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Pourquoi l’État islamique n’est pas viable?

La contrainte vient des gouvernants qui ont choisi de faire affaire avec les esprits obtus et régressifs des islamistes.
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Jasmin Merdan via Getty Images

Récemment, un ami québécois de souche intéressé par le dialogue interreligieux m'a invité à m'exprimer sur plusieurs textes qu'il avait en main, parmi lesquels le sermon prononcé le 16 janvier 2016 à la mosquée Al-Aqsa par le cheikh palestinien Abu Taqi Al-Din Al-Dari. Ce dernier y arguait que le futur État islamique doit conquérir Rome, Washington et Paris par le djihad... Il y avait aussi la pétition de juillet 2018, signée par une centaine d'intellectuels qui «réclament une justice équitable» pour Tariq Ramadan, incarcéré en France dans une affaire de viols. Ensuite, une conversation avec Hamid Dabashi, diplômé de l'Institut de Genève, qui souligne que «le désir révolutionnaire se lit comme le dépassement de l'opposition «The West and the rest» (L'Ouest et le reste). Et pour clore cette liste, les concepts de la colonialité et de la décolonialité commentés par Asma Lamrabet, sociologue et féministe islamiste.

J'ai accepté de le faire en partant des enseignements dispensés par mes aînés. Mon propos porte ainsi bien sur des pistes de réflexion et le lecteur averti, grâce à son sens du discernement, n'empruntera pas le chemin des impasses. Je passerai en revu, d'une manière succincte, les pouvoirs occidentaux et leurs rapports aux musulmans, Le djihad, Dar El Islam (le monde de la paix) et Dar El Harb (le monde de la guerre) l'État islamique, le Wahhabisme et le Khomeynisme... et je terminerai par ce slogan qui dit que «Nous sommes musulmans donc nous sommes parfaits».

Mes références: les sages de ma famille

Mon avis pourrait, par moment, être maladroit. Mais une de mes principales sources d'information et d'acquis restera à jamais celle des sages de ma famille: père et mère, grands-parents, oncles et tantes ainsi que tous ces patriarches et toutes ces matriarches qui ne portent pas forcément une barbe blanche ou un voile sur la tête, mais détiennent une parcelle du savoir acquis auprès d'autres sages de la tribu.

À titre indicatif et à ce stade de mon propos, je ne suis pas convaincu par l'idée, comme le voient certains, que l'islam serait le «décolonisateur» du monde. Mon argument est que dans le monde d'aujourd'hui c'est l'Islamisme, qui de nos jours sévit. Une idéologie qui, comme bien d'autres, disparaitra comme elle est apparue.

Les pouvoirs occidentaux «confinent» les musulmans

Cependant, j'ai la conviction que le nœud gordien des problématiques du «bien vivre ensemble» réside dans les aptitudes des politiciens, des intellectuels et des médias à bien gérer les pouvoirs qu'ils détiennent. Le paradoxe est ce délit qu'ils commettent en devenant tellement paresseux et négligents, que leur pensée et leurs actions non seulement se figent, mais elles sont souvent indigentes et stéréotypées. Le cas des musulmans est éloquent.

Les gouvernants, tout puissants qu'ils sont, les «confinent» à un seul groupe «identifiable par le voile de ses femmes et contrôlable par ses imams, ainsi que des représentants autoproclamés et corvéables à merci.»

Le djihad

Ma compréhension est celle d'un «entendant», c'est-à-dire quelqu'un qui écoute ce que professent les sages de la famille. Cette dernière regroupe des intellectuels, des érudits, des magistrats (le cadi, qui joue le rôle des juges et des avocats), appliquant la charia dans sa philosophie, notamment sociale, et des sages tels que mon oncle maternel, un enseignant d'histoire et de littérature arabe.

