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Pérou: Alan García et les manœuvres douteuses pour contourner la justice

L'ancien président de la république du Pérou, Alan García, a internationalisé ce qui, jusque-là, était une enquête de la justice péruvienne.
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Les policiers montent la garde devant la résidence de l'ambassadeur d'Uruguay au Pérou, à Lima, où l'ancien président Alan Garcia a demandé l'asile, selon le gouvernement péruvien.
Mariana Bazo / Reuters
Les policiers montent la garde devant la résidence de l'ambassadeur d'Uruguay au Pérou, à Lima, où l'ancien président Alan Garcia a demandé l'asile, selon le gouvernement péruvien.

Il y a quelques semaines, celui qui a été deux fois président du Pérou, Alan García, a demandé l'asile politique à l'ambassade de la république orientale de l'Uruguay à Lima, en plaidant une soi-disant «persécution» et un «coup d'État» de la part de la justice, à la suite d'enquêtes fiscales sur des affaires de corruption ayant eu lieu durant son second mandat.

L'affaire Odebrecht, un conglomérat brésilien impliqué dans une vaste corruption, est en train de mettre toute la classe politique d'Amérique latine en échec; ce n'est pas une nouveauté. Le cas du Pérou est peut-être le plus évident avec quatre de ses derniers présidents de la république —García, Toledo, Humala, Kuczynski — touchés par des enquêtes pour corruption. Mais c'est Alan García qui a internationalisé ce qui, jusque-là, était une enquête de la justice péruvienne.

En premier lieu, il faut rappeler que, selon le Pacte de San José de Costa Rica, «toute personne a le droit de chercher et recevoir l'asile en territoire étranger en cas de persécution pour délits politiques ou de droit commun connexes à des délits politiques, selon la législation de chaque pays et les conventions internationales». Cependant, l'ancien président García n'est pas mis en examen pour des crimes politiques ou de droit commun commis dans un but politique, mais pour un enrichissement illicite: un crime vulgaire aux fins totalement individuelles.

L'entrée de García à la résidence de l'ambassadeur uruguayen à Lima est survenue quelques heures après avoir reçu une ordonnance du tribunal l'empêchant de quitter le pays. Bien que Garcia ait accepté l'ordre, il est entré cette même nuit dans la résidence diplomatique.

L'Uruguay — en tant qu'État faisant partie de la Convention interaméricaine sur l'asile politique — doit s'acquitter de son obligation de ne pas donner suite à une demande d'asile politique de la part d'un individu «inculpé ou poursuivi devant des tribunaux ordinaires compétents et pour des crimes communs». Alan Garcia fait l'objet d'une enquête pour crimes de droit commun et non politique. La qualité de politicien de la personne investiguée ne rend pas le crime «politique»!

La corruption est un mal répandu en Amérique latine et il est frappant de constater que face à une lutte frontale menée par le bureau du procureur péruvien un organe indépendant du pouvoir politique – ceux qui doivent et ont l'obligation morale et politique d'y répondre éludent la justice en répétant des comportements passés.

En 1990, García Pérez a mis fin à sa première présidence, laissant derrière lui un pays dévasté, submergé par une grave crise économique, sociale et politique. Sa réaction fut d'échapper à la justice en attendant que le délai de prescription pour ses crimes soit dépassé pour revenir.

À cette époque, la dictature de Fujimori était le prétexte idéal pour prétendre qu'il n'aurait pas droit à un procès équitable dans son pays et il obtint l'asile en Colombie. Aujourd'hui, cette excuse ne tient plus: quelle persécution un gouvernement faible, comme celui du président Vizcarra, pourrait-il organiser alors que l'ancien président, M. Kuczynski, a été démis de ses fonctions et empêché lui-même de quitter le pays?

Il ne faut pas oublier que les allégations de corruption persistantes ne sont qu'une partie de la controverse concernant Alan García. Malgré les révélations importantes qui ressortent du rapport de la Commission de Vérité et de Réconciliation du Pérou, García n'a jamais assumé la responsabilité des graves violations des droits de l'homme commises pendant sa présidence.

Conformément à sa tradition démocratique et humaniste, l'Uruguay ne devrait pas accorder l'asile politique à García. Il ne s'agit pas de créer un précédent qui permette à ceux qui doivent répondre à la justice pour des crimes de droit commun d'y échapper et de faire de la république du Pérou un refuge pour les corrompus.

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