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J'ai perdu mes deux relations polyamoureuses au profit d'autres personnes pendant la pandémie

Malgré la jalousie, les difficultés et mes mécanismes de défense, j'ai accueilli de tout cœur la nouvelle petite amie de mon partenaire primaire dans ma vie.
Bohdan Skrypnyk via Getty Images

Le 15 mars, la veille du jour où le gouverneur annonçait les mesures de confinement ici en Californie, mon partenaire de près de cinq ans m’a laissée pour quelqu’un d’autre.

Lorsqu’une relation à long terme à laquelle vous ne voudriez jamais mettre fin se termine, personne ne vous dit comment traverser tout ça. Je me suis demandée s’il y avait un mot qui décrirait le fait de «savoir que c’est fini mais vivre dans le déni», parce que c’est le sentiment avec lequel je me suis réveillée quotidiennement pendant neuf mois, après cette semaine fatidique.

Ce qui rendait ma relation unique, c’est que j’étais polyamoureuse, de sorte que ce «quelqu’un d’autre» en question n’était pas un étranger; c’était quelqu’un que j’avais accueilli de tout cœur dans ma vie. Au cours de mes 12 années de non-monogamie, j’avais fait face à presque tous les hauts et les bas qui accompagnent le choix de ce style de vie. Vivre le polyamour peut être à la fois beau et inconfortable.

Mon partenaire et moi avions eu une relation ouverte pendant presque toutes nos années ensemble, nous étions ensuite passés d’une relation ouverte standard à un polyamour à part entière, ce qui signifie que nous étions favorables à l’idée de tomber amoureux d’autres personnes. Lorsque nous avons fait ce changement, mon partenaire principal résistait à l’idée, mais a capitulé par amour et par peur de me perdre.

Avant que la COVID-19 ne s’installe dans nos vies, mon «polycule» contenait 6-7 personnes en rotation. J’avais deux partenaires ― mon partenaire de vie et une relation plus récente qui se développait rapidement, née d’une amitié. Et ces relations avaient chacune leurs propres rendez-vous galants, certains occasionnels, d’autres plus sérieux, et parfois ces personnes avaient aussi des rendez-vous. Avec le polyamour, vous devez tirer le meilleur parti possible de vos choix de rendez-vous, et je mentirais si je disais que c’était toujours facile.

Dans la non-monogamie, vous vous heurtez si souvent au dilemme «les idéaux contre la pratique». En théorie, un style de relation axé sur l’amour semble être un beau chemin à emprunter. Mais dans la pratique, surtout quand on est gay et que tout le monde vit des problématiques reliées à l’abandon, la réalité peut se dérouler de manière très différente.

Malgré mes années d’études, je n’avais pas de feuille de route pour appréhender les comportements et les sentiments de mon «métamour» (le terme pour parler de la fréquentation de votre fréquentation), et je ne savais pas toujours comment gérer mon «énergie reliée à ma nouvelle relation» ou celle de mon partenaire. Et n’importe qui peut vous dire que l’énergie reliée à une nouvelle relation peut être une sorte d’extase chaotique.

Au moment où mes partenaires et moi avons corrigé certaines choses, il était trop tard pour d’autres. Mon partenaire primaire a admis qu’il se sentait dépassé. Comme la plupart des gens impliqués dans des relations engagées, nous avions une vie bien planifiée et nous partagions une histoire commune. Mais alors que tout commençait à se fissurer, j’ai ressenti la terreur qui survient lorsque vous réalisez qu’une histoire commune ne suffit pas à réparer la confiance brisée.

Au cours de cette dernière année, nous sommes revenus à la même impasse dans tellement de nos conversations. Je croyais que la non-monogamie et la poly n’étaient pas si différentes, mais le style «hiérarchique» des relations ouvertes manquait à mon partenaire. Je ne voulais plus faire de classement; j’avais vu cette structure causer de la douleur et des problèmes pendant des années dans mes relations et dans celles des autres. Mais cela manquait à mon partenaire et je l’ai compris.

Honnêtement, j’étais dans le déni à ce sujet à l’époque, mais certains éléments du fait d’avoir une hiérarchie me manquaient aussi. Même les «anarchistes des relations» les plus radicaux que je connaisse admettraient qu’il est difficile de ne pas tomber dans ces modèles sous le patriarcat.

Mais malgré la jalousie, les difficultés et mes mécanismes de défense, j’ai accueilli de tout cœur la nouvelle petite amie de mon partenaire primaire dans ma vie. Je voulais que mon partenaire soit heureux.