Depuis fort longtemps, j'ai appris, grâce au savoir de ces personnes, que le djihad n'est pas, comme beaucoup le soutiennent et le pensent, une guerre pour soumettre les autres, comme les infidèles et les mécréants, par exemple. Il représente plutôt l'introspection (l'ijtihad, diront certains), la connaissance de soi par rapport à une problématique momentanée, non pas comme un instant de sa propre vie, mais telle une continuité permanente pour faire face à toute éventuelle incompréhension de l'autre, celui qui pourrait être un ami, mais qui est perçu comme un ennemi.

Le djihad, utilisé comme instrument de guerre, n'apparait qu'en fin de processus, c'est-à-dire lorsque le cœur et l'esprit ne sont pas en paix face aux mécréants. Ces derniers sont les polythéistes qui résistent à la foi en un seul dieu, et non pas les athées qui, bien qu'ils ne croient en aucun dieu, sont en paix avec eux-mêmes. Ils doivent être convaincus par l'argument, et avant tout, il faut leur faire la démonstration qu'ils sont sur la mauvaise voie. Par la suite, leur montrer que le chemin approprié est leur conversion à l'Islam - la paix avec eux-mêmes - et surtout pas à l'Islamisme.

Dar El Islam (le monde de la paix) et Dar El Harb (le monde de la guerre)

Mon grand-oncle m'a questionné: «Où se trouve ta maison?» J'ai répondu: «ma maison, c'est celle où je vis avec mon père, ma mère, mes frères et sœurs. Elle se trouve à quelques rues d'ici.»

Il prit sa tige de roseau et me donna un petit coup sur l'épaule, tout en me disant: «c'est faux, ta maison principale, c'est ton cœur. C'est lui Dar Es Silm. C'est ça ta maison de paix. Si tu la pacifies, tu seras en protection totale et si tu laisses la colère, le mal, le vice la pénétrer, tu seras toujours en guerre contre toi-même. Pour t'en sortir, tu lâcheras ta colère sur les autres et tu leur feras la guerre, alors qu'ils ne t'ont pas fait de mal ni provoqué».

L'État islamique

Personne ne peut construire un État en ôtant la vie à des innocents. L'État islamique, on ne le répétera pas assez, n'est qu'une vue de l'esprit. Il se fonde sur une politique (certains diront une idéologie) qui s'inspire de versets coraniques mortifères, pour semer la peur chez les citoyens des pays qui ne répondent pas aux injonctions de quelques guerriers occidentaux et de leurs valets, qui veulent tout régir selon leurs intérêts et leur cupidité.

Alors, en ce qui me concerne, et pour suivre les enseignements des sages que j'ai rencontrés, je me souviens que la voie, la seule voie, celle du juste milieu, ne mène pas à la guerre, mais à la paix.

Le Wahhabisme et le Khomeynisme

La guerre que se mènent les deux puissances virtuelles du Golfe (arabe ou persique, c'est selon...) est un mécanisme qui doit être mis hors d'usage. Les deux modèles de gouvernance, le Wahhabisme de l'Arabie saoudite et le Khomeynisme de l'Iran sont deux faux frères funestes. Ils n'ont rien à voir avec l'Islam sunnite et l'Islam chiite. Il s'agit de deux idéologies qui se combattent pour leurs propres hégémonies.

L'avantage d'interpeller la mobilisation des musulmans est qu'ils sont partout, sur tous les continents. Il ne s'agit plus d'expansion et de conquête, mais bien d'endoctrinement et d'embrigadement, y compris de non-musulmans, à des fins de prise de pouvoir partout où ils se trouvent.

Pourtant, un minimum de modération et d'apaisement conduirait à une piste de rationalité et de raisonnement, d'abord, par les musulmans qui démontreraient une autre façon de concevoir la non-viabilité de l'État islamique dans un monde moderne et progressiste et ensuite ils œuvreraient à une vraie promotion de la paix.

