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Le projet de loi 70 doit protéger les jeunes trans

Le préjudice causé par les thérapies de conversion liées au genre est clair. Une récente étude [...] a démontré que tenter de changer l’identité de genre des jeunes trans augmenterait de près de trois fois leur taux de suicidalité.
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En tant qu’universitaires bénéficiant d’une expertise importante sur le sujet des thérapies de conversion et de la santé des personnes LGBTQ+, nous écrivons pour corriger les faits rapportés dans le texte d’opinion «Des projets de loi aux enjeux cruciaux pour nos enfants» par Nadia El-Mabrouk, Christian Sabourin, Stella Mylonakis et François Dugré. Ce texte, qui se porte en opposition aux projets de loi fédéral et provincial visant à interdire les thérapies de conversion sur la base de l’identité de genre, ne reflète ni l’état de la loi, ni celui de la science.

Les auteurs mentionnent qu’interdire les thérapies de conversion préviendrait l’approche la moins invasive, qu’ils appellent la «psychothérapie exploratoire». Or, c’est faux. Cette approche, mieux connue sous le nom d’attente vigilante, n’entre pas sous le joug des projets de loi puisque cette approche ne vise pas à changer l’identité de genre de l’enfant. Cette approche vise plutôt à prendre plus de temps avant de permettre la transition de genre sociale et médicale. Rappelons qu’aucune démarche médicale n’est envisagée avant la puberté. S’il est vrai que les thérapies de conversion sont aussi hostiles à la transition, ce qui les distingue est la tentative de changer le genre des jeunes trans.

Tout au long du 20e siècle, de nombreux moyens ont été tentés pour influencer l’identité et l’expression de genre des jeunes enfants, tous plus infructueux les uns que les autres et souvent avec des conséquences désastreuses. Pensons à la jeune Leelah Alcorn qui décéda par suicide après avoir été soumise à des thérapies de conversion pour changer son identité de genre.

Le préjudice causé par les thérapies de conversion liées au genre est clair. Une récente étude par des chercheurs de Harvard publiée dans JAMA Psychiatry, un des plus prestigieux journaux de psychiatrie, a démontré que tenter de changer l’identité de genre des jeunes trans augmenterait de près de trois fois leur taux de suicidalité. Lorsque l’enfant a moins de 10 ans, on parle plutôt d’une augmentation de quatre fois.

Même si l’approche d’attente vigilante sans tentative de conversion ne soit pas visée par la loi, il vaut la peine de mentionner que celle-ci soulève de nombreux problèmes quant au bien-être des jeunes. En affirmant que l’attente vigilante est moins invasive, les auteurs élisent la détresse bien réelle de jeunes demandant des interventions hormonales.

De nombreuses études confirment que ces interventions ont d’importants effets positifs sur la santé mentale tant chez les adolescents que les adultes, alors que la transition sociale est associée à des avantages similaires. Sur le plan de la transition médicale, on parle d’une réduction d’idéations suicidaires de l’ordre de 60 à 70%. Dans une population dont le taux de tentatives de suicide par année est de 21% pour un taux cumulatif de 40%, ces interventions sont plus que nécessaires.

Avec de telles données, on ne se surprend pas que les experts se rangent derrière l’approche affirmative, approche qui permet l’exploration identitaire ainsi que les interventions médicales aux jeunes trans les désirant (ce qui n’est pas le cas de tous). L’approche affirmative est promue par l’American Academy of Pediatrics, le groupe spécialisé en santé trans de la Pediatric Endocrine Society, et les standards de soins du Royal Children’s Hospital et de la Australian Professional Association for Trans Health (ce dernier document fut endossé par la prestigieuse revue The Lancet). Dans tous les cas, le même mot d’ordre ressort du consensus scientifique: «Suivre l’enfant.»

Pour promouvoir l’attente vigilante contre toute science, Nadia El-Mabrouk et ses coauteurs citent le mythe voulant que 80% des jeunes trans se réconcilient avec leur genre assigné à la naissance lors de l’adolescence. Or, non seulement ce nombre a-t-il été réfuté par la littérature scientifique, mais il n’est pas pertinent: toutes les dites «réconciliations» étaient prépubères alors qu’aucune intervention médicale n’est offerte avant la puberté.

Ultimement, les thérapies de conversion visant l’identité de genre sont dangereuses et contraires à la science. C’est pourquoi la Société canadienne de psychologie, l’Association des psychiatres du Canada, l’Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, l’Ordre professionnel des sexologues du Québec et tant d’autres organisations professionnelles s’y opposent. Les projets de loi 70 et C-6 ne font que viser des pratiques dangereuses qui sont contraires à la dignité et à l’égalité des personnes trans. Ces pratiques sont contraires à la science et au bien-être des personnes trans. Elles méritent d’être interdites.

Florence Ashley, LLM (Bioéth), Doctorante en droit et bioéthique à l’Université de Toronto

Olivier Ferlatte, PhD, Professeur adjoint, École de santé publique de l’Université de Montréal

Annie Pullen Sansfaçon, PhD, Professeure titulaire, École de travail social de l’Université de Montréal et Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles

Françoise Susset, D Ps, Psychologue clinicienne et psychothérapeute conjugale et familiale et Ancienne présidente de l’Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre (CPATH)

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

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