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Nous ne sommes pas responsables de la pénurie d'infirmières!

Alors que les infirmières sont à bout de souffle, le nouveau président de l’Ordre en rajoute: il rend un grand nombre d’entre elles responsables de la pénurie qui accable les établissements de santé.
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Selon le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), la pénurie actuelle serait «artificielle», car créée par le fait que trop d’infirmières n’auraient qu’un diplôme collégial.
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Selon le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), la pénurie actuelle serait «artificielle», car créée par le fait que trop d’infirmières n’auraient qu’un diplôme collégial.

À l'heure où les infirmières du Québec sont épuisées et que plusieurs sont malades à force de porter sur leurs épaules le poids de la désorganisation de notre système public de santé, le nouveau président de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), Luc Mathieu, en rajoute. Il rend un grand nombre d'entre elles responsables de la pénurie d'infirmières qui accable les établissements de santé.

Selon lui, la pénurie actuelle serait «artificielle», car créée par le fait que trop d'infirmières n'auraient qu'un diplôme collégial.

C'est du moins la thèse qu'il défend dans le premier «éditorial» qu'il a signé récemment dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Selon lui, la pénurie actuelle serait «artificielle», car créée par le fait que trop d'infirmières n'auraient qu'un diplôme collégial. Elles ne trouveraient donc pas d'emploi, puisque les établissements préfèreraient embaucher des diplômées universitaires. Bref, ce sont ces infirmières qui seraient responsables des nombreux postes laissés vacants et de la grande pagaille ainsi engendrée dans notre réseau public de santé.

L'accusation est grosse, mais tient-elle vraiment la route? Rien n'est moins certain.

Les arguments avancés par le président de l'OIIQ sont d'ailleurs fort questionnables. À commencer par son affirmation qu'une telle pénurie est peu probable, puisque l'OIIQ délivre, depuis sept ans, plus de 3000 nouveaux permis par année. Faites le calcul: comment peut-il y avoir une pénurie quand 21 000 nouvelles infirmières se sont ajoutées au cours des dernières années?

Année après année, le nombre d'infirmières qui quittent la profession est presque aussi élevé que celles qui y entrent.

Pourtant, l'OIIQ a publié son Rapport statistique sur l'effectif infirmier 2017-2018. Monsieur Mathieu aurait été à même d'y constater qu'année après année, le nombre d'infirmières qui quittent la profession est presque aussi élevé que celles qui y entrent. Le nombre de sorties a même dépassé le nombre d'entrées en 2017-2018. Voilà à quoi ressemble la réalité lorsqu'on se donne la peine de regarder les deux côtés de la médaille.

Autre donnée qui fait réfléchir: même si la majorité des infirmières qui quittent la profession prennent leur retraite, un nombre presque aussi élevé part pour d'autres raisons. Voilà ce qui devrait l'alarmer, sinon l'inquiéter.

Comment se fait-il qu'année après année, des centaines d'infirmières abandonnent la profession? Pourquoi ne réussit-on pas à les retenir? Voilà, il me semble, des questions suffisamment sérieuses qui devraient attirer l'attention de Luc Mathieu.

S'il est peut-être vrai qu'en nombre absolu, il y a suffisamment d'infirmières au Québec pour prétendre qu'il n'y a pas de pénurie, comment se fait-il pourtant que plusieurs postes à temps complet disponibles n'intéressent personne?

Comment expliquer une telle situation, alors que 80% de la relève travaille à temps partiel? Se pourrait-il qu'un grand nombre d'infirmières préfèrent travailler à temps partiel plutôt qu'à temps plein? N'est-ce pas une façon de moins subir le stress et la surcharge occasionnés par leurs milieux de travail?

Le président de l'OIIQ préfère croire que si autant d'infirmières n'occupent toujours pas un poste à temps complet, c'est parce que leur formation collégiale est insuffisante. Alors que, presque chaque jour, des infirmières élèvent la voix pour dire qu'elles sont à bout de souffle et n'en peuvent plus. Chaque jour, certaines décident d'abandonner la profession.

Il faudrait que l'OIIQ et son président cessent de s'attaquer aux infirmières diplômées collégiales pour expliquer la pénurie structurelle. Et qu'ils cessent de laisser croire que la garantie de soins de santé de qualité et sécuritaire ne passe que par des infirmières de niveau universitaire.

La FSQ-CSQ interpelle l'OIIQ pour que les directions des soins infirmiers cherchent des solutions afin d'améliorer l'organisation du travail, plutôt que d'exercer de la pression sur les infirmières qui veulent retrouver des conditions de travail saines, au sein d'équipes stables. Notre système public de santé sera alors en mesure d'assurer la qualité des soins que la population est en droit de recevoir.

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