Malgré les efforts de mon partenaire et les miens, qui incluaient le fait de faire une thérapie pour travailler sur nous dans les moments difficiles, après six mois, mon partenaire et son autre petite amie s’étaient rapprochés en échangeant sur les difficultés d’être poly et ont commencé à élaborer un plan pour ce à quoi leur avenir pourrait ressembler ensemble. Sans moi. Il a mis fin à la relation avec moi pour poursuivre ce futur seulement avec elle. «Dévastée» est un faible mot pour décrire comment je me sentais.

“Quelle que soit l'orientation que vous donnez à vos relations, tout le monde dit la même chose lorsque vous vous faites larguer. Ne vous isolez pas! Connectez avec d'autres personnes, laissez vos amis vous prendre dans leurs bras, sortez. Mais comment peut-on faire cela en contexte de pandémie mondiale?”

Il est devenu immédiatement clair pour moi que j’avais assisté à toute ma dernière année en regardant un «écran partagé»; ma perception de celle-ci d’un côté, la vérité de l’autre.

Ma fréquentation restante et moi éprouvions aussi des problèmes. Alors qu’il était en quarantaine avec son autre partenaire et que je ressentais un immense sentiment d’abandon, j’ai mis fin à cette relation. Et c’est ainsi que j’ai perdu les deux partenaires que j’avais au profit d’autres personnes.

Quelle que soit l’orientation que vous donnez à vos relations, tout le monde dit la même chose lorsque vous vous faites larguer. Ne vous isolez pas! Connectez avec d’autres personnes, laissez vos amis vous prendre dans leurs bras, sortez. Mais comment peut-on faire cela en contexte de pandémie mondiale? Je suis passée de recevoir du matin au soir des tonnes de messages de mes amants ― à envoyer des textos aux trois mêmes amis, l’un d’eux faisant lui-même face à un énorme sentiment d’abandon.

Ces conversations par texto étaient souvent angoissantes. Mes amis les plus proches et ma famille se sont inquiétés par rapport à ma santé mentale. Mes mécanismes de survie avaient tous disparu. Je ne pouvais pas aller danser dans Castro, je ne pouvais pas avoir des histoires d’un soir, passer un week-end à fêter dans les maisons de mes amis ou aller à Los Angeles sur un coup de tête. Je ne pouvais même pas pleurer dans les bras d’un ami. Soudainement, les personnes à qui vous parlez de tout, des émissions que vous regardez, de politique, de votre travail, même de vos autres rendez-vous galants, sont toutes absentes.

À la place, j’allais à la clinique, où je travaillais de longues journées durant, le masque au visage, espérant que je ne mourrais pas, en m’énervant parce que je n’étais pas morte. Puis, je rentrais à la maison pour pleurer, dormir et répéter l’opération. Quand vous êtes reconnaissant d’avoir un boulot à haut risque à l’hôpital simplement pour vous garder sain d’esprit, quelque chose ne va vraiment pas.

Mon chagrin a aussi été accompagné de «cadeaux» de la vie. J’ai recommencé à écrire. J’ai commencé à voir des amis très prudemment lorsque j’ai dû préserver ma propre vie. J’ai pratiqué le «self-care» et je suis allée chercher de l’aide professionnelle. Le jour où j’ai finalement eu assez de courage pour bloquer mon ex a été le jour où j’ai commencé à penser que j’allais peut-être survivre à tout ça.

Malgré cet enfer privé, il me semblait que chaque semaine, quelqu’un que je connaissais faisait face à une rupture, une perte d’emploi ou un déménagement à cause de la COVID-19. J’ai commencé à me demander comment les autres faisaient face au fait d’être laissés pendant la pandémie. À l’approche de l’hiver, j’ai ressenti le trou laissé par le fait de partager les Fêtes avec des partenaires.

Lentement, j’ai commencé à mieux comprendre tout cela. Mais je survis aussi à cette double rupture et ce rejet pendant une période où l’accès à mes communautés se fait difficilement. Il y a cette peur persistante de l’effondrement économique et d’un avenir incertain. Monogamie, non-monogamie, polyamour ― tout cela a l’air d’une sorte de fraude quand la fin du monde semble être en train de se produire.

Il y a certaines choses que je sais avec certitude après avoir vécu cette expérience, la plus grande étant que si vous vous faites abandonner, que ce soit de façon romantique, par des amis ou de la famille, cela ne dit absolument rien de votre valeur. Tout le monde mérite de la compassion si vous en avez à revendre.

Je serai peut-être affligée de chagrin pendant un long moment encore, mais honnêtement, je suis encore et toujours reconnaissante. Reconnaissante pour l’immensité de cette leçon, pour les amis et les membres de ma famille qui m’ont soutenue, et reconnaissante que la plupart des choses aient une fin. Même les pandémies.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost États-Unis a été traduit de l’anglais.

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