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Prière au Saguenay: La Cour suprême a envoyé un avertissement sur la Charte des valeurs, croit un constitutionnaliste

Prière au Saguenay: un avertissement pour Bernard Drainville?

QUÉBEC - En rendant son jugement sur la prière au Saguenay cette semaine, la Cour suprême a lancé un avertissement aux partisans d'une Charte des valeurs québécoises, Bernard Drainville en tête.

C'est du moins ce que croit le constitutionnaliste Benoit Pelletier. Ex-ministre libéral sous Jean Charest, il s'était prononcé contre le projet de Charte des valeurs du gouvernement Marois.

Le professeur à l'Université d'Ottawa se dit «pas du tout certain» que le projet de Charte des valeurs proposé par le candidat à la chefferie du PQ, Bernard Drainville, puisse passer le test des tribunaux.

Il évoque le paragraphe 74 du jugement. « Je précise qu’un espace public neutre ne signifie pas l’homogénéisation des acteurs privés qui s’y trouvent. La neutralité est celle des institutions et de l’État, non celle des individus», écrit la juge en chef Beverly McLachlin dans ce jugement unanime des neuf juges.

«Un espace public neutre, libre de contraintes, de pressions et de jugements de la part des pouvoirs publics en matière de spiritualité, tend au contraire à protéger la liberté et la dignité de chacun. De ce fait, la neutralité de l’espace public favorise la préservation et la promotion du caractère multiculturel de la société canadienne que consacre l’art. 27 de la Charte canadienne», ajoute la juge McLachlin.

«Ce que la cour laisse entendre ici, c'est que le principe de la neutralité de l'État ne va pas jusqu'à exiger l'interdiction de symboles religieux par les employés de l'État», estime Benoit Pelletier.

Cet avis n'est pas partagé par Henri Brun, un réputé constitutionnaliste qui a défendu le projet de Charte des valeurs du gouvernement Marois. Il estime que la cour a priorisé le droit collectif de liberté de religion plutôt que les libertés individuelles. «Quant à savoir si cette priorité jouerait par rapport à la pratique qu'auraient d'autres représentants de l'État, de porter un signe religieux ostentatoire au moment d'exercer la fonction publique qui leur est confiée, il faudrait hélas interroger de nouveau la CSC [Cour suprême du Canada]. Je suis en désaccord avec ceux qui prétendent que la Cour a écarté cette possibilité de manière générale dans son jugement.»

Un avertissement pour le Québec

Pour sa part, le professeur Pelletier estime que les juges la Cour suprême ont envoyé sciemment un message aux partisans de la Charte des valeurs. «C'est comme un avertissement qui est envoyé au Québec à titre d'obiter dictum [NDLR: remarque secondaire exprimée par la cour] pour dire que ce n'est pas parce qu'on insiste dans le jugement sur la neutralité de l'État qu'il faut comprendre qu'on aurait déclaré la charte sur la laïcité, telle que proposée par Bernard Drainville, valide», ajoute Benoit Pelletier.

Malgré son opposition au projet de charte, Benoit Pelletier estime que le choix appartient aux Québécois. «Je voulais qu'ils fassent un choix collectif, dit-il. Après, si c'est contesté, le Québec se défendra devant la cour.»

Le Québec peut également recourir à la clause dérogatoire s'il souhaite se protéger des contestations judiciaires, rappelle-t-il. Pour son nouveau projet de charte de la laïcité «2.0», Bernard Drainville n'entend pas évoqué cette fameuse clause «nonobstant».

Il faut dire que la clause a mauvaise presse, affirme Benoit Pelletier. «Elle est vue comme une admission de la part de l'État qu'elle viole sciemment les droits et libertés, dit-il. C'est comme si vous disiez, 'je sais que je viole la charte [des droits et libertés], mais c'est ce que je veux'. Alors, c'est devenu très dur à défendre politiquement.»

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