'une question d'accès à la justice.

Les trois commissaires aux langues officielles recommandent qu'un nombre de postes de juges bilingues soit déterminé et, aussi, la mise en place de formations linguistiques bonifiées pour les juges.

Selon M. Fraser, avoir plus de juges bilingues dans les cours supérieures pourrait aussi avoir un impact positif sur le processus de nomination des juges à la Cour suprême.

Le gouvernement Harper refuse d'exiger des candidats à la Cour suprême qu'ils soient bilingues, faisant valoir qu'il n'y aurait alors pas un assez grand bassin de juges dans lequel puiser.

Avoir plus de juges bilingues dès leur accession à la magistrature ferait en sorte qu'ils seraient plus nombreux à maîtriser à la fois le français et l'anglais au moment de poser leur candidature pour siéger au plus haut tribunal du pays, croit-il.

Au bureau du ministre de la Justice, Peter Mackay, on indique qu'il va prendre le temps de réviser le rapport et ses recommandations afin d'évaluer si des améliorations doivent être apportées.

Le gouvernement fait valoir qu'il «continuera d'appliquer les principes du mérite et des compétences juridiques dans le processus de sélection et de nomination des juges», est-il précisé dans un courriel envoyé par le cabinet du ministre MacKay. Il dit continuellement chercher à s'assurer de respecter les besoins linguistiques de chaque province.

Il incite par ailleurs les communautés de langue minoritaire à «encourager les candidats qualifiés à appliquer pour des nominations judiciaires».

De son côté, le Nouveau Parti démocratique (NPD) condamne l'inaction du ministre de la Justice, soulignant que les problèmes relevés par le commissaire aux langues sont connus depuis longtemps et que les progrès ont depuis été fort modestes.

«Pour bien des Canadiens, l'accès à la justice demeure un défi. Et pour les membres d'une communauté linguistique minoritaire, trop souvent la langue s'ajoute aux nombreuses barrières», a déclaré Yvon Godin, porte-parole du NPD en matière de langues officielles, dans un communiqué.

L'étude a débuté à l’été 2012 et s'est terminée en avril 2013. Elle a porté sur les processus de nomination en place dans les cours supérieures de six provinces: la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta.

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