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Non, ce n'est pas forcément «naturel» de devenir maman

On prend la maternité comme allant de soi, mais est-ce vraiment le cas? À quoi nous confronte-t-elle? Qu'avons-nous à en comprendre?
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On prend la maternité comme allant de soi, mais est-ce vraiment le cas? À quoi nous confronte-t-elle? Qu'avons-nous à en comprendre?

Vous êtes-vous déjà demandé ce que vit une femme qui peine à devenir ou à se sentir mère? Avez-vous déjà imaginé les doutes, les remises en question, la culpabilité, la morsure de l'échec qui lui sautent à la gorge et la font vaciller?

Bien sûr, la maternité n'a rien d'un passage obligé. Mais pour qui la désire, peiner à mettre en route une grossesse ou vivre l'arrivée de son enfant avec difficulté peut vite devenir une déstabilisation totale de ce que l'on croyait être, maîtriser et connaître. Soudain, on se découvre fragile, défaillante, amputée d'une partie de son identité. On se pense pointée du doigt, mise au ban des «vraies femmes», celles qui enfantent «comme il se doit» dans la plénitude et la sérénité.

«Ça devrait être tellement naturel, d'être maman!»

Ça devrait aller tellement de soi, de concevoir un bébé, de le porter avec bonheur, de lui donner naissance stoïquement, de s'occuper de lui avec béatitude et dévouement! Ça devrait, oui, mais... Je connais le sujet. En fille indépendante, dotée d'un parcours considéré comme exemplaire, je pensais contrôler toutes les manettes de mon existence, et pouvoir la planifier comme bon me semblerait. Jusqu'au jour où la médecine m'a annoncé que mes chances de démarrer une grossesse approximaient le zéro pointé. Toute tentative de fécondation in vitro était même inutile. Circulez, rien à faire, rien à tenter! Et pourtant... Quelques mois plus tard, je portais un enfant.

Que s'était-il passé? Qu'avaient donc omis les spécialistes? Le cas a de quoi interpeler - et pas seulement parce que nous sommes à un mois de Noël et de son immaculée conception! Dans les pays industrialisés, l'infécondité augmente à une vitesse préoccupante. Près d'un quart des couples y reste sans enfant après un an de tentatives sans contraception. Au bout de deux ans, ils sont un sur dix à s'orienter vers une assistance médicale à la procréation. Leurs chances de grossesse varient alors entre 10 et 20 %. La science agit, les procédés se perfectionnent, mais les spécialistes sont inquiets. Alors qu'il y a 30 ans, ils avaient essentiellement à résoudre des cas de trompes bouchées ou abîmées, les causes de l'infécondité féminine sont aujourd'hui de plus en plus difficiles à cerner. Chez les hommes, la qualité du sperme est en chute libre - en l'espace de 50 ans, la production de spermatozoïdes dans les pays occidentaux a dégringolé de 40%. À ce rythme, certains médecins se demandent même si, dans un demi-siècle, nous serons encore capables de nous reproduire naturellement...

«La naissance est-elle une simple mécanique biologique?»

À bien y réfléchir, quels en sont les arcanes? J'avais 23 ans quand j'ai rencontré mon mari. Dans ma tête, il était clair qu'un jour nous aurions des enfants. Clair comme une idée qu'on caresse de loin. À 30 ans, j'ai décidé que le moment était venu. J'ai décidé, puis... rien. J'ai fini par comprendre qu'un bébé ne se décrète pas. On veut un enfant, comme on veut un emploi ou un appartement. Mais la nature aime parfois ébranler nos certitudes et se jouer de notre raison pour nous rappeler à une autre réalité.

L'être est infiniment complexe. Une fragilité dans un pan de l'existence a priori très éloigné des questions de bébé peut empêcher la fertilité de s'exprimer et l'arrivée de l'enfant d'être vécue sereinement. La conception et la grossesse remettent des choses en mouvement, elle exacerbe les problèmes latents et fait remonter des profondeurs, des blocages ou des peurs. Émotions enfouies, mémoires familiales, relation au conjoint, stress, alimentation, mode de vie... Que sommes-nous prêts à explorer et à transformer pour devenir parents?

Dans le processus subtil qui m'amena à devenir mère, il y eut ma rencontre avec la médecine traditionnelle indienne, puis une succession d'étranges circonstances. Au gré de ce parcours, j'ai pris conscience que tout, de la mise en route d'un bébé au début de la parentalité, dépend de notre disponibilité à la vie. Que faire pour l'accueillir et l'aider à éclore?

«Nos sociétés l'ont perdu de vue, mais mettre au monde est un passage initiatique.»

Un chemin marquant la fin d'un état, et le début d'un autre. Ce passage peut venir nous bousculer jusque dans l'intimité de nos identités. On est mère physiquement, mais pas émotionnellement ni psychologiquement. Combien de jeunes mamans ont été confrontées à la difficulté de nourrir leur enfant au sein? C'est pourtant censé être naturel! Le choc est douloureux, déboussolant. Il engendre une insécurité énorme. Confrontées au désarroi de ne pas savoir faire, hantées par l'idée que l'enfant dépend d'elles, qu'elles en sont responsables, elles réalisent qu'à un certain niveau de leur être, elles ne savent pas qui elles sont.

Je connais ces difficultés. Elles m'ont saisie par surprise, après la naissance de mon fils. Dans un coin de ma tête, j'avais décidé que sa venue ne changerait pas ma vie. Qu'il ne m'empêcherait pas de sortir, de voyager, d'être la femme indépendante et bohème que j'aimais être. La bonne blague! Attachée à une certaine vision de mon être, je me suis sentie corvéable, assignée à résidence, privée de ma propre existence. Dans une sorte de réflexe conditionné, je me suis emmurée dans la croyance que je devais être exemplaire, empilant en silence la rancœur et la colère...

Jusqu'à ce qu'un soir, je réalise qu'il était temps que je meure à moi-même, pour mieux renaître. Alors que tout se dérobait sous mes pieds, j'ai compris qu'il s'agissait d'une invitation à descendre plus profond. Que l'heure était venue de lâcher «l'avant», d'accepter ce qui était là et de m'ouvrir à d'autres forces. Adieu contrôle, volonté, planification; bonjour confiance, accueil, intuition... La douceur est une puissance, et il est urgent d'en prendre conscience. Pour nous. Pour nos enfants. Pour la société dans laquelle nous souhaitons qu'ils grandissent.

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Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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