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Potiches, cruches, cuchons et autres contenants domestiques

J'aime Lise Payette. Tout au cours de mes décennies d'engagement pour l'égalité politique, elle m'a inspirée et elle m'inspire encore. Mais quelle ne fut pas ma douleur de l'entendre qualifier de «potiches» les femmes qui siègent, et ont siégé à l'Assemblée nationale.
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Potiche et cruche, est-ce synonyme ? Si oui, l'épithète qu'emploie Lise Payette pour qualifier les femmes députées est bien désolante. Et l'attribut dont elle gratifie les élues ne facilite pas la tâche de celles et ceux qui, comme moi, travaillent depuis des années pour amener des femmes en politique.

J'aime Lise Payette. Tout au cours de mes décennies d'engagement pour l'égalité politique, elle m'a inspirée et elle m'inspire encore. Mais quelle ne fut pas ma douleur de l'entendre qualifier de «potiches» les femmes qui siègent, et ont siégé à l'Assemblée nationale ! Le 25 avril, dans la salle du Capitole à Québec, à l'occasion de la soirée 75e anniversaire du droit de vote des femmes, certaines ont compris qu'elle ne parlait que des élues libérales. Peut-être était-ce qu'elles voulaient entendre ? Mais ce n'est pas ce que j'ai compris. Chez moi, les potiches ne sont pas toutes de la même couleur et à côté des potiches et de ma cruche à biscuits, j'ai aussi un cruchon à cornichons.

Ce soir-là, plusieurs députées et ex-députées étaient dans la salle. Je les ai vues se lever comme les autres pour applaudir madame Payette. Forte de mon admiration pour cette héroïne de l'égalité, je me suis rassurée en me disant qu'avec le mot «potiche», sans doute ne personnalisait-elle pas l'injure aux femmes en chair et en os ? Peut-être aurions-nous dû entendre: « Mesdames, ne le prenez pas personnel ? » Sans doute ciblait-elle davantage l'environnement politique manichéen que nous connaissons et le système de gouvernance encore tatoué du sceau masculin ?

Un peu réconfortée par ma réflexion, j'ai demandé à quelques députées présentes comment elles recevaient cet attribut de «potiche». Si elles m'ont dit la vérité, ce dont je ne suis pas certaine, il semble bien que j'aie été à peu près la seule à me sentir blessée. Moi qui n'ai jamais été députée. L'une m'a dit: « Ce n'est pas à nous, comme femmes élues, qu'elle adresse cette injure, c'est à la culture des partis. »

Bon d'accord. Les députées ne sont, et ne furent pas des potiches et encore moins des cruches. C'est le Salon bleu qui, pour faire avancer le schmilblick, a besoin d'un parterre de fleurs et de vases décoratifs ou utiles. En effet, à côté des soi-disant plantes vertes que seraient certaines femmes, tous avons vu des hommes députés doués surtout pour répéter les messages qu'on leur a dictés. Qui les a traités de cruchons ou de pots vides ? Personne. Portés par leur parti, on les élit et les réélit d'élection en élection.

Oui, nous sommes plus sévères envers les femmes. Peut-être même certaines féministes donnent-elles elles-mêmes le « la » à ce concert de démolition qui, en 2015 plus que jamais, décrédibilise les femmes politiques.

Que les femmes ne soient pas suffisamment influentes dans les parlements et les conseils : bien d'accord ! Que l'on voie peu ou pas leur empreinte dans les décisions et orientations gouvernementales : bien d'accord ! Que ces femmes se contentent du rôle de figurante qu'on leur donne souvent : pas d'accord ! Elles valent plus. Elles veulent plus.

Il est difficile de franchir les tranchées de la partisanerie qui musèlent trop souvent les femmes et les hommes élus. L'exercice du pouvoir est un sport extrême, nous le savons. Mais faut-il vraiment qu'il se joue sous les vitrines déformantes d'une serre ? Faut-il accepter que quelques horticulteurs patentés aient le droit de gérer au doigt et à l'œil cet écosystème fragile qu'est la démocratie... et qui nous appartient ?

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Mai 2017

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