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Projet de loi 20: une mécanique complexe

C'est le début, aujourd'hui, des consultations publiques sur la loi 20. Les fédérations qui représentent les médecins et le ministre de la Santé Gaétan Barrette s'interpellent à coups de chiffres et de statistiques depuis des semaines.

Un texte de Anne-Louise Despatie

Mais la mécanique qui obligera les omnipraticiens à suivre un certain nombre de patients et les médecins spécialistes à répondre dans des délais fixes reste obscure. Les médecins savent que leur rémunération sera réduite si les nouvelles normes ne sont pas respectées, mais les règlements d'application ne sont encore connus.

Les groupes qui défendent les patients et revendiquent de l'accès s'attendent à ce que le gouvernement règle enfin ce problème. Ils croient qu'il est temps que la prestation des soins s'organise autour du patient et non plus autour du médecin.

L'usager au premier plan

Un Québécois sur quatre n'a pas de médecin de famille. Le Regroupement provincial des comités d'usagers du réseau de la santé et des services sociaux sera parmi les premiers entendus cette semaine.

« Le problème, c'est qu'on a environ 19 000 petites entreprises (que sont les médecins omnipraticiens et spécialistes) et il faut qu'elles apprennent à travailler ensemble. On a un employeur qui est le gouvernement du Québec qui donne des contrats. Tous doivent pouvoir travailler ensemble pour que le réseau soit en mesure de prendre en charge un certain nombre d'usagers », explique le directeur général, Pierre Blain.

Même son de cloche au Conseil pour la Protection des malades. Paul G. Brunet considère que Gaétan Barrette s'est personnellement engagé à régler le problème d'accès à un médecin de famille, en imposant les quotas de patients.

« C'est une solution, sûrement pas la meilleure, mais depuis 10 ou 15 ans, les patients sont un peu tannés de continuer à payer des impôts, à voir la rémunération de tout ce beau monde-là augmenter pour avoir la parité avec les autres provinces. Alors qu'on n'a pas la parité en terme de productivité avec les autres provinces » constate monsieur Brunet.

À chaque médecin sa place

Le chercheur de l'Institut de recherche en Santé publique et professeur à l'Université de Montréal, Damien Contandrioloulos, croit aussi que cette réorganisation de la pratique médicale s'impose. Mais elle ne doit pas se résumer à une question de comptabilité.

« On a encore beaucoup posé la question: ''est-ce que les médecins travaillent assez?'' Ce n'est pas la vraie question, selon moi. C'est surtout: ''est-ce qu'ils font vraiment le travail qui donne une plus-value à la population ? Est-ce que chaque médecin est là où il devrait être ?'' »

Il estime que le projet de loi 20 pourrait offrir une partie de la solution en s'assurant que l'hospitalisation repose plus sur les spécialistes et qu'une plus grande part du travail des omnipraticiens soit en suivi de patients, avec l'aide d'autres professionnels. Il suffit de s'inspirer de l'Ontario et de la Colombie-Britannique qui sont des exemples à suivre en matière d'accès aux soins de premières lignes au Canada.

Il semble qu'il soit encore difficile de mesurer l'adhésion des médecins au projet du ministre Barrette.

Damien Contandriopoulos soupçonne l'existence d'une minorité silencieuse pour qui ces changements sont faisables. Mais tout dépend de la méthode et comment le ministre Barette veut administrer le remède.

Le chercheur souhaite qu'il y ait des débats plus rationnels étant donné les enjeux.

« Après tout, la rémunération médicale, c'est une affaire de 6 milliards de dollars par an. » — Damien Contandriopoulos

Attention à la clientèle vulnérable

Les audiences publiques commencent donc sans avoir les détails sur une mécanique complexe qui doit aussi mesurer l'assiduité des médecins de famille auprès de leurs patients, c'est à dire dans quelle mesure ils pourront répondre à leur besoin pour éviter qu'ils ne consultent ailleurs.

Ce manque de détails alimente des inquiétudes au sujet du temps qu'auront les médecins pour traiter des clientèles plus vulnérables. À cela, le ministre Barrette dit qu'il y aura un système de pondération tenant compte de la lourdeur des cas.

Mais il y a aussi beaucoup de méfiance, à l'endroit de celui qui dirigeait, avant son entrée en politique, le « syndicat » des médecins spécialistes.

« C'est pas tant de la méfiance que la conséquence de l'application de la loi 20 qui va faire en sorte que ceux qui n'étaient pas à temps plein vont être obligés de l'être, sous peine de rémunération différenciée », dit- il. « Mais je pense que la société est en mesure de s'attendre de ses médecins, ce qui est raisonnable » poursuit le ministre de la Santé.

Sans vouloir donner de détails sur les quotas, il estime que la présence raisonnable des médecins de famille doit faire en sorte qu'ils travaillent en clinique ou à l'hôpital ou ailleurs dans le réseau, cinq jours par semaine pendant 40 semaines.

Cela équivaudrait à 20 visites par jour, ou moins, si le type de clientèle l'exige.

Cela n'est pas sans inquiéter des omnipraticiens qui enseignent. Comme Léonora Lalla, professeur en médecine familiale à l'Université McGill.

« On peut voir que beaucoup de cliniciens-enseignants sont préoccupés parce qu'ils se demandent s'ils vont pouvoir continuer à enseigner avec le projet de loi 20, en raison des quotas de patients qu'ils devront suivre pour ne pas être pénalisés », dit-elle.

Elle s'inquiète aussi du temps qu'elle pourra consacrer aux patients qui en nécessitent davantage.

« Les problèmes de santé, on peut pas les mettre dans une case horaire: ça peut prendre 10 minutes à résoudre ou ça peut prendre une heure et demie. » — Léonora Lalla

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