
Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, se dissocie des militants qui ont rencontré samedi les délégués du Front national, dont sa chef Marine Le Pen.
« J'ai été choqué lorsqu'on m'a informé aujourd'hui que des personnes, s'affichant comme des "jeunes du Parti Québécois", mais ne représentant qu'eux-mêmes et n'occupant aucune fonction au parti, ont rencontré la présidente d'un parti politique français en visite au Québec », écrit-il, sur Facebook.
« Au nom du Parti Québécois, je tiens à dissocier formellement notre formation politique et ses instances de toute activité ou rencontre, issue d'initiative personnelle, avec des représentants de ce parti dont l'histoire, la doctrine et les propositions sont aux antipodes des valeurs du Parti Québécois », poursuit le chef péquiste.
Sur Twitter, comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ) s'est aussi dissocié de la rencontre, relayant le message de M. Péladeau.
La polémique a débuté lorsque Sébastien Chenu, conseiller régional de Picardie-Nord-Pas-de-Calais et délégué national du Rassemblement Bleu Marine – un mouvement rattaché au FN –, a publié sur Twitter une photo et un message indiquant que Marine Le Pen avait rencontré « les jeunes militants du Parti Québécois » et que l'échange avait été « passionnant ».
De passage à l'émission Gravel le matin, le député péquiste Bernard Drainville avait pourtant déclaré cette semaine que la chef du FN n'était pas la bienvenue au Québec.
Elle devrait débarquer de l'avion et rembarquer illico, retourner chez elle.
Bernard Drainville, député du PQ
Un horaire chargé, mais peu de volontaires pour la recevoir
Marine Le Pen passera la semaine au Canada. Elle se déplacera dimanche à Québec dans le cadre de la journée de la francophonie, où elle prendra la parole. Le cabinet du premier ministre Couillard a assuré qu'il ne la rencontrera pas. La Coalition avenir Québec a quant à elle été approchée par le parti d'extrême droite pour une rencontre, mais le parti de François Legault a décliné l'invitation.
Bien qu'il admette que ses idéologies soient opposées aux siennes, Amir Khadir s'est dit prêt pour sa part à rencontrer la présidente du FN. « Comprenez-moi bien, c'est par humanisme que je me suis offert », a déclaré le député de Québec solidaire, qui désire démontrer à Marine Le Pen « que le Québec n'est pas un terrain xénophobe ».
C'est une Française qui arrive au Québec, alors on n'est pas pour la repousser. Ce serait lui servir la même médecine qu'elle sert aux immigrants comme moi.
Amir Khadir, député de Mercier (QS)
La chef du FN doit rencontrer des politiciens fédéraux, selon Sébastien Chenu, mais ce dernier n'a pas précisé de qui il s'agit : « ils ne nous ont pas donné l'autorisation de le dire ».
Selon le quotidien Le Figaro, Marine Le Pen rencontrera deux ministres canadiens (Commerce international et Économie), à titre de membre de la délégation de la Commission du commerce international du Parlement européen. Dans un courriel, l'attaché de presse de la ministre canadienne du Commerce international précise que Chrystia Freeland rencontrera bien la délégation européenne, « mais Marine Le Pen ne sera pas présente ».
Quant au parti conservateur fédéral, il indique que sa chef Rona Ambrose ne rencontrera pas non plus la politicienne controversée.
Par ailleurs, selon le journal Le Monde, la présidente du FN visitera l'usine de Bombardier, assistera à un match de hockey et conduira même un traineau à chiens. Interrogé à ce sujet, Sébastien Chenu a déclaré : « je ne contredis pas ces infos », tout en ajoutant que son programme détaillé serait dévoilé dimanche.
Progamme de Marine Le Pen :
Vendredi et samedi : Montréal
Dimanche 20 mars : Québec (point de presse)
Lundi 21 mars : Québec et Montréal
Mardi 22 mars : Montréal (point de presse)
Mercredi 23 mars : Montréal
Jeudi 24 mars : Saint Pierre et Miquelon (point de presse)
Vendredi 25 mars : Saint Pierre et Miquelon et Montréal

Ce qu'elle ne dit pas: A aucun moment son appartenance au Front national n'est cité ni même affiché, ne serait-ce que par l'intermédiaire d'un logo. Notez que jamais Jean-Marie Le Pen, avec lequel la présidente du FN est en conflit, n'apparaît dans cet album de famille. Ces photos sont d'ailleurs plus politiques qu'il n'y parait. Comme l'a relevé le journaliste du Monde Abel Mestre, c'est bien l'ombre de Frédéric Chatillon qui se dessine à gauche de la photo du dîner entre copains. Ancien gudard et patron de Riwal, Frédéric Chatillon tout comme sa société sont mis en examen dans l'affaire des kits de campagne du Front national.

Ce qu'elle ne dit pas: Courtisée par de nombreux médias, Marine Le Pen entretient malgré tout des relations compliquées avec la presse, qu'elle accuse régulièrement de "caricaturer" ses propos. Le micro d'Itélé qu'elle tient sur la photo de droite nous renvoie d'ailleurs au fait qu'elle a un temps menacé de boycott la chaîne tout info lorsque celle-ci s'est séparée du polémiste d'ultra-droite Eric Zemmour. Notez qu'aucune photo de ses entretiens musclés avec Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV n'a été mise en ligne.

Ce qu'elle ne dit pas: Cette avalanche de photos "cute" dans un cadre intime ou dans un décor de carte postale vise à l'évidence à lisser l'image souvent jugée trop clivante et cassante de la présidente du Front national. En politique, le totem du chat renvoie généralement à la patience et à l'indépendance, deux items sur lesquels Marine Le Pen entend bien surfer en 2017.

Ce qu'elle ne dit pas: Les photos évacuent habilement le contexte compliqué dans lequel elles ont été prises. Le drapeau de la CGT en arrière plan ne dit rien des tensions qui opposent le syndicat au FN. Et celle sur la Marche républicaine esquive la polémique autour de la présence de Marine Le Pen ou les provocations identitaires de son père sur le "je suis Charlie Martel".

Ce qu'elles ne disent pas: Si les relations du Front national avec ses homologues étrangers se sont renforcées, ces photos ne disent rien de la réputation sulfureuse qui reste celle du FN à l'international. En dépit de ses appels du pied, Marine Le Pen n'a toujours pas réussi à se faire recevoir par de hauts dirigeants étrangers. S'agissant de sa relation avec la Russie de Vladimir Poutine, le Front national passe évidemment sous silence sa dépendance controversée aux emprunts russes qui financent ses campagnes.

