Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Plaidoyer pour un sénat populaire tiré au sort

Un faux consensus existe actuellement au sein du débat entourant la réforme ou l'abolition du sénat. Celui-ci peut être formulé ainsi: tout processus démocratique est un processus passant par les élections.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Un faux consensus existe actuellement au sein du débat entourant la réforme ou l'abolition du sénat. Celui-ci peut être formulé ainsi: tout processus démocratique est un processus passant par les élections. Dès lors, ceux et celles qui veulent réformer le sénat veulent une chambre haute élue par la population. De l'autre côté, la position abolitionniste souhaite tout simplement que cette institution cesse d'exister pour ne laisser le pouvoir qu'à la chambre basse élue comme c'est le cas dans les provinces canadiennes depuis 1968.

Dans tous les cas, une belle occasion de réforme démocratique est manquée: celle d'établir un sénat populaire tiré au sort. L'idée qui parait peut-être saugrenue à première allure à cause du poids des habitudes est en fait loin d'être absurde ou impraticable. En effet, il faut comprendre que le rôle du sénat tel qu'il fonctionne actuellement pourrait très bien être accompli par les citoyens et les citoyennes. D'ailleurs, c'est presque le cas puisque ce ne sont pas des gens de carrière politique qui sont généralement nommés sénateurs ou sénatrices, ce sont des personnes respectées et populaires parmi la population. Cette idée d'un sénat canadien tiré au sort a notamment été défendue par Simon Labrecque et par Alain Deneault. À l'aide de leurs textes respectifs et avec le support d'autres documents, il est possible d'avancer au moins trois grands arguments en faveur d'une chambre haute désignée par le tirage au sort.

En premier lieu, cette institution nouvelle pourrait constituer un authentique contre-pouvoir populaire qui rejetterait dos à dos l'impuissant et docile sénat canadien ainsi que le sénat de parti tel qu'il existe aux États-Unis. L'important serait de permettre au sénat d'amender certains projets de loi, de pouvoir ralentir leur adoption en cas de tension entre la population et le gouvernement de la chambre basse. D'une certaine façon, cette institution incarnerait un véritable chien de garde citoyen. Ainsi, le rôle de contre-pouvoir indépendant des partis politiques pourrait réellement se concrétiser et fournir un rapport de force inouï face aux gouvernements qui, malgré leur élection par les citoyens et les citoyennes, trahissent souvent la source de leur légitimité numérique.

D'une certaine façon, cette institution incarnerait un véritable chien de garde citoyen.

Deuxièmement, une chambre haute désignée par le tirage au sort permettrait une meilleure représentation de la population telle qu'elle existe concrètement. Avec un critère de parité des sexes, le sénat populaire pourrait sérieusement prétendre représenter le peuple et cela sans être élu. Ce critère lui permettrait de rompre avec la politique des politiciens et des politiciennes de carrière et mettrait un sérieux frein à la corruption étant donné que les personnes occupant les postes seraient impossibles à connaitre avant leur désignation officielle. L'incorruptibilité du sénat populaire serait également assurée du fait que les organisations politiques n'y règneraient pas comme dans les parlements.

Finalement, comme l'explique très bien Alain Deneault : «non seulement disposerions-nous en permanence d'un contre-pouvoir, mais on stimulerait immanquablement la conscience politique.» En outre, une telle expérience ferait en sorte que tous et toutes pourraient raisonnablement espérer un jour accéder à des charges politiques sans avoir à se lier à une machine électorale. N'est-ce pas là l'un des objectifs fondamentaux de la démocratie? Et si tel est le cas, pourquoi ne pas tenter de greffer ce type d'institution à d'autres niveaux? Les provinces et les municipalités pourraient bénéficier d'une telle réforme également.

J'aimerais terminer ce plaidoyer en répondant d'avance à la critique des compétences des personnes tirées au sort. En effet, il s'agit là du point sur lequel semblent souvent se focaliser les attaques visant ce type de procédure. Pourtant, personne ne conteste aujourd'hui la crédibilité du jury en tant qu'institution. Au contraire, à bien y regarder il s'agit bel et bien d'un modèle d'incorruptibilité. Plus encore, il est avéré que les gens occupant cette position d'autorité prennent généralement leur rôle très au sérieux et effectuent des tâches parfois surprenantes en termes de complexité. Or, pourquoi en serait-il autrement avec une chambre haute populaire?

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mai 2017

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.