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Le site montréalais Pornhub ne peut plus ignorer ses responsabilités

Les cas troublants de pornographie juvénile ne doivent pas passer sous silence.
Ethan Miller via Getty Images

Bien peu de gens sont au courant, mais Montréal est maintenant une plaque
tournante de la lucrative industrie de la pornographie en partie grâce à la
présence dans la métropole d’une grappe d’entreprises de nouvelle technologie.

La plus connue et la plus controversée est sans doute Mindgeek, qui domine le marché mondial de la porno de ses bureaux du boulevard Décarie et avec plus de 1000 employés à travers le monde. Le fleuron de Mindgeek est Pornhub, créé en 2007, un des sites web porno les plus populaires au monde, avec 115 millions de visiteurs par jour, 42 milliards par an en 2019 (selon ce qu’indiquait l’entreprise en décembre dernier).

On l’appelle le YouTube de la porno car tous et chacun peuvent y déposer aisément leur vidéo porno et la consultation est gratuite. Les profits viennent de la publicité.

Les vidéos sont hardcore, souvent dégradants pour les femmes, 71% de l’auditoire est masculin. La pornographie est une industrie légale. Toutefois, et ce n’est pas étonnant, la question se pose: celles et ceux qui participent à ces actes sexuels sont-ils tous majeurs et consentants? Eh bien justement non. Et des cas documentés d’exploitation sexuelle sont révoltants.

Des cas révoltants

En octobre 2019, une adolescente américaine de 15 ans, portée disparue depuis un an, a finalement été retrouvée après que sa mère eut reçu de l’information à l’effet que des photos sexuellement explicites de sa fille circulaient. Le trafiquant qui la tenait sous sa coupe a mis en ligne 58 vidéos pornos de sa jeune victime et lui, certains disponibles sur le site web de Pornhub. La compagnie assure qu’elle retire rapidement les contenus douteux ou illégaux de ses plateformes dès qu’ils sont signalés et ajoute qu’elle est en train de mettre en place des systèmes de détection améliorés pour vérifier l’identité des participants aux vidéos.

Le site Pornhub a été mêlé de près ou de loin à d’autres cas troublants. En janvier, les propriétaires de Girls Do Porn ont été reconnus coupables de fraude et de dissimulation en téléchargeant des vidéos pornos de 22 jeunes femmes sur Pornhub sans leur consentement. Le tribunal a accordé des dommages de plus de 12 millions et demi de dollars aux victimes.

De son côté, le Sunday Times de Londres a découvert en quelques minutes des douzaines d’exemples de vidéos illégales mettant en scène des mineurs sur le site de Pornhub. Certaines de ces vidéos avaient été visionnées par 350 000 personne et étaient en ligne depuis 3 ans. Trois des pires exemples signalés à Pornhub étaient encore sur le site 24 heures plus tard.

La BBC a également recueilli le témoignage de Rose Kalemba, sauvagement violée et battue à l’âge de 14 ans. La vidéo de son agression s’est retrouvée sur Pornhub en 2009, visionnée 400 000 fois, notamment par les élèves de son école en Ohio.

L’ONG britannique Internet Watch Foundation, qui fouille le web à l’aide d’outils technologiques sophistiqués, affirme avoir détecté en trois ans plus d’une centaine de cas d’abus sexuel d’enfants sur le site Pornhub.

Comment se fait-il que Pornhub ne fait pas toutes les vérifications d’identité nécessaires avant d’accepter de publier des vidéos? La compagnie explique qu’elle contrôle l’identité d’une seule personne, celle qui ouvre un compte, et qui met en ligne quelques minutes plus tard des vidéos mettant en scène d’autres personnes dont l’âge et l’identité n’ont jamais été vérifiées.

“Pornhub devrait à mon avis s’assurer du consentement de chaque participant, avant la diffusion.”

Étrangement, les côtés plus sombres de ce succès d’affaire montréalais ont fait les manchettes aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais pas au Québec. Et c’est une militante américaine, Laila Mickelwait, qui occupe le poste de directrice de l’Abolition pour l’organisme chrétien Exodus Cry, qui mène en ce moment la campagne la plus visible contre Pornhub. Plus de 375 000 personnes ont signé sa pétition en ligne pour faire fermer Pornhub.

Laila Mickelwait profite d’ailleurs du 8 mars – Journée internationale des femmes - pour organiser une manifestation devant les locaux de Mindgeek/Pornhub à Montréal.

À l’ère du mouvement #moiaussi, quel que soit son modèle d’affaire, Pornhub devrait à mon avis s’assurer du consentement de chaque participant, avant la diffusion. Le statu quo comporte trop de risques.

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