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Les patriotes de 1837: Saint-Hyacinthe sur la route de l'exil

À Saint-Hyacinthe, le mouvement patriote est intimemement lié à l'exécutif montréalais et en particulier à la famille Papineau. Ces accointances se vérifieront notamment à la fin de 1837, quand des chefs montréalais trouveront refuge dans la région maskoutaine.
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La Journée nationale des patriotes a lieu cette année le 19 mai autour du thème « À la grandeur du Québec ». Loin de se limiter au Richelieu et à St-Eustache, le mouvement patriote avait en effet de profondes racines dans pratiquement toutes les régions du Québec. D'ici la mi-mai, dix-sept articles retraceront l'histoire des patriotes de 1837 dans autant de régions, de l'Outaouais à la Gaspésie.

Tandis qu'on s'appuie ailleurs sur un leadership local fort, à Saint-Hyacinthe le mouvement patriote est plus intimemement lié à l'exécutif montréalais et en particulier à la famille Papineau. Ces accointances se vérifieront notamment à la fin de 1837, quand des chefs montréalais trouveront refuge dans la région maskoutaine.

Dès 1832, des réunions à saveur réformiste se tiennent à l'occasion d'une élection partielle contestée. Les débats sont particulièrement vifs au séminaire de St-Hyacinthe, un important foyer d'animation nationale. L'organisation politique se met en place en avril 1834, autour d'un comité patriote représentant les paroisses de Saint-Hyacinthe, Saint-Damase, Sainte-Rosalie, La Présentation, Saint-Césaire, Saint-Simon, Saint-Pie, Saint-Paul-d'Abbotsford, Saint-Hugues et Saint-Dominique. À compter de juillet 1835, l'Association réformiste et l'Union patriotique assurent quant à elles les communications avec le Comité central de Montréal. Une semaine plus tard, Louis-Joseph Papineau est de passage à Saint-Césaire, où il prononce un vibrant discours. Une réception a ensuite lieu en son honneur à Saint-Hyacinthe, probablement au manoir de sa sœur, Rosalie Papineau, seigneuresse des lieux.

Le dépôt des résolutions Russell au printemps 1837 suscite la tenue d'une première grande assemblée devant le palais de justice, le 1er juin. Le 23 juin suivant, une assemblée plus importante encore aurait attiré 1600 Maskoutains pour dénoncer l'interdiction du gouvernement... de tenir des assemblées politiques. Vingt-six délégués y sont élus pour représenter Saint-Hyacinthe à l'assemblée des Six-Comtés, prévues à St-Charles en octobre.

Ce qui frappe à St-Hyacinthe s'est le rôle des grands notables dans l'animation politique. À la suite du seigneur pro-patriote Jean Dessaulles, de son épouse Rosalie et de leur fils Louis-Antoine, c'est toute l'élite maskoutaine qui semble s'être liguée derrière le Parti patriote.

Joseph Bistodeau fait partie de cette élite maskoutaine unanimement rangée derrière Papineau. Riche marchand, propriétaire de vastes domaines, syndic du village, juge de paix et fondateur de Saint-Pie, Bistodeau s'implique dans le mouvement patriote jusqu'à prendre les armes en 1837.

De même, le député Thomas Boutillier se retrouve au centre de la plupart des assemblées patriotes maskoutaines. Avec son beau-frère Eusèbe Cartier, le docteur Boutillier mène plusieurs charivaris, puis assermente quarante Maskoutains décidés à prendre les armes. Réfugiés aux États-Unis, Boutillier et Cartier participent ensuite à l'important conciliabule de Middlebury, le 2 janvier 1838. Tous deux semblent s'être ralliés aux modérés, puisqu'ils regagnent le Canada dès juin 1838, avant d'être finalement arrêtés en novembre suivant.

L'autre député, Louis Raynaud dit Blanchard, est tout aussi actif, tant à Montréal qu'à Saint-Hyacinthe. Un mandat d'arrêt est aussi émis contre lui. Il se réfugie donc aux États-Unis d'où il ne revint qu'en juin 1838.

Philippe-Napoléon Pacaud entretient lui aussi des liens étroits avec le parti à Montréal, où il fréquente la librairie d'Édouard-Raymond Fabre et les réunions du Comité central et permanent. À l'automne 1837, Pacaud dirige une section maskoutaine des Fils de la liberté, puis participe aux batailles de Saint-Denis et de Saint-Charles. Il trouve ensuite refuge à Saint-Hyacinthe, notamment au séminaire où, déguisé en ecclésiastique, il reste insaisissable malgré les perquisitions menées par l'armée. Il est finalement arrêté le 2 décembre 1838, puis libéré le 22 janvier sans avoir subi de procès.

Entre les assemblées et l'appel aux armes, se déroule à St-Hyacinthe une série de charivaris politiques, ces manifestations bruyantes destinées à intimider des adversaires politiques et les forcer à démissionner de leur charge publique. Des charivaris sont notamment menés contre le juge de paix Jean-Baptiste Casavant, le lieutenant Benjamin Goulet et l'officier de milice Emmanuel Couillard-Després.