La contrainte vient malheureusement des gouvernants qui ont choisi de faire affaire avec les esprits obtus et régressifs des islamistes. Les gouvernants et leurs soutiens occidentaux se fourvoient en déroulant le tapis rouge à un État islamique qui les mène droit dans une impasse.

La décolonialité versus la «Post Indépendance»

La colonialité et la décolonialité (tout dépendant du côté de la frontière où se trouvent les interlocuteurs), termes remis au goût du jour par quelques «chercheurs» convaincus que leur trouvaille explique les oppositions entre différents groupes de nantis et de dépossédés, restent des néologismes des années 1950 qui conviennent à quelques bienpensants à la recherche d'une brillance qui les mettrait sous les feux de la rampe pour quelques gains financiers et, par là même, d'autres espaces de pouvoir pour leurs mécènes.

Cependant, ils oublient que ces concepts ont connu leur ère de discussion, lorsqu'il était question de la décolonisation des pays d'Afrique et d'Asie du Sud Est. Ils ont été très vite balayés par celui, plus réaliste, de l'indépendance. Les pays ayant conquis, acquis ou obtenu leur libération, se sont appropriés celui de la «Post Indépendance». Bien entendu, cela n'a jamais plu aux colonialistes impénitents.

«Nous sommes musulmans donc nous sommes parfaits»

Dans son ouvrage Vocation de l'Islam, le penseur algérien, Malek Bennabi, avec lequel, sur bien des points je diverge, rejoint l'avis de ceux qui considèrent qu'une régression est palpable dans le monde musulman: «La plus grave parmi les paralysies, celle qui détermine dans une certaine mesure les deux autres (sociale et intellectuelle), c'est la paralysie morale». Son origine est connue: «L'islam est une religion parfaite. Voilà une vérité dont personne ne discute». Malheureusement il en découle dans la conscience post-Almohadienne, une autre proposition: «Nous sommes musulmans donc nous sommes parfaits». Syllogisme funeste qui sape toute perfectibilité dans l'individu, en neutralisant en lui tout «souci de perfectionnement».

Malek Benabi suggérait aux Algériens de désapprendre la colonisation et d'apprendre l'indépendance pleine et totale. Mais à la même époque, en Algérie et dans le monde arabe, d'autres idéologies avaient envahi le champ politique au point où se croisaient le marxisme-léninisme, le trotskysme, le panarabisme, le baathisme et l'apparition des germes du fléau de la fraternité musulmane que Nasser (Égypte) avait «subrepticement exilée» en Algérie avec l'assentiment des autorités.

Malheureusement pour Malek Benabi, depuis le milieu des années '90, presque tous ses disciples ont opté pour l'islamisme. Imaginer l'indépendance en dehors de la Oumma (la nation musulmane) était une hérésie, alors qu'au même moment les indépendantistes algériens introduisaient le concept «les séquelles de la colonisation versus les acquis de la révolution».

Que chacun vérifie, s'il en a le temps et la patience, dans toutes les constitutions des pays où l'islam est érigé en religion de l'État, le concept du citoyen n'existe pas.

Ce qui est totalement absurde en ces temps modernes, c'est que l'Oumma nie le citoyen, ainsi que les libertés individuelles. Que chacun vérifie, s'il en a le temps et la patience, dans toutes les constitutions des pays où l'islam est érigé en religion de l'État, le concept du citoyen n'existe pas.

Une porte de sortie s'offre aux gouvernements occidentaux et à ceux des pays «arabo-musulmans» et c'est celle consistant, au départ, à écouter les citoyens de confession et/ou de culture musulmane qui sont censurés, bâillonnés et interdits de parole.

Cela sera le prélude à des pas de géants dans un rapprochement humain des différentes communautés toutes religions et toutes obédiences confondues. Si les hommes et les femmes politiques traitent les musulmans comme tous les autres citoyens, ils désarmeront l'hydre qui menace l'harmonie et la cohésion humaines dans tout le monde.

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