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Proche aidant: «Je me sens très seul et abandonné par le système»

«J’ai voulu en finir. Je ne suis pas passé à l’acte parce que quand j’ai voulu le faire, André a ouvert ses yeux et m’a fait un sourire.»
Michel Beauchamp et son frère André
Courtoisie/Michel Beauchamp
Michel Beauchamp et son frère André

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Mon père est décédé quand j’avais 15 ans. C’est mon frère André, le plus vieux, qui a pris soin de toute la famille ensuite. Il nous a aidés comme si on était ses enfants. Il a arrêté de travailler dans les années 70 pour s’occuper de ma mère et de ma soeur aujourd’hui décédées.

Aujourd’hui, André a 82 ans. Il est diabétique à l’insuline, il a un pacemaker et il fait de l’aphasie. On a appris en 2010 qu’il avait une démence très sévère. Au même moment, on a su qu’il avait un cancer du côlon. Depuis 2014, il ne marche plus et ne peut plus rien faire. André est comme un bébé de trois ans.

Il est aux couches depuis plusieurs années. Il faut mettre sa nourriture en purée et le faire boire avec du liquide épaissi. La nuit, il faut lui laver la bouche avec des éponges parce qu’il a la bouche sèche. Je le change environ trois à quatre fois chaque nuit et je dois m’occuper de le laver les jours où les préposées ne sont pas là. C’est très ardu, heureusement que je suis en forme, parce qu’il pèse plus de 200 livres.

“André m’avait demandé de ne pas le placer s’il lui arrivait quelque chose, parce qu’il ne voulait pas vivre ce que les gens subissent dans les CHSLD. Je lui ai promis.”

Moi, j’ai 70 ans. Je suis proche aidant 24 heures par jour, sept jours sur sept depuis 10 ans.

J’ai demandé de l’aide en 2014. J’étais tellement épuisé. Grâce à une travailleuse sociale, j’ai pu avoir accès à des heures de services par des préposées à la maison. Dans le passé, André m’avait demandé de ne pas le placer s’il lui arrivait quelque chose, parce qu’il ne voulait pas vivre ce que les gens subissent dans les CHSLD. Je lui ai promis.

Avec les années, je me suis appauvri. Financièrement, j’étais en train de me faire laver partout. Je dois m’occuper de la maison, mais il n’y a pas de salaire qui rentre. Mes comptes de banque sont toujours dans le rouge. Je n’ai pas d’aide du gouvernement. J’ai fini par tomber en dépression.

André Beauchamp
Courtoisie/Michel Beauchamp
André Beauchamp

Au mois de février dernier, j’ai voulu en finir. J’avais tout préparé. Je ne suis pas passé à l’acte parce que quand j’ai voulu le faire, André a ouvert ses yeux et m’a fait un sourire. Je suis tombé par terre en pleurant en me disant que je ne pouvais pas faire ça. Je suis allé voir mon médecin et tout de suite il m’a envoyé voir une travailleuse sociale pour que j’aie de l’aide.

Avant les dernières élections provinciales, j’ai rencontré François Paradis de la CAQ. Il m’a dit que quand la CAQ serait élue, je ne paierais plus pour les couches de mon frère et que les proches aidants comme moi seraient aidés financièrement. Rien ne s’est fait encore.

Je n’ai pas accès aux crédits d’impôts qui sont en place présentement parce que je n’ai pas de revenus puisque je ne travaille pas. Marguerite Blais avait évoqué un nouveau crédit d’impôt remboursable auquel je pourrais avoir accès. J’attends toujours.

“Quand je le regarde, ce n’est plus la même personne, ce n’est plus celui que j’ai connu. Ça devient mon bébé maintenant.”

Ce qui me fait mal, c’est que j’ai fait confiance à un gouvernement en votant pour eux et là je m’aperçois qu’on me trahit. Les gouvernements n’ont pas d’empathie. Ils pensent juste à avoir un surplus budgétaire. Je me sens très seul et abandonné par le système.

Le cerveau d’André s’atrophie de plus en plus et il a maintenant une démence très sévère. Il n’a plus vraiment de moments de lucidité, mais il me reconnaît. Souvent, il va dire «maman» aux préposées et pendant un temps, il m’appelait «papa».

Ça fait mal de le voir comme ça. J’ai toujours été plus proche d’André dans la famille. Quand je le regarde, ce n’est plus la même personne, ce n’est plus celui que j’ai connu. Ça devient mon bébé maintenant. Et quand il va partir, ça va être comme si c’est mon enfant qui part.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

Vous ou vos proches avez besoin d’aide? N’hésitez pas à joindre le Centre de prévention du suicide au 1866 APPELLE (277-3553).

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