Le plus célèbre de ces charivaris vise nul autre que le général John Colborne. Le 13 septembre 1837, le général en chef des forces britanniques en Amérique fait halte à Saint-Hyacinthe dans le cadre d'une tournée d'inspection. Par le plus pur des hasards, s'y trouve aussi Louis-Joseph Papineau qui conduit ses fils Lactance et Gustave au collège pour le début des classes. L'arrivée du tribun était attendue et des festivités sont déjà prévues. Profitant de l'effervescence, certains détournent cependant la foule vers l'auberge où séjourne la suite du général Colborne. Ils sont bientôt une quarantaine, menés par Thomas Boutillier, Eusèbe Cartier, Ambroise Brunelle, François Papineau et Arthur Delphos, à encercler l'édifice et à scander : « À bas Colborne ; c'est un traître au pays ! À bas les Anglais ! Hourra pour Papineau ! À bas les soldats ! », « Vive Papineau ! À bas Colborne et Gosford ! » et « Il n'y a pas de bureaucrates ici ; s'il y en avait, il faudrait les mettre entre deux bœufs. » Clairement embarrassé, Papineau demande à ce qu'on cesse immédiatement le charivari et convoque les responsables chez dame Rosalie Papineau Dessaulles où il loge. Le lendemain, les charivaristes de la veille plantent devant l'église de Saint-Hyacinthe un mai surmonté d'un bonnet de la liberté en l'honneur de Papineau. L'événement symbolise clairement qu'à l'encontre du général anglais, c'est au chef patriote que le peuple reconnait l'autorité légitime.

Une soixantaine d'hommes armés demandent ensuite l'absolution au curé Édouard Crevier en vue de se joindre aux patriotes du Richelieu. Deux jours plus tard, Boutillier et Goddu commandent chacun un régiment chargé de voler au secours de ceux de Saint-Charles. Vétéran de la guerre de 1812, Toussaint-Hubert Goddu est le plus expérimenté. Il fait d'abord piller à Saint-Césaire le magasin de William Unsworth Chaffers, à la recherche d'armes et de munitions, puis équipe une « brigade » de 112 hommes qui se met en marche le 24 novembre 1837. Goddu et ses hommes prennent finalement le chemin de la pointe Olivier (Saint-Mathias), d'où ils comptent intercepter les troupes du général Wetherall à leur retour de Saint-Charles. Goddu se réfugie ensuite au Séminaire de Saint-Hyacinthe, puis tente de franchir la frontière américaine avant d'être arrêté et conduit à Montréal le 12 décembre. Il sera plus tard exilé aux Bermudes.

Le refuge des patriotes

Selon l'historien Gérard Filteau, « le rôle des habitants de Saint-Hyacinthe devait surtout être de fournir des moyens d'évasion aux fugitifs ». En novembre 1837, la répression militaire et la fuite de plusieurs leaders patriotes inaugurent en effet une nouvelle phase à Saint-Hyacinthe, où bon nombre de chefs patriotes trouvent refuge sur la route de l'exil vers les États-Unis.

Parmi ceux qui accueillent des patriotes en fuite, Jean-Baptiste Bousquet dit Raynaud donne notamment refuge à Wolfred Nelson, Thomas Storrow Brown, François Jalbert, Timothée Kimber, J.-B. Sénécal, J.-B. Laroque et Bonaventure Viger. Bousquet dit Raynaud est lui-même arrêté le 16 décembre 1837. Siméon Marchesseault peut alors écrire : « L'honnête homme chez qui l'on s'arrête est Jean-Baptiste Bousquet, maintenant dans le cachot avec moi.»

Le manoir de la seigneuresse Rosalie Dessaulles Papineau jouera aussi ce rôle de relais pour les exilés. Bien que le manoir ait été perquisitionné à plusieurs reprises, dame Dessaulles héberge quand même ses frères André-Augustin et Louis-Joseph Papineau, son neveu Louis-Joseph-Amédée de même que son propre fils, le jeune Louis-Antoine Dessaulles, au grand dam de sa mère qui craint « toujours qu'il ne s'expose et qu'on ne l'encage comme tant d'autres ». Passent aussi par le manoir Edmund Bailey O'Callaghan, Jean-Charles Prince, directeur du séminaire, et la fille du docteur Wolfred Nelson. Selon la déposition de son domestique, dame Dessaulles aurait aussi fait parvenir « deux poches pleines de pains » aux insurgés de Saint-Charles. Bientôt, la seigneuresse elle-même doit prendre la fuite pour trouver refuge chez un autre frère, le curé Toussaint-Victor Papineau, de Verchères.

Les patriotes de Saint-Hyacinthe participent ensuite au soulèvement de l'automne 1838. Dès sa sortie de prison, Bousquet dit Raynaud et le jeune Louis Bourdon recrutent intensivement des « Frères chasseurs». On les retrouve ensuite à l'auberge Tétrault de Sainte-Marie-de-Monnoir à planifier la prise du fort Chambly dans la nuit du 3 au 4 novembre 1838. Une centaine d'hommes se donnent ainsi rendez-vous au moulin Meigs de St-Athanase (Iberville), pour y prendre livraison d'armes et attendre un signal de l'attaque. Le signal ne viendra jamais. Les conjurés subissent leur procès du 22 au 28 février 1839. Louis Bourdon est condamné à mort, mais sa sentence est finalement commuée en une déportation en Australie. Là, Bourdon est désigné secrétaire au camp des prisonniers bas-canadiens parce qu'il parle l'anglais. Il est en outre le seul des 58 exilés à risquer et à réussir son évasion de la colonie pénitentiaire. Le 10 septembre 1842, il s'embarque à bord d'un baleinier français et arrive à New York en 1843. Il s'installe ensuite au Vermont en attendant l'amnistie de 1845. Il fera encore une belle carrière, notamment comme premier maire de Farnham.

Des patriotes de 1837

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